
Par Chokri AZZOUZ*
*Avocat et Professeur de droit
Outre la grande polémique politique et sociale ayant suivi sa promulgation, le décret 2021-117 du 22 septembre 2021 a gravement bouleversé les principes jusqu’aujourd’hui considérés comme les piliers du système juridico-constitutionnel tunisien. A l’instar de ceux de la plupart des pays du monde, ledit système est en effet bâti sur une hiérarchie dite « hiérarchie des normes ». Conçue par l’autrichien Hans KELSEN, cette hiérarchie range les normes juridiques dans un ordre hiérarchique communément appelé « la pyramide des normes ». Au sommet de la pyramide se trouve ce que KELSEN appelle « la norme hypothétique fondamentale », il s’agit du bloc des textes ayant une valeur constitutionnelle. Plus bas se trouve le bloc des textes à caractère législatif (lois organiques et lois ordinaires). Encore plus bas se trouve le bloc des textes à caractère règlementaire (décrets – lois, décrets, décisions administratives …). Cette hiérarchie stipule que la norme inférieure doit être adéquate, sinon conforme à la norme immédiatement supérieure. Le contrôle de la conformité de la norme règlementaire à la norme législative s’appelle contrôle de légalité. Le contrôle de la conformité de la norme législative à la norme constitutionnelle s’appelle contrôle de constitutionnalité. Le respect de cette hiérarchie est assuré par un organe juridictionnel. Dans le monde civilisé, cet édifice est la bible de l’Etat de droit.
Toute cette construction s’est vue défoncée par le décret 2021-117 promulgué et rendu public le 22 septembre 2021. Les Tunisiens auraient eu du mal à imaginer qu’un jour, un décret présidentiel puisse apporter des modifications à un texte constitutionnel en vigueur. Les matières traditionnellement considérées comme faisant partie du domaine de la loi font désormais partie de la compétence souveraine et exclusive du président qui a décidé de les exercer par le biais de décrets- lois en dehors de tout contrôle. L’instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de lois est abolie par l’article 21 du décret. En Tunisie ainsi que dans tous les pays du monde occidental, il est depuis longtemps postulé que la délimitation du champ d’intervention du pouvoir législatif et celui du pouvoir réglementaire ne peut avoir lieu qu’à travers une disposition constitutionnelle. C’est la limite démarquant le droit de la communauté de l’arbitraire des détenteurs du pouvoir. Franchir cette limite implique simplement le passage vers un Etat de fait sinon un despotisme déclaré.
Pire encore, suivant les termes de l’article 7 du décret 2021-117, ces décrets lois ne sont susceptibles d’aucune voie de recours en annulation, autrement d’aucun contrôle de légalité. En droit administratif ce moyen s’appelle recours pour excès de pouvoir. En droit tunisien il fait partie des droits fondamentaux et auquel le requérant peut avoir recours même en l’absence d’un texte. En droit français ce principe est consacré par une jurisprudence constante du Conseil d’Etat depuis l’arrêt « Dame LAMOTTE » du 17 février 1950. Le recours effectif pour toute personne dont les droits et libertés auraient été méconnus est, depuis 1986, reconnu comme un principe général du droit communautaire et consacré par la Cour de Justice de l’Union européenne. Mais paradoxalement, bien que les décrets lois énumérés dans les articles 4 et 5 du décret 2021-117 soient à l’abri de toute attaque en annulation, ce n’est pas le cas pour le décret en sa globalité ! Un éventuel recours pour excès de pouvoir est en principe toujours possible à l’encontre de toutes ou partie de ses dispositions.
Sans même passer par l’avis du Tribunal administratif obligatoire selon l’article 4 de la loi organique 1972-40 du 1 juin 1972, le président s’est curieusement octroyé la compétence exclusive et souveraine de préparer tous les projets de révisions « relatives aux réformes politiques » en vue de l’élaboration d’un « véritable régime démocratique » qui se base sur la « séparation des pouvoirs et l’équilibre effectif entre eux », « consacrant l’Etat de droit, garantissant les libertés publiques et individuelles et visant à réaliser les objectifs de la révolution du 17 décembre 2010… ». La référence à la date du 14 janvier 2011, ayant fait l’objet d’une méfiance itérative du président, semble être exclue du décret, plus précisément de son article 22. Cette exclusion n’est toutefois pas certaine. Le rédacteur de l’article 20, ayant maintenu en vigueur le préambule de la Constitution, aurait oublié que ledit préambule avait clairement cité le 14 janvier 2011 comme date de référence de la révolution tunisienne.
L’histoire de la Tunisie retiendra certainement qu’un mercredi 22 septembre 2021, une manœuvre fâcheuse entreprise par Kaïs Saïed est venue battre en brèche les principes de base de notre système juridico-constitutionnel et compromettre par conséquent tout ce qui a été construit et consacré par l’Etat indépendant. Certainement, la Tunisie mérite beaucoup mieux.
Le facho débile est un plouc parvenu ,qui est arrivé là où il n'en aurait jamais rêvé !!!
La grosse tête le nationalisme le fascisme là débilité, la mégalomanie, la revanche probable sur son parcours universitaire, donne à la Tunisie le pire des présidents !!
Et probablement le pire dirigeant de l'Afrique !!!
Ne lui demandez pas d'être rigoureux avec les textes de lois ou de la constitution.
Il en est incapable !!!