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8ème anniversaire de Tunisiana : les secrets de son succès

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Le 27 décembre 2002, le nouvel opérateur GSM Tunisiana, entama la commercialisation de sa première ligne téléphonique, signant ainsi la fin du monopole public sur le secteur des télécommunications. Tunisiana est née et, huit ans après, elle compte 5,8 millions d’abonnés et 53% de parts de marché. Dans un marché de plus en plus concurrentiel, l’opérateur privé a son propre style, sa propre démarche, sa propre vision qu’il met à profit pour séduire de plus en plus de clients et mécontenter le minimum possible d’abonnés. Et il réussit ! Son parc ne cesse de s’élargir et son taux de churn (désabonnement) est des plus faibles. Quelle est la recette de cette entreprise qui emploie 1700 personnes et est classée 5ème entreprise du pays par son chiffre d’affaires ? Zoom sur Tunisiana à l’occasion de son 8ème anniversaire qu’elle fête aujourd’hui, 27 décembre 2010.
Rappelez-vous, c’était il y a 8 ans. Déjà ! En ce 27 décembre 2002, de très longues files d’attente se formaient devant les quelques revendeurs de lignes Tunisiana, cette nouvelle marque qui faisait son entrée dans le secteur des télécoms. Il n’y en avait que pour les Tunisois à l’époque et l’abonnement coûtait la bagatelle de 150 dinars. Mais peu importe le ticket d’entrée, l’essentiel pour les Tunisiens était d’obtenir cette ligne mobile réservée, jusque-là, à quelques privilégiés.
Seulement voilà, les privilégiés de l’entrée de la concurrence étaient ceux de la Capitale et le nord du pays. Sfax ne sera couverte qu’en juin 2003. Et cela a impacté sur le nombre de souscriptions. En dépit des files d’attente, seuls 251.000 abonnés ont pu obtenir une ligne GSM à la fin du 1er semestre 2003. Le 1er million ne sera célébré qu’en décembre 2004.
Evolution du parc d'abonnés et des parts de marché
Année |
Parc d’abonnés |
Part de marché |
2003 |
497.774 |
27% |
2004 |
1.047.516 |
29,4% |
2005 |
2.257.662 |
42,8% |
2006 |
3.069.314 |
46,5% |
2007 |
3.651.813 |
47,7% |
2008 |
4.256.573 |
51,1% |
2009 |
5.210.926 |
53,4% |
2010 (9 mois) |
5.797.291 |
53,3% |
C’est de l’histoire ancienne, car dès lors que Tunisiana a stabilisé son réseau et assis sa marque, elle n’a cessé de caracoler aux meilleurs niveaux. Et ses statistiques le reflètent. Si elle a mis deux ans pour atteindre son premier million d’abonnés actifs, elle réussit maintenant à engranger un million d’abonnés en moins d’un an. Entre septembre 2009 et septembre 2010, elle est ainsi passée de 4,8 à 5,8 millions d’abonnés. Même l’arrivée d’une nouvelle concurrence ne semble pas l’avoir ébranlée puisqu’elle a souscrit 235.000 nouveaux abonnements entre juin et septembre 2010.
La verra-t-on freinée dans son élan face à Orange en pleine phase de construction (et donc de croissance) et de Tunisie Telecom qui a vraiment pris le taureau par les cornes pour redorer son blason et retrouver sa place de leader ?
Chez Tunisiana, on demeure confiant en faisant valoir le taux de churn (désabonnement) le plus faible du marché. « C’est normal que les gens ne nous quittent pas, nous ne proposons pas d’offres agressives qui font que les SIM soient jetables. Les avantages récompensent l’usage, même pour les appels entrants », répond un directeur chez l’opérateur. En termes moins techniques, quand un client achète une puce Tunisiana, il la garde et l’utilise et ne l’enfouit pas au fond d’un tiroir après avoir consommé les unités offertes lors de la souscription.
Ils sont surtout confiants du fait du capital sympathie dont bénéficie la marque et par les résultats périodiques du degré de satisfaction des clients. « Cette notoriété, on la sent au quotidien. Lorsque les gens parlent de Tunisiana, ils utilisent la troisième personne du singulier, observe une spécialiste du marketing. On dit Tunisiana m’a offert des points Merci et non "Ils offrent des bonus si vous consommez davantage" ».
Concrètement, selon une enquête menée par le cabinet Nielsen en 2009, le taux de notoriété de Tunisiana est de 100% (identique à celui de Tunisie Telecom), alors que l’indice de satisfaction global dans le marché du prépayé est de 74%. Selon les standards internationaux, 70% représente une bonne performance.
Quelle est la recette de ce succès ? Elle n’est pas l’œuvre d’une personne, mais de toute une famille obéissant à un modèle de management imposé par son futur ex actionnaire Orascom. La famille Tunisiana, c’est 1.700 emplois directs et 4.000 emplois indirects. Quant au modèle, il est inspiré de la culture anglo-saxonne. Une culture aux antipodes de la culture latine fortement procédurière.
Ainsi, à tous les échelons, on fait valoir ces prises de décision rapides, ces directeurs qui tranchent rapidement. Et on cite les Naguib Sawiris (patron d’Orascom) Robert Lee ou Scott Gegenheimer (ancien co-DG, aujourd’hui vice-président à Qtel) qui ont insufflé cette culture. Même les francophones Jean-Pierre Roeland (le premier DG) et Yves Gauthier (l’actuel DG) n’ont pas cette culture latine qu’on regarde avec un certain dédain dans le siège de l’opérateur.
Cela commence par les procédures de recrutement. Priorité est donnée à la mobilité interne. Les agents des centres d’appel, s’ils ont une qualification académique particulière, ont la possibilité de quitter ce centre d’appel pour évoluer vers un poste lié à leur spécialité.
Il y a également les étudiants-stagiaires qui, après les vacances studieuses passées dans les locaux de l’opérateur, ont la possibilité de devenir des salariés de l’entreprise. Depuis 2003, une moyenne de 250 stagiaires renforce l’équipe de Tunisiana (l’année dernière, on en a vu 365) pendant de courtes durées. 10% de ces stagiaires sont ensuite recrutés.
L’opérateur ne cessant pas de grandir, ses besoins en recrutement évoluent en parallèle. En 2010, 490 nouveaux recrutements ont été enregistrés : 150 en mobilité interne, 24 en franchise (pour les boutiques notamment) et 316 en externe.
Dans le même ordre d’idées, l’opérateur a développé un site internet dédié à l’emploi et destiné aussi bien aux employeurs qu’aux chercheurs d’emploi.
Outre le process de management, Tunisiana a adopté une stratégie marketing particulière auprès du public, des étudiants et des leaders d’opinion.
« Auprès du public, Tunisiana n’oublie jamais les régions dans tout ce qu’elle entreprend, que ce soit dans le marketing, l’ingénierie, l’emploi, le sport… », se targue un directeur en soulignant que toutes les actions sont à la fois sociétales et citoyennes.
En quoi cela consiste ? « On n’hésite pas à sponsoriser des petits événements, juste pour encourager, même si ces événements ne sont pas forts ou n’ont pas de grand impact. » On citera l’exemple du Centre d’arts dramatiques du Kef où l’on organise, depuis 2004, des ateliers, des conférences, des tables rondes. Une des plus belles salles de théâtre de Tunisie a ainsi été créée. Une salle où les fauteuils et strapontins ont remplacé les chaises en plastique.
Côté sport, on évite d’être mécène d’un athlète, d’un club ou d’un événement particulier et on essaie de toucher tout un secteur. Ainsi, le tournoi de foot juniors organisé dans les 24 gouvernorats du pays et où l’on essaie de détecter de futurs champions. Les jeunes vainqueurs du dernier tournoi, après avoir eu l’opportunité de jouer dans des conditions professionnelles réelles, ont pu partir en Afrique du Sud pour la Coupe du Monde.
Côté universités et relations avec les jeunes entreprenants, la collaboration ne date pas d’hier. Certains projets sont même menés sous la houlette de l’UIT (l’union internationale des télécommunications), tel le cas avec les étudiants de l’ENIT. Les conventions avec les facultés tunisiennes sont nombreuses. Parmi lesquels on cite, mis à part l’exemple de l’ENIT, ceus de l’ENSI, de plusieurs ISET, de l’INSAT ou encore ceux signés avec les membres de l’AIESEC.
« Il y a tellement de projets sociaux que nous avons du mal à nous les remémorer tous. Nous avons pensé à éditer un livret pour les réunir », résume un responsable.
Et, il faut l’avouer, sur le plan commercial, l’opérateur joue beaucoup la proximité avec des offres répondant aux attentes et créant le besoin. Un exemple l’illustre : la recharge light à un dinar lancée à un moment où l’on ne pouvait recharger son téléphone qu’avec une carte de 10 dinars.
Quand le téléphone d’un abonné tombe en panne, les centres de Tunisiana le réparent immédiatement et même gratuitement si la réparation ne nécessite pas de pièces de rechange. Hors de question que vous restiez déconnecté ! Commercialement, le geste est apprécié et, financièrement, on a évité un manque à gagner puisqu’un abonné ayant un téléphone en panne est un abonné qui ne consomme pas.
Avec les leaders d’opinion, les relations sont rarement conflictuelles et ce depuis Jean-Pierre Roeland jusqu’à Yves Gauthier en passant par Gegenheimer et Lee. Les premiers dirigeants entretiennent avec eux de solides relations basées sur le respect et l’acceptation de la critique. En son époque, M. Roeland en témoignait : « Il y a ceux qui font de la brosse à reluire tout le temps et ils ne m’intéressent pas. Je suis plutôt sensible à ceux qui me critiquent, car ils ont une position de neutralité et d’objectivité qu’ils appliquent aussi bien à moi qu’à la concurrence. Dès lors, leur critique, si elle est fondée, ne peut être que constructive puisqu’ils portent sur l’entreprise un regard externe que je ne peux pas avoir.
Une relation conflictuelle est désavantageuse pour l’image de l’entreprise et son business avec ses partenaires, je préfère être dans le gagnant-gagnant. Et puis, de toute façon, je préfère qu’on parle de nous en bien et en moins bien plutôt que de nous oublier.»
Et demain ? Tunisiana a beau être dans une position de leader, elle sait parfaitement qu’elle n’est pas confortable puisque ce rang est visé par ses concurrents. Des concurrents devant qui elle est désavantagée puisqu’elle n’a ni la 3G, ni le fixe.
Les responsables se montrent optimistes, notamment après le changement d’actionnaires. Selon nos échos, la transaction devrait avoir lieu dès la semaine prochaine. Avec l’entrée d’actionnaires tunisiens de haut calibre et le renforcement de la position de Qtel, ils ont tout espoir qu’un avenir radieux attend l’entreprise et ses 1700 salariés. Et la 3G ? « Peut-être qu’on nous l’offrira en guise de cadeau du 8ème anniversaire ou du 9ème anniversaire de la signature de la licence, le 22 mai prochain ? », sourit une directrice. Le sourire de ceux qui ne doutent nullement des lendemains radieux.
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