Le débat présidentiel a eu lieu, ce soir du vendredi 11 octobre 2019, entre les deux candidats au second tour, Kaïs Saïed et Nabil Karoui pour revenir sur leurs programmes et débattre de leurs idées et visions pour la Tunisie.

Organisé par la chaîne Al Wataniya et l’organisation Al Mounadhara, le débat est diffusé sur la chaîne nationale et plusieurs autres chaînes et radios.

Les deux candidats se sont présentés au début du débat.

Kaïs Saïed est originaire de Béni Khiar. Il a fait des études en droit et a occupé le poste d‘enseignant en droit constitutionnel.

Nabil Karoui, âgé de 56 ans et originaire de Bizerte. Il assure avoir fait des études. Il affirme ne pas être un expert en droit ou en économie, mais qu’il est un homme pragmatique proche de la réalité du terrain.

-Questions sur la défense et la sécurité nationale

-Nabil Karoui a indiqué que la Tunisie a fait face au terrorisme, considérant que l’institution sécurité n’avait pas l’expérience nécessaire au début. Cependant, elle a pu gagner l’expérience nécessaire au fil des années. Il a, cependant, affirmé que le plus important est d’avoir un service de renseignements fort affilié à la présidence de la République. Par ailleurs, il a tenu à préciser qu’il faut combattre le terrorisme à son origine à savoir la pauvreté et la marginalisation. Il a, également, indiqué qu’il faut mettre en application la loi antiterroriste, puisqu’elle n’est appliquée correctement, mais au cas par cas.

-Kaïs Saïed a indiqué que le problème des lois, c’est leur application. Il a affirmé que les plans et les stratégies sécuritaires ne peuvent être étalés devant les caméras. Il a déploré les fuites des documents sécuritaires. Il a refusé de parler de sa stratégie sécuritaire devant les caméras.

-Kaïs Saïed a indiqué que l’affaire de l’assassinat des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ne peut être récupérée par les partis politiques, mettant l’accent sur l’importance de l’indépendance de la justice, qui selon lui vaut mieux que 1000 constitutions. Quant à l’appareil secret d’Ennahdha il a indiqué qu’il n’y a aucune place pour ce genre d’appareil au sein de l’Etat, soulignant qu’il ne sait pas s’il existe ou pas puisqu’il n’est pas un service de renseignement.

-Nabil Karoui a indiqué que Chokri Belaid était son avocat et qu’il a un rapport particulier avec lui. Toutefois, il a estimé que les Tunisiens ont le droit de connaitre la vérité. Mais, avec les mécanismes actuels, la vérité ne peut être révélée dans les délais raisonnables. Il a donc proposé la formation d’un tribunal spécial, composé de magistrats qui sera en charge de l’affaire et qui soumettra les résultats de son enquête à la justice dans un délai de 6 mois.

-Nabil Karoui a indiqué que la sûreté nationale n’englobe pas uniquement le volet sécuritaire et militaire, mais touche aussi les ressources hydrauliques, l’agriculture, la technologie, la santé voire même le tourisme, et tout ce qui peut menacer la sécurité de la Tunisie. Pour cela, il a considéré qu’il faut élargir le conseil de la sûreté nationale et y introduire des experts dans tous ces domaines.

-Kaïs Saïed a indiqué dans un premier temps, qu’il n’est pas possible d’installer un tribunal spécial d’un point de vue constitutionnel. Concernant la sûreté nationale, il a estimé que le plus important c’est le renforcement de l’éducation principale barrière contre le terrorisme et l’extrémisme. Quant aux autres aspects de la sûreté nationale, il a assuré que les ministères spécialisés présentent leurs rapports techniques au conseil de sureté nationale.

- Nabil Karoui : Concernant ses promesses dans le domaine de la sureté nationale et la défense, il a indiqué qu’il s’engage à mettre en place une agence de renseignements unifiée, d’améliorer les conditions des sécuritaires et de renforcer leurs moyens, de lutter contre les menaces cybernétiques et d’élargir les domaines du conseil de sûreté nationale. Il s’est, également, engagé à tripler les pensions des sécuritaires qui décèdent lors de l’exercice de leurs fonctions.

-Kaïs Saïed a indiqué qu’il ne fera pas de promesses, mais des promesses. Je propose la mise en place d’établissement public qui prend en charge les sécuritaires martyrs de la révolution, et ceux qui décèdent lors de l’exercice de leurs fonctions. Pour la sûreté nationale, elle ne doit plus être perçue de la manière classique.

-Questions sur la politique étrangère :

-Kaïs Saïed a indiqué que l’Etat s’engage à respecter les bases de la diplomatie tunisienne, assurant qu’on ne peut parler de diplomatie économique. Concernant l’Aleca, il a indiqué qu’il n’est pas prêt à négocier ce qui touche l’intérêt de la Tunisie.

-Nabil Karoui a assuré qu’il sera un ambassadeur de la Tunisie à travers le monde pour ramener des investissements pour la Tunisie. Il a ajouté qu’outre la diplomatie économique, une fois président, il mettra l’accent sur la diplomatie numérique qui constitue l’avenir pour la Tunisie. Il a, également indiqué qu’il faut s’ouvrir sur les marchés de l’Afrique en mettant en place les moyens susceptibles d’ouvrir les perspectives avec ses destinations prometteuses, notamment, l’ouverture des lignes aériennes et maritimes.

-Nabil Karoui a souligné que la Tunisie ne peut « respirer » sans mettre fin à la crise libyenne. « Sans l’intervention de la Tunisie et l’Algérie, la crise en Libye ne peut se résoudre. Toutefois, la Tunisie et l’Algérie ne peuvent intervenir sans prendre en considération les forces internationales intéressées par le dossier libyen ». Il a ajouté qu’il est prêt à discuter avec toutes les parties de la crise libyenne afin de faciliter la résolution de la crise qui ne peut être que libyenne.

-Kaïs Saïed a expliqué que la résolution de la crise en Libye doit se faire dans le respect de la légitimité internationale. Par ailleurs, il a indiqué que la Tunisie peut être une terre de dialogue avec les parties du conflit libyen, soulignant qu’il est prêt à discuter avec toutes les parties afin de parvenir à une solution à la crise.

-Kaïs Saïed : Revenant sur la question de normalisation avec I’entité sioniste, le candidat a indiqué qu’il fait la distinction entre les juifs et les israéliens, considérant que le terme normalisation n’a pas lieu d’exister puisqu’on est en guerre avec l’entité sioniste et tous ceux qui traitent avec doivent être jugés pour haute trahison. Il a assuré que les pèlerins de la Ghriba peuvent entrer en Tunisie mais sans le passeport israélien.

-Nabil Karoui a indiqué que la Tunisie doit adopter les mêmes positions que le pouvoir palestinien, assurant qu’il est pour la criminalisation de la normalisation avec Israël. Revenant sur l’affaire de sa rencontre avec Ari Ben-Menashe, il a indiqué qu’il ne connaissait ni l’identité, ni les appartenances de cette personne. « Il s’est présenté en tant qu’agence canadienne, et possédait le passeport canadien. Cependant, s’il avait cette réputation sulfureuse, comment a-t-il pu entrer sur le territoire tunisien ? Je suis persuadé qu’on a voulu me piéger en m’envoyant cette personne ». Nabil Karoui a assuré qu’il est pour l’ajout d’un article dans la Constitution interdisant la normalisation avec l’entité sioniste.

-Nabil Karoui a indiqué que la diplomatie est une grande opportunité pour la Tunisie pour promouvoir son image, soulignant l’importance de la diplomatie numérique afin de créer des postes d’emploi. Il a assuré que les certifications via les grandes entreprises comme Amazon, Google ou Microsft permettront aux jeunes de décrocher des postes d’emploi à travers le monde.

-Initiatives législatives :

-Kaïs Saïed a assuré qu’il n’a pas de promesses à donner assurant que les jeunes se sont lassés des fausses promesses et qu’il est là pour donner des projets et des visions.

-Nabil Karoui est intervenu pour les demander comment il compte assoir son projet du pouvoir local sur un plan pratique tenant compte des litiges et des différends qui pourraient avoir lieu.

-Kaïs Saïed a indiqué qu’il ne sera pas question de comités populaires puisque son programme sera basé sur l’élection des personnes et de leurs programmes.

Son adversaire lui a donc indiqué, s’il compte alors changer le système de gouvernance actuel ? M. Saïed a indiqué que rien ne peut se faire sans le respect de la constitution, mais qu’il soumettra une proposition d’amendement dans ce sens au parlement.

-Nabil Karoui a répliqué : « Alors, si je comprends bien si le parlement refuse votre proposition, vous allez rester les bras croisés à ne rien faire ».

-Nabil Karoui a déclaré qu’il compte proposer une initiative législative pour rompre avec la pauvreté en réunissant toutes les organisations nationales et mettre en place un programme qu’il a établi à partir d’un diagnostic de l’état des lieux qu’il a effectué durant trois ans. « Aujourd’hui, Ennahdha fait de la lutte contre la pauvreté sa priorité alors qu’elle n’a rien fait durant huit ans. Mais si c’est le cas réellement, on la suivra sur ce point sans problème ».

-Kaïs Saïed a annoncé qu’il proposera la mise en place d’un conseil supérieur pour l’éducation et l’enseignement. Il a ajouté que l’Etat doit reprendre son rôle dans le développement et la restructuration du secteur de la santé et de la couverture sociale. « Je n’ai pas de bloc parlementaire derrière moi, mais je propose et si le parlement refuse, il n’a qu’à assumer sa responsabilité politique ».

-Promesses électorales :

-Kaïs Saïed a indiqué qu’il assumera toutes ses responsabilités en tant que président de la République, et qu’il dira toute la vérité au peuple tunisien qui sera capable de le juger. Il a assuré qu’il ne fera rien contre ses convictions. Il a ajouté qu’il ne placera aucun membre de sa famille dans des postes de l’Etat.

-Nabil Karoui a indiqué qu’il ne présentera sa démission qu’en cas de maladie grave. Pour le reste, il a assuré qu’il ne baissera pas les bras face aux difficultés. Il a poursuivi en assurant que la constitution tunisienne est parmi les meilleures sauf qu’elle n’est pas bien appliquée. Il a assuré qu’il ne placera aucun membre de sa famille, soulignant que les Tunisiens sont traumatisés par la question de « la famille ».

-Nabil Karoui a assuré qu’il ne peut ratifier une loi de finances présentant des contraintes, puisque le parlement sur le départ a falsifié des chiffres dans la LF. Toutefois, il a indiqué qu’il peut aussi ratifier et la soumettre à la discussion dans le cadre d’une LFC.

-Kaïs Saïed a mis l’accent sur la continuité de l’Etat et qu’il ne faut bloquer les rouages de l’Etat. « Je peux ratifier puis je propose un autre projet ou un projet d’amendement ».

-Nabil Karoui a insisté sur la libération de l’économie, la lutte contre la pauvreté, le développement du système juridique. Il a, également, indiqué qu’il faut encourager l’initiative et garantir un climat favorable pour l’investissement, tout en rassurant les Tunisiens.

-Kaïs Saïed a indiqué que l’Etat doit retrouver son rôle social et il fera en sorte de mettre en place les mécanismes juridiques afin de concrétiser les projets des jeunes à travers le mécanisme de l’élection régionale sur les individus et le suivi.

-Kaïs Saïed a indiqué qu’il a emprunté la somme de 10 mille dinars, garantie de son dépôt de candidature, à ses amis et sa famille puisqu’il ne possède que sa pension de retraite et qu’il a vendu la maison de son père et s’est partagé l’héritage avec ses frères.

-Nabil Karoui a répondu à la même question assurant qu’il a emprunté un chèque à sa mère. Il a ajouté que l’affaire de lobbying est montée de toutes pièces, assurant qu’il n’a rien donné à l’agent du Mossad et qu’il ignorait la nationalité du lobbyiste.

-Kaïs Saïed a indiqué qu’il accepte tous ceux qui le soutiennent et qu’il sera le président de tous les Tunisiens et fera en sorte de les rassembler. Il a, toutefois, indiqué qu’il est contre les parties qui ne croient pas dans l’Etat. « Ceux qui me soutiennent sont des jeunes indépendants et je resterai indépendant ».

-Nabil Karoui a assuré qu’il ne s’alliera pas avec Ennahdha et qu’il n’y a aucun deal avec le mouvement. Il a affirmé qu’il a été incarcéré sur décision politique afin qu’il soit exclu de la scène électorale.

-Les promesses des 100 premiers jours :

-Nabil Karoui a indiqué que durant les 100 premiers jours, il présentera une initiative législative regroupant les organisations nationales pour lutter contre la pauvreté. Il a ajouté qu’il se rendra, par exemple, au gouvernorat de Gafsa afin de parvenir à une solution définitive pour la crise de Phosphate Gafsa.

-Kaïs Saïed a relevé qu’il déposera des initiatives législatives pouvant redonner le rôle social de l’Etat.

* Les deux candidats se sont engagés à revenir sur le plateau après 100 jours afin de faire le point sur leurs réalisations durant cette période.

Sarra Hlaoui