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Chroniques
Dans la ligne de mire de Kaïs Saïed
Par Synda Tajine
26/09/2023 | 16:59
5 min
Dans la ligne de mire de Kaïs Saïed

 

J’aurais aimé vous brosser le tableau idyllique d’un pays qui est « sur la bonne voie » (sic), d’un « peuple plus que jamais soudé » (sic) et vous chanter les louanges du régime actuel « le seul à être patriotique » (sic), au lieu de vous servir le sombre discours de ceux « qui veulent déstabiliser le peuple et semer le trouble dans les esprits » (sic). Malheureusement, je n’ai pas la matière pour le faire.

 

Vous l’aurez remarqué certainement, si vous avez l’habitude de suivre les discours présidentiels. Les médias, la presse et la liberté d’expression et de pensée font partie des sujets préférés de Kaïs Saïed ces dernières semaines. En seulement un mois, la télévision nationale a été sermonnée et rappelée à l’ordre à trois reprises et le travail de la presse a été évoqué dans la majorité des discours. Ceci est tout sauf une coïncidence.

Nul besoin de creuser beaucoup pour analyser le champ lexical des propos présidentiel. Si le Président commence par affirmer brièvement qu’il est « en faveur » de la liberté de la presse, cette brève affirmation est rapidement suivie de « mais ». Entendez par là, « je suis pour la liberté de la presse, mais pas celle que nous avons ici ».

Hier par exemple, Kaïs Saïed a prononcé un discours au conseil de la sûreté nationale. Parmi les thèmes abordés, celui de la liberté de la presse (encore). Le Président a clairement expliqué qu’il était « intransigeant sur la liberté de la presse ». Mais son soutien n’a pas duré longtemps. Cette phrase a été rapidement suivie de « mais ». « Même si la liberté de pensée est, dans bien souvent des cas, absente. La liberté d’expression n’est pas mensonges et diffamations. Ni lynchages et menaces de meurtre », a souligné le Président, exhortant la télévision nationale, avec ses deux chaînes, à « s’inscrire dans la ligne patriotique ». N’avait-il pas dit qu’il n’y avait pas de ligne éditoriale lors de son discours du 18 septembre ?

Dix jours plus tôt, le 8 septembre, il avait reçu la présidente directrice générale de la Télévision tunisienne, pour la sermonner sur « la programmation au sein de la TV nationale ». Un entretien qui a marqué, depuis, une série de remontrances contre la TV nationale, pourtant bien acquise au régime. Saïed estime encore qu’elle ne l’est pas assez et n’hésite pas à l’appeler à l’ordre au grès de ses apparitions publiques.

Le 14 septembre, il avait offert les journalistes au lynchage public (encore) grâce à des propos flous et imprécis. Il aura suffi à Kaïs Saïed de dire qu’un sombre journaliste – il ne dira évidemment pas qui c’est – a contracté des crédits sans présenter de garantie, pour que l’opinion publique s’enflamme. Les journalistes se sont mis à s’accuser entre eux et les Tunisiens ont profité de l’occasion pour cracher leur venin sur « ceux qui profitent du malheur du peuple pour s’enrichir ». Un vrai coup de maitre.

Dès que le Président parle médias, ses propos sont immédiatement suivis de « diffamation », « mensonge », « non-patriotisme », « volonté de déstabiliser le peuple »… Le discours derrière est très simple. Inutile d’être un génie pour le comprendre : ces gens-là sont des menteurs, ils sont malhonnêtes, non-patriotiques et ils ne veulent que vous nuire. Ne les croyez pas.

Les médias et les journalistes –pêle-mêle – sont accusés d’être non-patriotiques, de propager des intox, de servir des agendas et d’œuvrer à déstabiliser le peuple et à le déprimer. La stratégie est vieille comme le monde : diviser pour mieux régner.

Pour lutter contre le climat anxiogène, certains médias ont même essayé – dans une tentative désespérée et plutôt candide - de créer « la presse positive » ou d’inclure dans leur bulletin infos ce qu’ils ont qualifié de « bonne nouvelle du jour ». Histoire de ne pas être obligés d’être tout le temps des oiseaux de mauvais augure. Mais ceci reste anecdotique.

Aujourd’hui, les journalistes, chroniqueurs et faiseurs d’opinion s’accusent entre eux sur les plateaux radio et TV pour savoir qui est le plus patriotique et qui sert de sombres agendas. Les citoyens se clivent pour connaitre qui d’eux détient la vérité et qui s’est laissé embobiner par les pseudo-faiseurs d’opinion…

Mais ces discours, ces accusations floues, générales et souvent sans fondement n’apportent rien de concret au final. Elles ne font que participer au climat anxiogène que nous subissons tous aujourd’hui. Celui qui fait que l’opinion publique préfère privilégier les thèses les plus complotistes au détriment d’une réalité beaucoup moins palpitante et à voir des traitres et des comploteurs à chaque coin de rue.  Celui qui fait qu’une panne de courant est mise sur le compte d’un « grand complot général » plutôt que sur celui de la simple incompétence, celui qui qui fait que la crise économique actuelle et les pénuries sont le fruit d’un vaste plan de déstabilisation plutôt que sur l’absence d’une stratégie et de connaissances en gouvernance. Oui, la réalité est beaucoup moins glorieuse, moins palpitante et sensationnelle, mais il est, de ce fait, plus difficile d’y faire face.  

 

En attendant, la croisade contre les journalistes ne s’arrête pas au discours diabolisateur et aux diatribes justifiant toute arrestation, plainte ou traitement abusif. Elle fait que certains d’entre eux sont convoqués pour s’expliquer sur leur travail, que des plaintes sont déposées à cause d’articles et qu’un journaliste croupit derrière les barreaux pour avoir tout simplement fait son travail

 

Par Synda Tajine
26/09/2023 | 16:59
5 min
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Commentaires
EL OUAFI
Les visions de KAIS SAÏED
a posté le 28-09-2023 à 11:08
Ce grand monsieur a vécu dans l'anonymat, toute sa vie comme la majorité de nos compatriotes, enseignants dans le Supérieur, côtoyant en permanence des étudiants.
Après plusieurs années de remous, des batailles à couteaux tirés sous le régime de Bourguiba, le régionalisme s'empara des commandes !
Le flop de ZABA, et la prise en otage du pays.
Des rancuniers, écartés au paravent, s'emparèrent des commandes,démunies de tous savoir-faire.
Une décennale, pitoyable mettait le paysage politique à fleur de peau.
LE R'?VE DE SAÏED !
LE Gourbi devenu obsolète trop crasseux, enfants malintentionnés, aux idées sordides.
Nettoyer en profondeur tous les recoins de la maison, la désinfecter coûte que coûte, l'occasion est propice, et ne se remettra jamais !
La tâche de SAÏED est colossale,il mettra de la volonté, il en est décidé, il lui en faut du renforts, beaucoup, beaucoup, c'est sa vision des choses.
C'est ce qu'on lui souhaite, que le Gourbi devient Habitable.
ridha
Abir
a posté le 28-09-2023 à 08:48
Comment se fait-il que personne n'évoque Abir Moussi et son parti ?
Rebel
Don quichotte
a posté le 28-09-2023 à 06:23
C 'est un combattant infatigable et mène des guerres sans fins. Cette fois il a déclenché une bataille contre un monstre légendaire " l occident et le FMI" et fait miroiter à ses fidèles qu il peut gagner! Derrière cette guerre " perdue" il y a un objectif 2024, ni projets, ni salut pour le pays. Il offre des guerres interminables jusqu'à la destruction. Ce personnage est extrêmement dangereux pour son pays de loin il a dépassé Ben ali et même Ennahda.
Samir
Le flou
a posté le 28-09-2023 à 00:15
Ks joue sur le flou et manque de transparence. On se demande que cache ce charlatan?
why_in_GZ
Doucement
a posté le 27-09-2023 à 00:14
Ce qui m'embête le plus, c'est que le scénario est écrit d'avance. Les Tunisiens ont la mémoire courte mais le régime de ZABA a suivi exactement les mêmes étapes. KS est en train d'installer une dictature, doucement mais sûrement: museler l'opposition, changer la constitution, s'attaquer à la presse jusqu'à en faire un porte-voix des activités présidentielles. La prochaine étape sera d'exclure tous ceux qui sont contre sa pensée des prochains scrutins. Et la boucle sera bouclée..

Le problème dans tout ceci est que KS est loin d'être un dictateur éclairé. Son logiciel sort tout droit des années 60/70 et il n'a aucune vision économique. Le contexte mondial nous présente pourtant une opportunité incroyable: near shoring et friend shoring devraient nous permettre de développer une industrie de pointe. Au lieu de ça, notre seigneur bien aimé confond encore et toujours millions et milliards, s'entête avec des concepts éculés et n'a aucune vision pour le développment... Que de temps perdu...!! Ce président finira dans les poubelles de l'histoire. Il a réussi à être pire que Tartour et il faut le faire...
riri
+10
a posté le à 12:55
+10 pour votre commentaire qui résume bien la situation.
CHKOBBA
Blague
a posté le 26-09-2023 à 19:05
Un petit garçon de 4 ans, dont le père est un grand et célèbre magicien tunisien, le regarde pour la première fois sur scène à Mégrine et est complètement émerveillé.

Après le spectacle, le petit garçon regarde sa mère avec extase et dit :
"Maman, quand je serai grand, je veux aussi devenir MAGICIEN".

La mère lui caresse tendrement la tête et dit en souriant :
"Les DEUX ne sont pas possibles mon petit".
LMT
Inmcompetent
a posté le 26-09-2023 à 18:49
C'est la façon de gouverner des nuls, des incapables,des impuissants et des incompétents. Détourner l'attention, créer le flou et l'amalgame, imaginer des complots, se sentir visé par des corrompus c'est l'art des charlatans et des esprits médiocres et malades.
Zarzoumia
La politique du ta9lim
a posté le 26-09-2023 à 18:22
La politique du ta9lime. C'est l'objectif premier de KS, tuer tout ce qui peut représenter un contre pouvoir ou une autre voix discordante. Après ta9lim les ongles des partis politiques, des syndicats et de la société civile en général, il s'attaque désormais aux journalistes. La recette est toujours la même, intimidations judiciaires et le discourt, si vous n'êtes pas de mon côté alors vous êtes traîtres ou corrompu. Tout le monde doit s'inscrire dans cette guerre sainte de libération, qui vise à libérer l'espace Pour KS. il ne peut pas supporter l'idée de contre pouvoir. Il a réussi à installer l'idée de fonctions, et il a même réussi à tuer l'idée de l'opposition au sein du parlement. Le ta9lim de la Tunisie, est dans la même logique de diluer les pouvoirs et les rendre inoffensifs. Aucune institution ou force ne doit présenter un contre pouvoir.
Les journalistes vont subir le ta9lim eux aussi. Je les plaint, car ils subissent des feux croisés du pouvoir et de certains prétendants.
Je pense qu'il y a une stratégie de KS de coller aux discours de ses sérieux prétendants, en faisant de la surenchère, histoire de leur couper l'herbe sous les pieds. On l'a vu sur le thème de l'immigration, la souveraineté, les puissances étrangères et maintenant le rapport aux médias.
La politique du ta9lim convient à KS le propre qui chante :
Ana alfata annadhifou
Mofar3inone mou5ifou.
Djodjo
L'illusionniste kais
a posté le 26-09-2023 à 17:53
Ce type est un marchand de sable, un coup de vent et il sera emporté.

Que voulez-vous qu'il sorte de bon d'un homme qui a été un médiocre profond toute sa vie, qui n'a aucun charisme et encore moins de l'intelligence, il est arrivé à la tête d'un état grâce à un accident de l'histoire et conscient qu'il n'est pas à la hauteur, la seul solution qu'il a trouvé pour se maintenir est de détourner notre regard en permanence. C'est ce que l'on appelle un charlatan.

Jusqu'à quand va t'il pourrir nos existences ? That is the question
Ben Hassen Mondher
Insouciance
a posté le 26-09-2023 à 17:52
Insouciance ? Inconscience ? Et, ou, dénigrement de soi ? Sommes à plaindre ?! Oui, Non ?!