Chroniques
On ne dialogue pas avec les putschistes !

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Par Nizar BAHLOUL
Le dialogue, dit national, a démarré. Un dialogue hypocrite qui ne mènera, probablement, pas à bon port. Les raisons de ce pronostic pessimiste sont multiples.
Les acteurs de ce dialogue ne se font pas confiance et continuent, via leurs bases, à se vilipender les uns les autres.
Chacun de ces acteurs cache son véritable jeu et garde un joker sous la main. Un joker qui servira (qui sait ?) au cas où…
Le problème politique épineux que vit actuellement la Tunisie date du mois d’octobre 2012. Date à laquelle la légitimité de l’actuel pouvoir a pris fin. Le peuple a voté pour ce pouvoir afin qu’il lui rédige une constitution dans un délai d’un an. C’était la raison pour laquelle plus de 4 millions de personnes se sont déplacées le 23 octobre 2011, sur la base du décret n°1086 daté du 3 août 2011 signé par l’ancien président de la République Foued Mebazzaâ et publié au JORT n°59 du 9 août 2011 page 1432. Ce décret stipule dans son article 6 que « l’ANC doit préparer la constitution dans un délai maximum d’un an après son élection ».
Ce délai n’a pas été respecté et, légalement parlant, on peut considérer ce pouvoir comme étant un pouvoir putschiste qui n’a pas respecté la démocratie et un de ses principes fondamentaux : les délais de mandats. Cette politique du « j’y suis, j’y reste » ajoutée à l’échec du gouvernement actuel à trouver les solutions économiques adéquates a plongé le pays dans une crise sans fin.
En février 2013, l’ancien chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a admis son échec et a proposé la nomination d’un gouvernement apolitique de compétences.
En dépit de sa double qualité de chef du gouvernement et de secrétaire général de son parti Ennahdha, Hamadi Jebali n’a pas pu convaincre son parti de la justesse de son choix. Son charisme, son historique et son ascendant moral, dans sa famille, ne l’ont pas aidé à imposer ce choix.
Le quartette espère donc (naïvement) réussir là où Hamadi Jebali a échoué ? Allons donc !
Nous étions des centaines de milliers à défiler au Bardo au lendemain de l’assassinat de feu Mohamed Brahmi, le 25 juillet. Il y avait un extraordinaire élan et une volonté impressionnante chez les manifestants de tous âges et de toutes les régions. Quotidiennement, fin juillet et tout au long du mois d’août, des dizaines de milliers de personnes venaient au Bardo épauler les courageux sit-inneurs et les braves députés qui ont décidé de quitter leur poste.
Ces centaines de milliers de citoyens rêvaient de la légitimité réelle et du respect de la démocratie et des instituions de la République. Ils voulaient en finir avec cette troïka putschiste, venue pour un an seulement et qui s’éternise au pouvoir.
On regardait Le Caire, l’action de ses militaires qui ont empêché la dictature religieuse rétrograde de tisser sa toile et on rêvait.
Et puis, un jour, on apprend par le biais d’une fuite de presse, que Béji Caïd Essebsi a entamé un dialogue avec Rached Ghannouchi dans une suite d’un hôtel parisien. En secret.
Depuis cette rencontre secrète, rien n’allait plus au Bardo. La douche froide a gagné tout le monde. La mobilisation s’est … démobilisée.
On nous demandait de regarder Le Caire et ses milliers de morts et d’en prendre exemple. La Tunisie, si elle engageait un dialogue, pourrait éviter que ses concitoyens ne s’entretuent, comme c’est le cas en Égypte.
Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi ont fini par imposer le dialogue et le Bardo s’est vidé de ses manifestants. L’espoir d’une réelle démocratie, d’un réel respect de la légitimité, des institutions et des lois a commencé à s’évaporer peu à peu. La troïka gagne, encore une fois, une bataille.
On entame le dialogue et les putschistes, fiers de leur victoire, ont commencé à imposer leur diktat. Ils veulent ceci et ils refusent cela. On discute une virgule et on s’éternise autour d’un point. Ils essaient de gagner du temps et ils n’arrêtent pas d’en gagner.
Mais en fait, c’est pour quoi faire ce dialogue ? Pour que la Troïka parte ? Elle dit qu’elle ne partira qu’après avoir rédigé la Constitution. Et le quartette, tout comme Béji Caïd Essebsi, a accepté cela, sans flairer le piège qu’il y a derrière.
Une fois la Constitution adoptée, ce sera la victoire politique historique de la Troïka devant la communauté internationale et devant les Tunisiens. Ce sera leur trophée.
Elle pourra ensuite partir en campagne électorale sans se soucier des problèmes dans lesquels sera empêtré le futur gouvernement de technocrates.
Ce futur gouvernement de technocrates aura à gérer la loi de finances 2014 truffée de bombes à retardement.
Ce futur gouvernement aura à appliquer les augmentations tous azimuts décidées par l’actuelle troïka.
Il aura à gérer les nominations partisanes à tous les niveaux de l’administration. Bon à relever, la troïka (avec qui le quartette veut dialoguer) continuait ses nominations jusqu’à la semaine dernière, dans les postes les plus sensibles de l’État et de l’institution sécuritaire.
Ce gouvernement aura à affronter la colère populaire qui en aura marre des augmentations de prix.
Pendant ce temps-là, la troïka fait sa campagne électorale tranquillement et tirera les dividendes de l’échec inévitable du futur gouvernement, tout en rappelant sa victoire à elle : avoir rédigé la Constitution.
Les tergiversations du week-end d’Ennahdha et du CPR montrent clairement que l’on ne peut pas faire confiance à ces gens-là. Elles montrent que ces putschistes ne respectent pas la parole donnée, ni même la signature apposée sur les documents.
La réconciliation nationale et le dialogue auraient pu constituer la solution idéale pour éviter à la Tunisie un scénario à l’égyptienne avec son issue incertaine et ses drames sanglants.
Hélas, il apparaît aujourd’hui que la solution n’est pas dans le dialogue, comme voulait nous en convaincre Béji Caïd Essebsi lors de son séjour parisien.
Le dialogue se fait entre des personnes civilisées qui respectent leur parole, respectent leurs concitoyens et respectent les lois. Aujourd’hui, on est très loin de cela.
Le dialogue, dit national, a démarré. Un dialogue hypocrite qui ne mènera, probablement, pas à bon port. Les raisons de ce pronostic pessimiste sont multiples.
Les acteurs de ce dialogue ne se font pas confiance et continuent, via leurs bases, à se vilipender les uns les autres.
Chacun de ces acteurs cache son véritable jeu et garde un joker sous la main. Un joker qui servira (qui sait ?) au cas où…
Le problème politique épineux que vit actuellement la Tunisie date du mois d’octobre 2012. Date à laquelle la légitimité de l’actuel pouvoir a pris fin. Le peuple a voté pour ce pouvoir afin qu’il lui rédige une constitution dans un délai d’un an. C’était la raison pour laquelle plus de 4 millions de personnes se sont déplacées le 23 octobre 2011, sur la base du décret n°1086 daté du 3 août 2011 signé par l’ancien président de la République Foued Mebazzaâ et publié au JORT n°59 du 9 août 2011 page 1432. Ce décret stipule dans son article 6 que « l’ANC doit préparer la constitution dans un délai maximum d’un an après son élection ».
Ce délai n’a pas été respecté et, légalement parlant, on peut considérer ce pouvoir comme étant un pouvoir putschiste qui n’a pas respecté la démocratie et un de ses principes fondamentaux : les délais de mandats. Cette politique du « j’y suis, j’y reste » ajoutée à l’échec du gouvernement actuel à trouver les solutions économiques adéquates a plongé le pays dans une crise sans fin.
En février 2013, l’ancien chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a admis son échec et a proposé la nomination d’un gouvernement apolitique de compétences.
En dépit de sa double qualité de chef du gouvernement et de secrétaire général de son parti Ennahdha, Hamadi Jebali n’a pas pu convaincre son parti de la justesse de son choix. Son charisme, son historique et son ascendant moral, dans sa famille, ne l’ont pas aidé à imposer ce choix.
Le quartette espère donc (naïvement) réussir là où Hamadi Jebali a échoué ? Allons donc !
Nous étions des centaines de milliers à défiler au Bardo au lendemain de l’assassinat de feu Mohamed Brahmi, le 25 juillet. Il y avait un extraordinaire élan et une volonté impressionnante chez les manifestants de tous âges et de toutes les régions. Quotidiennement, fin juillet et tout au long du mois d’août, des dizaines de milliers de personnes venaient au Bardo épauler les courageux sit-inneurs et les braves députés qui ont décidé de quitter leur poste.
Ces centaines de milliers de citoyens rêvaient de la légitimité réelle et du respect de la démocratie et des instituions de la République. Ils voulaient en finir avec cette troïka putschiste, venue pour un an seulement et qui s’éternise au pouvoir.
On regardait Le Caire, l’action de ses militaires qui ont empêché la dictature religieuse rétrograde de tisser sa toile et on rêvait.
Et puis, un jour, on apprend par le biais d’une fuite de presse, que Béji Caïd Essebsi a entamé un dialogue avec Rached Ghannouchi dans une suite d’un hôtel parisien. En secret.
Depuis cette rencontre secrète, rien n’allait plus au Bardo. La douche froide a gagné tout le monde. La mobilisation s’est … démobilisée.
On nous demandait de regarder Le Caire et ses milliers de morts et d’en prendre exemple. La Tunisie, si elle engageait un dialogue, pourrait éviter que ses concitoyens ne s’entretuent, comme c’est le cas en Égypte.
Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi ont fini par imposer le dialogue et le Bardo s’est vidé de ses manifestants. L’espoir d’une réelle démocratie, d’un réel respect de la légitimité, des institutions et des lois a commencé à s’évaporer peu à peu. La troïka gagne, encore une fois, une bataille.
On entame le dialogue et les putschistes, fiers de leur victoire, ont commencé à imposer leur diktat. Ils veulent ceci et ils refusent cela. On discute une virgule et on s’éternise autour d’un point. Ils essaient de gagner du temps et ils n’arrêtent pas d’en gagner.
Mais en fait, c’est pour quoi faire ce dialogue ? Pour que la Troïka parte ? Elle dit qu’elle ne partira qu’après avoir rédigé la Constitution. Et le quartette, tout comme Béji Caïd Essebsi, a accepté cela, sans flairer le piège qu’il y a derrière.
Une fois la Constitution adoptée, ce sera la victoire politique historique de la Troïka devant la communauté internationale et devant les Tunisiens. Ce sera leur trophée.
Elle pourra ensuite partir en campagne électorale sans se soucier des problèmes dans lesquels sera empêtré le futur gouvernement de technocrates.
Ce futur gouvernement de technocrates aura à gérer la loi de finances 2014 truffée de bombes à retardement.
Ce futur gouvernement aura à appliquer les augmentations tous azimuts décidées par l’actuelle troïka.
Il aura à gérer les nominations partisanes à tous les niveaux de l’administration. Bon à relever, la troïka (avec qui le quartette veut dialoguer) continuait ses nominations jusqu’à la semaine dernière, dans les postes les plus sensibles de l’État et de l’institution sécuritaire.
Ce gouvernement aura à affronter la colère populaire qui en aura marre des augmentations de prix.
Pendant ce temps-là, la troïka fait sa campagne électorale tranquillement et tirera les dividendes de l’échec inévitable du futur gouvernement, tout en rappelant sa victoire à elle : avoir rédigé la Constitution.
Les tergiversations du week-end d’Ennahdha et du CPR montrent clairement que l’on ne peut pas faire confiance à ces gens-là. Elles montrent que ces putschistes ne respectent pas la parole donnée, ni même la signature apposée sur les documents.
La réconciliation nationale et le dialogue auraient pu constituer la solution idéale pour éviter à la Tunisie un scénario à l’égyptienne avec son issue incertaine et ses drames sanglants.
Hélas, il apparaît aujourd’hui que la solution n’est pas dans le dialogue, comme voulait nous en convaincre Béji Caïd Essebsi lors de son séjour parisien.
Le dialogue se fait entre des personnes civilisées qui respectent leur parole, respectent leurs concitoyens et respectent les lois. Aujourd’hui, on est très loin de cela.
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