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Chroniques
A la lutte, les "camarades" irontâEUR¦
02/06/2008 | 1
min
A la lutte, les
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Par Nizar BAHLOUL

La scène se passe en décembre 2006 à Monastir. C’est le congrès de l’UGTT, la centrale syndicale tunisienne. L’unique. Dans la salle, les speechs des candidats aux postes du bureau directeur chauffent la salle à coups de slogans. La salle se chauffe et quand elle fut enflammée, quelqu’un s’était mis à crier : « Viva Hugo Chavez ! ».
En 2008, en Tunisie, à deux heures et quelques poussières de Paris, Londres et Milan, chantres du libéralisme, il y en a encore des leaders qui scandent ce type de slogans.
« Il faut pourtant composer avec et leur expliquer l’impossibilité d’un monde de confrontation et d’affrontement », me dira un haut responsable par la suite.

Nous sommes en 2008, les négociations entre le secteur privé et l’UGTT sont au point mort. Je ne sais plus là où ça braque, mais ça braque. Du côté des patrons, on dit que les exigences sont anachroniques et ne collent pas avec la conjoncture actuelle. Du côté des syndicats, on pense que les patrons sont toujours ces éternels voyous jamais rassasiés.
Aux dernières nouvelles, le différend s’est élargi et les problèmes ne sont plus avec les patrons seulement, mais aussi avec le gouvernement.
Chaque négociateur se doit pourtant de composer avec l’autre. C’est inévitable, c’est incontournable. La situation actuelle n’est dans l’intérêt de personne et chacun se doit de mettre un peu d’eau dans son vin (ou soda).

Nous sommes encore en 2008 et l’histoire a commencé un an auparavant. C’est celle d’une chef de service dans une grosse entreprise privée. La chef de service a décidé un jour de créer un syndicat, question de défendre les droits de ses collègues. Elle trouvait anormal qu’une entreprise de l’envergure de la sienne soit dénuée de syndicat. Au début, on ne l’a pas prise au sérieux. Et puis, au fil des semaines, on a senti le danger venir, comme s’il y avait quelque chose à se reprocher ou à craindre…
Afin de sauver les apparences, le département des ressources humaines a évité la confrontation directe et a préféré le jeu d’usure. Hors de question de licencier la rebelle en chef, on l’aura à la guerre des nerfs, s’est-on dit. Au placard ! Au frigo ! La guerre d’usure a commencé par la suppression du service. Comme ça, la chef de service deviendra chef d’un service qui n’existe plus !
C’était insuffisant pour avoir raison de sa détermination à défendre les intérêts de collègues. Des collègues dont la majorité s’est terrée dans son coin. Peur de représailles oblige.  Après quelques dizaines d’épisodes remplis de mépris et d’humiliations (que nous relaterons dans un prochain numéro), on a décidé de placer la syndicaliste, chef de service d’un service qui n’existe plus, derrière un bureau au beau milieu du passage. Ses collègues, qui l’évitaient, sont désormais obligés de la voir, de passer à côté d’elle et de l’effleurer. C’est normal, son siège est au milieu du passage. Excellent exemple pour ceux et celles à qui viendrait l’idée de contester toute décision et de jouer aux syndicalistes. « Regardez ce qui pourrait vous arriver, si vous décidez de protester, voire même de contester ! ». C’est ainsi, du moins, que le message se perçoit.

A la une d’Echâab, organe de la Centrale syndicale, on lit ceci dans l’avant dernier numéro : « Prêts à défendre les intérêts des travailleurs et l’honneur des syndicalistes ! ». La logique de confrontation est toujours là, le discours anachronique est toujours présent. Pour la lutte, les camarades annoncent être prêts. L’UGTT n’est pas la seule à mener ce type de discours, certains syndicats européens le mènent également. Mais on s’en moque des autres et balayons devant nos portes.

La mondialisation, l’envolée du cours du pétrole, la rude concurrence exigent un changement (peut-être radical) de ce discours qui a bien fait son temps. Il ne convainc plus le Tunisien d’aujourd’hui, nettement plus cultivé et conscient des problèmes subis par ses patrons et son gouvernement.
Le discours n’est plus crédible, ne rameute plus les foules.

Du coup, avec des propos anachroniques, un verbiage à la « Hugo Chavez », des exigences insensées et des logiques de confrontation, le petit président de syndicat d’entreprise se trouve décrédibilisé par ses pairs face à ses collègues. Il suffit d’un minimum de mauvaise intention d’un quelconque patron pour que le syndicat d’une entreprise meure avec la démission du meneur et le désengagement (par peur ou par manque de conviction) des autres. Pour certaines entreprises, le syndicat meurt alors même qu’il est dans l’œuf.

Une grosse entreprise sans syndicat, sans contre pouvoir est une entreprise où le personnel travaille la peur au ventre. Un personnel non rassuré est un personnel peu productif et dépourvu de sentiment d’appartenance.
La logique d’« obéis à ton patron » (tirée d’un dicton tunisien, hélas !) est anachronique au vu des mutations actuelles aussi bien nationales qu’internationales. Les syndicats ont également leur part de responsabilité. Pour convaincre ils se doivent de moderniser leur discours pour leur intérêt et l’intérêt de toute la collectivité. Ils se doivent de mettre en veilleuse certaines revendications, le temps que tout le pays traverse la crise mondiale actuelle. La vraie bataille est là !


02/06/2008 | 1
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