La polémique enfle depuis quelques jours autour de la décision gouvernementale de subventionner les médias privés. « Achat de consciences », « Corruption », « on enlève aux pauvres pour donner aux riches », etc. Que la polémique soit enclenchée par quelques partis souvent critiqués par les médias ou par des citoyens néophytes méconnaissant la réalité des choses, passe encore, mais les plus virulentes attaques contre le gouvernement proviennent des journalistes eux-mêmes, qu’ils soient du public ou du privé. Qu’en est-il réellement, comment les choses se passent ailleurs dans les grandes démocraties. Éclairages.
Le gouvernement a-t-il décidé de subventionner les médias ? Faux.
Contrairement à la majorité des médias dans les grandes démocraties, l’Etat ne donne aucune subvention directe aux médias. Avant la révolution, il y avait des subventions indirectes via la publicité publique et les abonnements, mais celles-ci se sont évaporées et l’argent public est distribué, depuis 2011, d’une manière totalement arbitraire. Des journaux imprimés de qualité, comme Acharâa Al Magharibi, ne reçoivent aucun dinar d’argent public, ni sous forme de publicité publique, ni sous forme d’annonces classées ou d’abonnements. Quant aux journaux électroniques, ils ne reçoivent rien de tout cela et aucun gouvernement n’est venu leur porter une aide de quelque nature que ce soit.
Le gouvernement Fakhfakh tente, depuis la semaine dernière, de mettre fin à cette jungle en imposant une certaine transparence dans la distribution de l’argent public.
L’Etat soutient-il les médias privés ? Faux.
Contrairement à la majorité des médias dans les grandes démocraties, l’Etat n’apporte aucun soutien aux médias privés. Il apporte tout son soutien, en revanche, aux médias publics, à savoir l’agence de presse TAP, dix radios publiques, deux radios confisquées, deux télés publiques, une société de production confisquée, deux quotidiens publics déficitaires, deux quotidiens confisqués déficitaires, deux journaux électroniques publics déficitaires et un journal électronique confisqué.
On a observé, depuis la révolution, plusieurs tentatives de céder les médias confisqués, mais aucune n’a abouti à cause notamment de leur situation financière.
Outre le déficit abyssal que connaissent les médias publics, ces derniers bénéficient de largesses indirectes. Les radios publiques, par exemple, ne paient pas les frais de fréquence à l’Office national de la télédiffusion (ONT), contrairement à leurs homologues du secteur privé, ce qui s’apparente à de la concurrence déloyale. Les télévisions publiques font souvent appel à des privés pour produire des émissions et des fictions, alors que le nombre de leurs salariés permet de remplir amplement l’antenne.
Que fait l’Etat pour maintenir une concurrence saine ?
L’Etat autorise ses médias publics et confisqués à collecter de la publicité, tout en bénéficiant des subventions publiques, créant ainsi un total déséquilibre et une concurrence déloyale dans le marché. Ses médias ne paient pas les redevances, certains ne paient pas les cotisations sociales et font appel à des journalistes pigistes pendant de longues périodes, sans leur payer leurs droits sociaux.
Ce même Etat ferme les yeux sur les radios et télévisions pirates et refuse d’exécuter les ordonnances de fermeture émises par la Haica, autorité de régulation.
Les médias privés ont obtenu de la publicité publique depuis la crise covid-19. Faux
Plusieurs journalistes ont prétendu que les médias privés ont reçu de la publicité publique depuis le début de la crise, faisant allusion aux spots de sensibilisation liés à la prévention du covid-19.
Ces spots publicitaires ont été diffusés quasiment par tous les médias privés (dont Business News) à travers l’agence Mindshare (épinglée elle-aussi parce que citée par un membre du cabinet Fakhfakh). Ce qu’il faut savoir, c’est que Mindshare a proposé à ces médias la diffusion GRATUITE de ces spots dans un esprit de solidarité nationale. Alors que l’Etat n’hésite pas à payer rubis sur ongle le matériel médical lié au covid, il a choisi de ne rien payer en matière de communication (pourtant essentielle pour la réussite de la prévention) et a demandé à Mindshare de demander aux médias s’ils veulent bien participer à l’effort national. En clair, les médias qu’on épingle pour avoir bénéficié de l’argent public sont ceux-là mêmes qui ont fait preuve de patriotisme. On doute fort que les journalistes du public qui épinglent ces médias du privé auraient accepté de travailler gratuitement durant le covid-19, mis à part le don d’une journée de travail, à l’instar de tous les salariés, publics et privés.
Certains médias réclament des aides tout en payant leurs journalistes des salaires à cinq chiffres. Vrai.
Parmi les critiques virulentes, les exemples de certaines chaînes de télévision qui paient leurs animateurs et journalistes des salaires à cinq chiffres et on voit mal pourquoi on viendrait à l’aide de ces chaînes.
Ce qu’il faut savoir, c’est que les chaînes de télévision ne bénéficient pas et ne vont pas bénéficier des mesures annoncées la semaine dernière par le conseil ministériel. Seules les radios vont voir une prise en charge de 50% des frais de diffusion (lesquels ne sont pas payés par les radios publiques). Les télévisions privées paient directement les frais de satellite. L’Etat n’est concerné que par la TNT et ces frais-là, sont minimes.
S’il est vrai que certains animateurs-vedettes touchent de très gros salaires (ce qui est le cas partout dans le monde), il est également vrai que ces mêmes animateurs-vedettes rapportent de très gros montants, sous forme de contrats publicitaires conséquents, et une très grande audience à leurs chaines de télévision. Les patrons de TV et ces animateurs-là ont une relation gagnant-gagnant.
La situation des journalistes est bonne. Faux.
Si l’on veut bien gagner sa vie, ce n’est pas le métier de journaliste que l’on choisirait et ceci n’est pas exclusif à la Tunisie. La vérité est que 50% des journalistes perçoivent un salaire inférieur à 400 dinars, selon le rapport sur la situation matérielle des journalistes et l’indépendance de l’information publié par le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse (CTLP) publié en 2017. Ce même rapport indique que seuls 15% des journalistes ont un salaire supérieur à mille dinars.
Depuis le début de l’année 2020, quelque 300 journalistes n’ont pas reçu leur salaire dont 190 depuis le début de la crise covid-19. S’il y a une aide de l’Etat, elle sera orientée d’abord et avant tout vers ces journalistes là, par le biais de leurs entreprises de presse menacées de banqueroute. C’est à partir de ce point qu’a réagi Elyes Fakhfakh dans l’urgence en décidant de mettre en application des mesures promises par tous ses prédécesseurs depuis 2011.
On ne peut pas sauver la démocratie sans sauver les journalistes et on ne peut pas sauver les journalistes sans sauver les entreprises de presse.
Un gouvernement n’a pas à aider les médias, c’est de la corruption. Vrai, mais faux.
Si un gouvernement ne doit pas aider les médias pour ne pas être taxé d’atteindre leur indépendance, un Etat démocratique digne de ce nom se doit de le faire.
100% des grandes démocraties subventionnent des médias pour préserver leur indépendance, assurer leur pérennité et les éloigner de l’argent politique ou l’argent des lobbys.
Depuis la crise covid, ces aides ont connu une grande croissance.
En Italie, pays sinistré par le Covid-19 aux niveaux humain et économique, le gouvernement prévoit 50% de crédit d’impôt pour tout investissement publicitaire dans les médias, tous types confondus, et ce jusqu’en 2022.
La France prépare des aides accélérées à la presse, un plan de chômage partiel pour les pigistes et même un projet de loi pour l’audiovisuel. Plusieurs Etats américains fortement frappés par la crise, préparent de pareils plans de sauvetage.
Dans ces démocraties, on ne fait pas l’amalgame Gouvernement et Etat, car les gouvernements partent et l’Etat reste. S’il y a une aide pour les médias, elle provient des Etats, car l’Etat se doit de préserver ses médias pour pouvoir préserver sa démocratie. Et c’est aux gouvernements d’exécuter ces décisions d’Etat, sans pour autant se les approprier ou s’attendre à un quelconque retour politique pour eux. Cette aide de l’Etat est la garantie, justement, de leur indépendance.
Nizar Bahloul
des lobbystes regionaux et des corrompus?: oui
des partis politiques? oui
Arrêtez de nous faire un grand discours si bahloul.
c'est une question tres claire et mimouna connait Dieu et Dieu connait mimouna
Si vous suivez les activités des membres au gouvernement dans la crise du virus, vous pourriez avoir l'impression que la politique a tout sous contrôle, y compris l'économie. Mais aucune impression ne pourrait être plus incorrecte.
Au contraire, dans une économie de marché, la politique dépend en fait complètement de l'état de l'économie. Cela différencie ces systèmes économiques des ordres socialistes avec une économie planifiée autoritaire. Cependant, cela conduit généralement à la pauvreté pour tout le monde - à l'exception de la bureaucratie toute-puissante et de sa nomenclature.
Si le gouvernement agit comme s'il pouvait amortir ou même réparer les horribles dégâts économiques causés par la crise avec des milliards de dinars, cela pourrait bien être bien reçu par le public, qui est choqué par le virus.
Mais il deviendra bientôt très inconfortable que les politiciens aient le pouvoir de construire de véritables pyramides de dettes dans leurs pays. Afin de ne pas rendre ces pyramides absurdes, l'économie respective doit fonctionner au moins dans la mesure où elle sert le service de la dette.
Oui, le jour du règlement viendra. Ceux qui dorment dans la démocratie se réveillent sous la dictature. Ceux qui renoncent à la liberté en raison d'une prétendue sécurité ont finalement perdu les deux. La vigilance est le prix de la liberté que nous devons payer!
L'argument selon lequel les grandes démocraties font ceci et ferais celà et que ça serais ça la norme et ce qu'il fallais faire en Tunisie est rout simplement fallacieux et abérrant.
Ceux qui en Tunisie est considérés de grandes démocraties sont loins, très loins dans le Media Freedom Index: GB-35, Etats Unis 45, FR-34, IT-41 et j'en passe.
Vous baignez dans le prêt à penser, j'emprunte le mot a Kamel Daoud, et dans la médiocrité et la suffisance. Vous nous proposez de nous aligner simplement et purement sur les grandes démocraties. Pourquoi? Ne faut-il pas s'émanciper comme pays et concevoir notre propre modèle? Ne faut il pas lancer un vrai débat sur les media - qui fabriquent l'opinion et défendent majoritairement la pensée dominante - afin non pas d'imiter tel ou tel pays mais de mettre en place un réforme qui serve la démocratie en Tunisie et qui ne mette pas les média sous la botte du monde des affaires qui ne veux que vendre et faire consommer? La culture, comme la santé et les média et l'éducation, ne sont pas des « choses » à vendre. Regardez le résultat de cette politique sur notre paysage médiatique. Superficiel, basé sur le buzz et l'audience, bourré de publicité de mauvais goût. Très Tunisien.
On n'a pas de véritable plumes, de véritables journalistes dignes de ce nom qui éclairent l'opinion publique et qui sont clairs et transparent sur leur ligne journalistique, que c'est intéressant de lire même si on n'est pas d'accord avec eux - surtout même si c'est le cas. ça manque cruellement ça.
Essayez donc de posez les termes autrement et pas avec cette façons binaire « vrai/faux ». Grande démocratie / nous, etc.
Là où vous avez raison, c'est que la Tunisie est classée 72ieme dabs l'index pré-cité. La chose mérite vraiment débat, délibération et réforme profonde.
Cordialement,
J. Hannachi
Ou encore le fonds spécial financé par les cotisations sociales...
Feu BCE l'avait évoqué lors de la passation du pouvoir avec le plombier Hamadi Djbali !
mon commentaire a tres peu de chance d etre publie...mais au moins il sera lu par ceux qui le decideront
comme tous mes commentaires sur des rubriques de Nizar Bahloul ou autres...ils n acceptent pas l avis qui les contredit ou devoile la realite des faits que la majorite ecrasante de la societe civile connait grace aux journalistes qui font honneur au metier...et ils sont nombreux....