
Trois ans qu’on nous fait pleurer le prestige de l’Etat, qu’on nous fait maudire la Troïka et qu’on tourne au ridicule ses ministres et présidents. Trois ans après, où en sommes-nous quant au ridicule ? En plein dedans ! Où est le prestige de l’Etat ? Encore très loin ! On en culpabiliserait presque d’avoir décrié les têtes de turcs d’hier et d’avoir cru que le prestige de l’Etat pouvait être cultivé sur nos terres.
Ce week-end, l’attention du citoyen était portée sur la robe changeant de couleur au gré d’une illusion d’optique difficilement intelligible. Et des illusions d’optique, nous en voyons au quotidien. Car, ici, tout a changé, sans que rien ne change, même pas notre perception désormais habituée à la médiocrité. De nouveaux ministres, de nouveaux députés, de nouveaux présidents (à Carthage, au Bardo et à la Kasbah) et pourtant à regarder longuement on verrait presque se confondre sur l’image de tout ce beau monde, celle de ceux moqués hier. Marzouki, Ben Jaâfar and co, vous voilà vengés ! Prestige de l’Etat, où es-tu ?
Troïka par troïka, ANC par ARP, des technocrates par des partisans. Nous avons fait du nouveau sans en faire. Comme tous les hivers que la Tunisie a connus, nous nous sommes souvenus, mais un peu tard, que notre infrastructure est défaillante. Nous avons partagé les photos de villes inondées, nous avons compati avec les désastres d’autrui, virtuellement, et puis nous oublieront, jusqu’au prochain hiver, que notre infrastructure demeure misérable et le demeurera probablement encore au vu des personnes à la tête du pays et de leur incapacité à faire des miracles. On évoquera le fameux Oued Mejerda et ses crues imminentes, comme on évoque le monstre du Loch Ness : sans rationalité aucune !
Et à quoi bon chercher la rationalité là où elle n’est point ? Cela est aussi valable pour les grèves qui éclatent de partout. Difficile d’ailleurs de savoir si pareilles protestations sont un signe de vitalité louable car relevant du droit de chacun ou de faillite latente car mettant à mal le devoir de chacun vis-à-vis de tous. Car dans ce portrait de famille proche de celui de la famille Adams, les syndicats cherchent encore leur place au premier rang. Et pour l’arracher, rien de mieux qu’une démonstration de force, une grève, des grèves et des négociations qui n’aboutissent pas, tant le timing est mal choisi et les réclamations nombreuses. Prestige de l’Etat, m’entends-tu ?
Pourtant, Salem Labiadh and co sont bien loin. Nous avons à la tête du ministère de l’Enseignement un Nidaïste pur jus. Pauvre Néji Jalloul ! Il a beau avoir mis une cravate et être passé du militant expansif au ministre canalisé, rien n’y fait ! Les enseignants lui tiendront tête et leur syndicat n’en aura que faire des menaces et des tractations d’un ministre à l’autorité rudement mise à l’épreuve. Difficile de se positionner du côté des enseignants ou contre eux , seule nous intéresse l’image de déliquescence qu’ils participeront activement à créer. Prestige de l’Etat, les vois-tu ?
Et pendant qu’à Bab Bnet, on rame, les autres ministres, leur chef compris, font leur tournée. Un politicien, ça aime les bains de foule filmés, les poignées de main molles, les visites inopinées bien organisées, les déclarations pompeuses et creuses et les doléances qu’on entend sans écouter. Nos ministres ne font que du terrain ou presque, ça nous rappellerait les bons d’essence d’une certaine Sihem Badi. Ils doivent en parcourir des kilomètres ! En revanche, pour leur dernière sortie, nos ministres prendront l’avion militaire, c’est plus sympathique pour les photos de groupe qu’on n’oubliera pas de prendre et de faire publier. Miroir, mon beau miroir qui est le plus beau gouvernement ? C’est celui qui fait des kilomètres en faisant du surplace !
Et pour couronner le misérable prestige de l’Etat déjà bien achevé, rien de mieux que 100 camions de contrebande défiant les autorités et rentrant, de force, sur notre territoire national. Cent, cinquante ou même un ! Arrêtés quelques kilomètres plus loin ou pas, transportant des marchandises sans importance ou des cartouches par millions… Les versions sont nombreuses, mais l’effet est le même : nous sommes comme un corps sans défense que les épreuves ont affaibli. Prestige de l’Etat, nous reconnais-tu?
Et alors que nous sombrons en pleine chronicité, nos politiciens restent centrés sur eux-mêmes (comme d’habitude, enfin !). Ce week-end, chez Nidaa, on déjeunait, à l’invitation de Hafedh Caïd Essebsi, en réfléchissant aux moyens de se réunir autour du parti et de ses valeurs. Trop tard, l’épreuve du pouvoir est passée par là ! Chez Ennahdha, on repensait la structure dirigeante du parti et la succession de Rached Ghannouchi. Ingénieux, l’épreuve du pouvoir est passée par là ; mais autrement !
Car pendant que tous s’enlisent y compris la République, la seule partie fonctionnant en électron libre, loin du magnétisme tirant vers le bas, est Ennahdha. Le parti islamiste s’offre même une seconde jeunesse, à l’image de la mue des serpents. Une nouvelle peau pour la période qui s’annonce, une nouvelle tête pour l’après-Ghannouchi qui a déclaré, à demi-mots, sa décision de se retirer de la direction de son parti. On comprendra, à demi-teinte, que Hammadi Jebali assurera la succession. Nidaa avancera donc main dans la main avec un parti devenu partenaire et qui n’est ni tout à fait le même ni tout à fait un autre ; il règne ici comme un air de rêve étrange et très pénétrant.
Comme nous regardons la robe passer du blanc au bleu et du doré au noir, regardons bien autour de nous et nous découvrirons une des plus fortes illusions d’optique : nous verrons des sans-culottes, des politiciens en culottes courtes et des soutanes en arrière-plan. Nous verrons tout, tout sauf le prestige de l’Etat qu’on nous avait promis !
Ceux qui l'ont créé ont eu un coup de génie. Elle va si bien aux camélions...
Succès garanti.
La soutane noire et prestigieuse qu'on fait miroiter transparaît petit à petit, car cette danse des couleurs fades fatigue les yeux.
Ça commence déjà, ce dégoût, ce désenchantement voulus des changements qui ne changent rien...Alors, prêts pour la soutane salvatrice?
Chante rossignol, chante
Toi qui as le coeur gai
Tu as le coeur à rire,
Moi je l'ai à pleurer...
Inès, j'aurais du mal à vous imaginer naïve, crédule et prête à gober toutes les balivernes de Nidaa pour vous observer dubitative que les maçons de Nidaa à pied d'o e u v r e, sont à l'égal de leurs prédécesseurs islamistes. L'équation Nidaa = Nahdha est si évidente que le pauvre Etat tunisien si mal traité, continue sa descente aux enfers pour n'être plus qu'une ossature sans queue ni tête, une sorte de fossile, sans les moindres prérogatives léonines, régaliennes tant en matière de police ou de justice. Voilà à quoi nous assistons depuis que nous sommes félicités par les puissances occidentales.
Un Etat qui se laisse piétiner à ses frontières par le passage de centaines de camions au contenu secret, n'est plus un Etat, mais un point de passage.
Un Etat qui ne vit que par la mendicité internationale habillée par les dons constants que les pays occidentaux administrent au compte-gouttes comme on administre des médicaments aux malades de fin de vie, cet Etat-là, cesse d'être un Etat pour devenir une effigie d'Etat.
Un Etat qui laisse se développer le marché noir pudiquement nommé marché parallèle, lequel marché, tel un cancer qui se propage sur tout le corps du pays, cet Etat cesse d'être un Etat pour devenir un malade aux soins palliatifs.
Un Etat qui n'a de démocratique que le nom et encore, il suffit d'observer les innombrables manquements à la démocratie pour s'en rendre compte que même cette petite vertu démocratique il l'a perdue depuis sa fondation.
Rechercher aujourd'hui le prestige de l'Etat revient à rechercher Shéhérazade décapitée et enfuie dans l'immensité des immondices qui encombrent le pays et que cet Etat est incapable de traiter.
L'Etat n'est plus ma chère Inès, si vous êtes férue d'astronomie, je vous dirais que l'Etat de Tunisie s'est éteint comme une belle étoile qu'on voit la nuit, mais cette étoile est éteinte, il ne reste d'elle que sa lueur dans l'immensité de l'espace.
Nous nous approchons à grands pas de la tragédie libyenne qui gagne en terrain l'espace de ce qui fut jadis l'Etat de Tunisie.
Incompétence est-ce que le mot qui manque pour marquer les responsables placés aux articulations de l'état, incapables de tirer les commandes LEGIDYNAMIQUES pour rétablir
Le Prestige du Ministère Public
et non
le prestige de l'état!
Un bon diagnostic en espérant lire ton ordonnance pour redorer L'ETAT!
Notre peuple dont les politiques ont pris habitude à caresser dans le sens du poil, vit une profonde crise éthique et morale, et dont nous aurions beaucoup de mal à refréner la contagion générationnelle.
Que BCE eût à proposer le retour de l'autorité de l'état, ne devrait pas être considéré comme une mesure, mais un espoir et un programme de retrouver le bon chemin d'y accéder.
Nous regarderons et nous jugerons sévèrement le nouveau gouvernement mais ne nous hâtons pas inutilement avant de leur laisser une chance d'action.
C'est littéralement un bordel à ciel ouvert, contexte rappelant celui de l'été 1987.
L'épisode des camions de Ras Jedir, l'aggravation de l'insécurité et les dissenssions au sein de l'appareil sécuritaire démontrent que des forces occultes sont à l'oeuvre.
Comprenne qui pourra, la nature a horreur du vide.

