
Des policiers forçant des barrages sécuritaires, des agents de police s’en prenant au chef du gouvernement, Habib Essid, avec des slogans improbables… Ce sont les scènes que l’on a pu voir hier, 25 février à la Kasbah, devant le palais du gouvernement. Cette manifestation, par sa nature et par l’identité de ses instigateurs, a levé plusieurs questions.
C’est le syndicat national des forces de sécurité intérieures qui est à l’origine de ce mouvement de protestation. Leurs principales revendications consistent en l’attribution de plusieurs primes (prime de danger…) et l’amélioration des conditions matérielles des policiers. Ceci pour le plus urgent. Ils demandent également à ce que les retraités des forces de l’ordre bénéficient du transport et des soins gratuitement ainsi que l’examen des dossiers de sécuritaires suspendus de leurs fonctions.
Hier soir, une réunion a eu lieu entre les représentants du syndicat, la présidence du gouvernement et le ministère de l’Intérieur à la Kasbah. Ladite réunion n’a donné aucun résultat concret, d’après le chargé de communication du syndicat, Riadh Rezgui. Le syndicat doit se réunir ce matin pour explorer les possibilités futures de contestation.
Plusieurs observateurs ont critiqué la manifestation du syndicat des forces de sécurité intérieures par rapport à plusieurs aspects. Le premier est que les manifestants ont forcé les barrages sécuritaires qui entourent le palais de la Kasbah et ont pénétré de force au sein de l’édifice. Il a paru évident que leurs collègues, chargés de cette surveillance, n’allaient pas utiliser le gaz lacrymogène ou la matraque pour disperser les manifestants. Le deuxième aspect critiqué est le fait que les policiers manifestants ont rompu la chaine de commandement en s’en prenant directement au chef du gouvernement, Habib Essid, dans leurs slogans. A maintes reprises, ils ont traité leur chef hiérarchique de « lâche » et ont également scandé « Dégage » à son encontre. Pour ne rien arranger, tout cela s’est déroulé alors que le pays est supposé être sous état d’urgence. Pour résumer, la population ainsi que les analystes se sont demandés comment et pourquoi ceux qui sont chargés de faire respecter la loi l’enfreignent aussi allégrement et dans l’impunité la plus totale. Certains ont même demandé à ce que les manifestants soient traduits devant la cour martiale, vu l’atteinte faite au prestige de l’Etat.
Le gouvernement n’a pas tardé à réagir à cette manifestation. Son porte-parole officiel, Khaled Chouket, était hier, 25 février, sur le plateau de Nessma TV. M. Chouket s’est dit « attristé » par ce qui s’est passé à la Kasbah car « le gouvernement a fait son devoir et plus encore dans la compréhension de la condition des sécuritaires […] la preuve est que la majorité des syndicats (de sécuritaires) ont signé des accords avec la présidence du gouvernement ». Khaled Chouket, fait monter la pression avec une menace à peine voilée : « Nous ne voulons pas qu’on nous oblige à présenter un projet de loi pour annuler le travail syndical dans l’institution sécuritaire ». Le porte-parole du gouvernement poursuit en disant que ce qui s’est passé à la Kasbah était « inacceptable » et que le gouvernement « ne se tairait pas ».
En effet, la Kasbah considère que beaucoup a déjà été fait concernant le dossier des sécuritaires. Ils ont déjà été augmentés à plusieurs reprises et ils font preuve d’impatience compte tenu de la situation difficile du pays. Par ailleurs, il est à noter que la manifestation du 25 février est l’œuvre d’un seul syndicat et Khaled Chouket n’a pas tort de dire que des arrangements ont été trouvés avec la majorité des autres syndicats.
Pour enfoncer le clou, la présidence du gouvernement a rendu public, le 26 février 2016, un communiqué au vitriol à propos de cette manifestation. Ainsi la présidence du gouvernement exprime sa « grande indignation » par rapport au fait de pénétrer de force dans l’enceinte du palais de la Kasbah. Selon le communiqué, les protestataires ont entravé le cours normal du travail, ont proféré des slogans politiques, des menaces et des insultes.
La présidence du gouvernement estime que ces « pratiques honteuses et ces dépassements criants ainsi que la menace de désobéissance » sont contraires à la constitution et aux lois en vigueur. Par conséquent, il est impossible de passer outre.
Ainsi, la présidence du gouvernement prévient que des poursuites judiciaires sont d’ores-et-déjà lancées contre tous ceux qui sont impliqués dans les faits cités plus haut.
D’un autre côté, certains soutiennent les revendications des sécuritaires, surtout en ce qui concerne leurs conditions matérielles. En effet, depuis quelques années, la donne a changé en Tunisie. Le policier n’est plus seulement chargé de la circulation et du combat contre le crime au sens large. Avec l’avènement du terrorisme, le policier se trouve confronté à de nouveaux dangers contre lesquels il n’a ni la formation, ni le matériel. Depuis près de trois ans, les autorités essayent de palier ces manques en favorisant la formation et l’achat de matériel.
Toutefois, les policiers estiment qu’ils ne sont pas assez payés si l’on prend en considération les dangers auxquels ils sont exposés. Ainsi, ils mettent en avant le fait qu’ils sont la première cible des groupes terroristes qui sévissent en Tunisie en signalant que le « taghout » leur est destiné. Ils revendiquent donc de pouvoir être payé à la mesure des risques qu’ils prennent. Ils ajoutent également qu’une meilleure rémunération pour les policiers contribue à les prémunir contre la tentation de la corruption.
Plus que sur le fond, c’est sur la forme que la manifestation des policiers à la Kasbah a défrayé la chronique. L’identité des manifestants et l’irrespect de la loi et des procédures ont fait que le gouvernement réagisse d’une manière si violente, même si ce n’est qu’à travers un communiqué pour l’instant. Toutefois, le conflit risque de s’envenimer si le gouvernement a recours à la justice contre les policiers manifestants. Le tout vient dans un contexte politique trouble et certains soupçonnent que le « show » fait par les policiers a d’autres objectifs. Certains ont même murmuré qu’il s’agit d’une manœuvre visant à affaiblir Habib Essid en préparation de son remplacement…
Marouen Achouri

Commentaires (8)
CommenterJUGES PAR LE TRIBUNAL MILITAIRE.....
Ce meneur qui gueule déshonore la fonction de policier .
LES FRAÎCHEMENT SYNDIQUéS !
Certains syndicats des forces de l'ordre
Au lieu de 100000 policiers dont certains se débarrassent de leurs tenus a la vue du premier terroriste comme a Sousse, il faudrait mieux employer 10% doc 10000 de pros bien payés et aux autres de travailler dans le bâtiment et l'agriculture au lieu de vivre au détriment de l'économie privée.
Dissoudre !
La sagesse doit être de mise.
Il n'est pas opportun de réagir immédiatement alors que ces troupes sont encore mobilisées.
Choisir le bon Timing et laisser faire les structures sécuritaires elles mêmes sont les meilleurs moyens de gestion de cette crise et d'auto-régulation.
Le timing et la délégation aux sécuritaires, eux mêmes, de faire le ménage chez eux sont des éléments à même d'éviter au chef de gouvernement d'être au centre du conflit avec la responsabilité personnelle qu'il devra assumer.
J'aurais choisi un autre titre
Le hic c'est que M.A défenseur des droits de l'hommes à omis de citer l'article 12 de la déclaration de 1789 qui dit:
La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Les agents de l'ordre ont tiré avantage de leurs armes alors je repose ma question:
Est-ce que l'agent de l'ordre est un FONCTIONNAIRE PUBLIC?
Puis encore, quelle sont les procédures appropriées pour attaquer un agent de l'ordre en justice, et quelle justice: traditionnelle ou militaire???
Le grand WZIR "ESSID" tremblant des pieds aux mains est incapable de comprendre!
Et pas le moindre commentaire ???!!!
Est-ce la peur ?
Est-ce la censure ?
Est-ce l'approbation ?
Peut-être les trois.
Encore un acte aussi indigne que méprisant pour le reste du peuple. Notre Tunisie vit encore malheureusement des situations à géométrie variable.