Béji Caïd Essebsi n’est qu’un homme après tout…
Par Synda Tajine
L’interview de Béji Caïd Essebsi a été décevante à bien des égards. Mais cela fait des mois que ses sorties télévisées le sont toutes. Annoncée depuis des jours, l’apparition télévisée du chef de l’Etat se devait d’apporter des annonces compte tenu de la fragilité de la situation actuelle. L’opinion publique attendait du « président de tous les Tunisiens » qu’il désamorce la crise politique, sans tomber dans le piège de la politique politicienne, qu’il prononce un discours rassembleur et des mesures qui mettront fin à la crise. Il a fait tout le contraire.
C’est un président irrité face aux questions de la journaliste, sautant du coq à l’âne et évitant de dire les choses comme elles sont. Tout en déclarant à demi-mots que son fils, son protégé, était de la mauvaise graine, il a jeté son chef de gouvernement en pâture à ceux dont il affirme se dissocier aujourd’hui. Ennahdha, qui d’autre ? Le parti de Rached Ghannouchi, au cœur du consensus, caduque aujourd’hui, mais qui deviendra le seul soutien de Youssef Chahed face à une horde de vautours. Dans le clivage qui existe entre les deux partis ennemis puis amis et de nouveau ennemis, Youssef Chahed, son fils spirituel, a été trainé de force. Il existe quand même mieux comme situation pour un chef de gouvernement qu’il a lui-même choisi et dont il dit être satisfait aujourd’hui et vouloir la réussite.
Béji Caïd Essebsi n’a pas arrêté de dire « Je suis responsable », mais en réalité, il refuse de l’être. Confus, hésitant et essayant de faire passer des messages à demi-mots, Béji Caïd Essebsi voulait dire les choses et leur contraire afin de ne pas s’embourber dans des considérations trop difficiles à assumer par la suite. « Sortir par la grande porte », voilà qui est moins sûr. Béjà Caïd Essebsi sortira sans doute par la petite porte, après que 1,7 millions de Tunisiens ont voté pour lui. Certains par dépit, d’autres par manque d’alternative, mais beaucoup d’autres par espoir. L’espérance d’un lendemain meilleur, d’une Tunisie meilleure et d’un président meilleur. Tout cela n’a pas été le cas et ne le sera sans doute pas si BCE décide de briguer un second mandat. Chose à laquelle il semble se résigner à renoncer, petit à petit.
Mais ce que je retiendrai de cette interview, qui constitue un non-événement en somme (mais ça nous en sommes habitués) ce sont ses derniers mots à Myriam Belkadhi. La journaliste a essayé de tenir le cap face à un président dissipé et irrité par son insistance à vouloir obtenir des réponses concrètes. A la fin, pour la remercier, le président de la République lui dit : « je suis venu aujourd’hui pour vous encourager, vous personnellement, car vous êtes une femme ».
Est-ce qu’on en est encore là aujourd’hui ? Le président de la République qui disait, quelques instants avant, que la Tunisie va bien car la femme tunisienne est moderne et a sa place dans la société. Le président de la République qui avait taxé, en 2014, la présidente du parlement de l’époque Mehrezia Laâbidi de n’être « qu’une femme après tout ». 4 ans après, les discours ne changent pas et la déception est toujours la même. Finalement, Béji Caïd Essebsi n’est, lui-aussi, qu’un homme après tout et il est temps pour lui d’en prendre réellement conscience…