
En visite de travail à Bruxelles, le président de la République, Béji Caïd Essebsi a prononcé, jeudi 1er décembre 2016, une allocution au siège du Parlement européen, rappelant à cette occasion que sa visite intervient à un moment « fortement symbolique pour les relations tuniso-européennes qui célèbrent cette année le 40ème anniversaire du premier accord de coopération, couronné par la tenue de rencontres au plus haut niveau entre la Tunisie et l’UE ».
Le président de la République a déclaré à cet effet, que la Tunisie a toujours considéré le continent européen comme une zone d’ancrage naturelle.
« Nous en avons subi les influences et parfois mêmes les vicissitudes et l’occupation, mais la Tunisie a toujours su maintenir des liens étroits et harmonieux avec l’Europe et ses peuples. Ces liens doivent constituer le socle sur lequel nous devons bâtir aujourd’hui une relation stratégique encore plus forte entre la Tunisie et l’Europe, à la hauteur des enjeux et défis actuels ».
Béji Caïd Essebsi a souligné que la révolution du 14-Janvier a ouvert un nouveau chapitre dans l’Histoire de la Tunisie, puisque le peuple tunisien a osé une rupture et s’est lancé
dans un processus de transition politique et de modernisation qui s’inscrit dans le prolongement du mouvement réformiste, initié dès la moitié du 19ème siècle.
« Cette spécificité tunisienne conforte aujourd’hui notre marche irréversible vers un modèle démocratique auquel sont attachées toutes les composantes de la classe politique. La Tunisie est déterminée à prouver que l’Islam n’est pas incompatible avec la démocratie », a-t-il assuré. « C’est ainsi que nous avons œuvré à l’adoption, en janvier 2014, d’une Constitution moderne, conçue pour un peuple musulman, et qui reprend globalement les mêmes principes que la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne ».
M. Caïd Essebsi a ainsi évoqué les élections libres et transparentes qui ont eu lieu la même année et qui ont permis de consolider le processus démocratique par la mise en place notamment des instances constitutionnelles dont la dernière en date est le Conseil supérieur de la magistrature. Il a insisté sur le fait que ce chemin n’a pas été aisé, rappelant qu’au lendemain des élections de 2011, le pays a connu une grave crise politique et identitaire qui aurait pu créer un profond schisme au sein de la société tunisienne et faire déraper le processus démocratique. « Mais l’attachement des Tunisiens à leur modèle sociétal tel qu’il a été façonné au fil de notre Histoire et le refus d’un nouvel autoritarisme au nom de la religion, ont permis de remettre la transition démocratique sur les rails », a-t-il relevé.
Et d’ajouter que les divergences et les clivages au sein de la classe politique ont pu être dépassés grâce à une approche tunisienne singulière basée sur le dialogue, le compromis et le consensus ainsi que l’implication de toutes les forces vives du pays.
Le chef de l’Etat a par la suite déclaré qu’au-delà des avancées enregistrées sur le plan politique et en matière de droits de l’Homme et de démocratie, la Tunisie doit répondre à des défis socio-économiques et sécuritaires.
Il a ainsi assuré que la transition démocratique a un coût et que celui-ci se ressent dans tous les secteurs de l’activité socio-économique. Un coût qui s’est traduit, en particulier, par une forte dégradation des indicateurs macro-économiques. Alors que durant la décennie précédente la Tunisie affichait une croissance annuelle moyenne d’environ 5%, elle ne dépasse plus aujourd’hui les 1,5%.
« Afin de permettre à notre économie de recouvrir sa vigueur et accélérer la cadence des réformes, j’ai pris l’initiative de constituer un gouvernement d’union nationale, dirigé par de jeunes compétences avec une forte participation féminine ». Ce gouvernement, soutenu par les principaux partis politiques et organisations nationales, précise le président, s’attelle à mettre en œuvre les grandes réformes indispensables pour bâtir un modèle de croissance durable et inclusif, le Plan de développement quinquennal 2016-2020 s’insérant largement dans cette optique. « La récente adoption du nouveau Code des investissements confirme notre engagement à doter l’économie tunisienne d’un cadre propice à l’investissement national et étranger ».
Il s’est dit ainsi réjoui que la conférence Tunisia 2020, qui vient de s’achever, a repositionné la Tunisie sur la carte internationale d’investissement.
En outre, Béji Caïd Essebsi a tenu à signaler que la Tunisie dispose d’atouts indéniables à même de lui permettre de sortir de cette situation économique difficile. Pour lui, il n’en demeure pas moins que la transition économique demeure fragile et sujette à des défis considérables. « L’exception tunisienne doit être soutenue davantage tout comme d’autres pays en leur temps ont été soutenus dans leur processus démocratique ».
A propos des relations avec l’Union européenne, le président a rappelé que notre pays a rappelé que ces liens solides ont connu un nouvel élan depuis 2011, qui s’est concrétisé, en 2013, par un Partenariat privilégié, censé permettre un rapprochement encore plus poussé entre la Tunisie et l’UE, avec lequel elle partage désormais les mêmes valeurs démocratiques.
« C’est donc tout naturellement que la Tunisie considère l’UE, son premier partenaire, comme son principal soutien pendant cette phase délicate, a-t-il expliqué.
Nous saluons particulièrement les nouvelles mesures annoncées récemment dans la Communication conjointe de la Haute Représentante de l’Union et de la Commission Européenne, pour renforcer davantage ce soutien en prévoyant un accroissement de son aide au cours des prochaines années ».
Le président de la République a cependant estimé que les instruments traditionnels de coopération demeurent insuffisants pour accompagner la remarquable transformation entreprise par la Tunisie. « Notre pays qui vit, en effet, une expérience inédite dans sa région, est en droit d’aspirer à un traitement différencié de la part de son premier partenaire ».
« Nous apprécions, à cet égard, le fait que le Parlement européen ait pris conscience de l’ampleur du soutien attendu pour consolider le succès de cette expérience en proposant, dans sa récente Résolution, des mesures d’appui significatives en faveur de la Tunisie à l’instar de la mise en place d’un « Plan Marshall» et la conversion de la dette en projets d’investissements.
Nous espérons que cette initiative trouve un écho favorable auprès des autres institutions européennes et des Etats membres pour la mobilisation d’un appui conséquent à la hauteur des enjeux et défis auxquels fait face la Tunisie ».
Sur le volet de la sécurité, le chef de l’Etat a attiré l’attention sur le fait que la région est secouée par les crises, traversée par le doute et l'incertitude, où certains sont tentés par le repli sur soi, le refus de l'Autre et la violence. Il a donc précisé que les questions sécuritaires et migratoires sont des préoccupations constantes et constituent des enjeux stratégiques qui appellent une intensification du dialogue et une coopération renforcée pour apporter des réponses communes.
« En Tunisie, nous construisons notre démocratie dans un contexte régional tourmenté en raison notamment de la situation en Libye voisine et des menaces sécuritaires liées au trafic frontalier d’armes et aux tentatives d’infiltration d’éléments terroristes.
La Tunisie est prise pour cible par les terroristes car son modèle démocratique et socioculturel est à l’antipode de leur vision obscurantiste.
La Tunisie se trouve aux avant-postes de la lutte contre le terrorisme et mérite d’être soutenue pleinement dans ses efforts. Notre réussite dans ce combat ne manquera pas de contribuer à la sécurité de l’Europe », a martelé le président.
En conclusion, Béji Caïd Essebsi a assuré que l’expérience démocratique tunisienne a franchi d’importantes étapes, mais qu’elle reste vulnérable : « Cette expérience a besoin plus que jamais d’un soutien fort des partenaires européens car le succès de la démocratie tunisienne est non seulement dans l’intérêt de la Tunisie mais également de l’Europe. Une Tunisie démocratique, forte et prospère contribuera à stabiliser le voisinage sud de l’UE ».
I.L.
Commentaires (10)
CommenterA 100 ANS LE DISCOURS DE L'ADIEU
Un «traitement différencié» ?
Mais quel traitement encore plus différencié pourrions nous solliciter de l'Europe, cher Président ? Peut-être celui de pays «Tuniso-européen» ? (?!!)
Pourquoi pas après tout ! Mais il faudrait d'abord voir avec cet Islam politique que vous vendez à l'Europe (question de savoir jusqu'où il est prêt à aller dans la duplicité et la roublardise !) et il faudrait voir si l'Europe est à ce point abrutie, masochiste ou suicidaire pour normaliser à ce point ses relations avec le terrorisme !
Un Président qui fait honneur à la Tunisie.
Très bonne prestation !
Quand je vois des minus tels que HCE, Mohsen Marzouk et autres novices de la politique ambitionnent d'occuper des postes de responsabilité au sommet tel que BCE, j'éprouve du dégoût à leur encontre et à l'encontre des partis qu'ils représentent bien que j'ai voté pour Nidaa mais je ne suis pas prêt à le refaire.
Bravo !
zero... on croirait entendre Ghannouchi
Islam est le mot le plus employé dans ce discours nul.
Porte parole de Ghannouchi.
Beau discours cher Président BCE, beau discours...Sauf qu'il faut faire attention quand tu dis "acceptation des islamistes du jeu démocratique et séculier" de la Tunisie ; JAMAIS dire JAMAIS face aux frères musulmans.
..bravo Bajbouj
Les europeens de part le voisinge, les degats occasionnés par certains d' entre eux en Libye et ailleurs, de part aussi leurs preocupations quant a l' immigration incontrolée partant de nos contrées sont quasiment obligés de nous preter main forte sinon les choses vont empirer pour eux quoiqu' on fasse de ce coté-ci de la Mare Nostrum.
Rappelons aussi que la Tunisie ayant subi les affres de la 2eme guerre mondiale ont vu leur pays envahi, labouré, bombardé, etc. par les troupes alliées et celles de l' Axe , la Tunisie etait certes colonisée , elle n'a pas helass profité du plan Marshall à l' instar des puissances du Nord. Il est temps qu' on demande notre du..meme 80 ans plus tard, c' est quasiment un droit.
Good work
Bonne prestation
A mon avis, UE doit agir envers la Tunisie comme elle a fait pour le Portugal (formation des jeunes, investissements dans les technologies à fortes valeurs ajoutées, transport ferroviaire,infrastructure,...etc.). C'est une des cllés de la réussite du processus démocratique.