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Tribunes
Une femme en Tunisie est présumée coupable, de tout, jusqu'à preuve du contraire
25/11/2016 | 15:59
3 min
Une femme en Tunisie est présumée coupable, de tout, jusqu'à preuve du contraire

 

Par Ahlem Hachicha Chaker*

 

Coupable d'aller dans un bar, coupable de voyager avec ses enfants, coupable de marcher seule dans la rue, coupable d'épouser un non-musulman, coupable d'hériter de ses parents ou de son époux, coupable du choix de ses vêtements, coupable de prendre un taxi avec un étranger.

 

 

Et la société a trouvé des solutions à tous ces abus. Et elle applique ces solutions à titre préventif et prématurément. Dès l'école, on fait porter aux filles des tabliers roses afin d'identifier ces fauteuses supposées. Ensuite, on s'y met tous pour les convaincre que leur seul salut ne peut venir que d'une vie rangée, où elles font des études mais pas trop, où elles s'habillent de manière discrète en beige ou en noir de préférence, où elles font la cuisine et la pâtisserie, où elles ont le brushing parfait, où elles se marient et font des enfants.

 

 

Cessons cette hypocrisie. La femme tunisienne est persécutée. Tout est fait pour l'écarter de l'espace public. Les événements importants de la vie se passent dans des lieux qui lui sont interdits: la première socialisation se fait dans la rue, les notions de groupes et d'appartenance se développent dans les cafés, les mariages se font dans les mosquées et les rituels de la mort se déroulent dans les cimetières. Autant de lieux que la société et la tradition interdisent à la femme.

 

 

Au-delà des aspects évidents liés au conservatisme de la société, de véritables problèmes se posent tels que la transmission de biens, la liberté de circulation, le choix du conjoint et l'égalité dans l'héritage. Harcelée dans la rue, discriminée à l'école et au travail, culpabilisée d'être visible, la femme n'arrive pas à être autonome dans ses droits sociaux et économiques.

 

 

Il s'agit bien d'une question de mentalité, mais également d'une question de législation et de procédures administratives. Aux yeux de l'Etat, la femme est une créature mineure et inférieure. L'administration ne considère pas la femme comme un citoyen à part entière. L'archaïsme de qualifier une femme de "épouse untel" sur les documents officiels, l'abattement fiscal qui ne bénéficie qu'au mari, les allocations familiales qui sont servies par défaut au père, la tutelle de la mère non reconnue, sont autant d'aberrations.

 

 

Allant de là, il est tout à fait normal qu'un policier se sente autorisé à demander à une femme ce qu'elle fait dans la rue et à demander à une étudiante si ses parents sont d'accord sur sa façon de s'habiller.

 

Il est clair que ces débats doivent être posés. Mais par qui? Qui portera ces arguments? Qui imposera les changements nécessaires? Est-il temps de ramener le féminisme?

 

Le féminisme a été, avant tout, un mouvement de solidarité entre les femmes et pour les femmes. Cette solidarité ne semble plus de mise dans un environnement local et global favorisant l'individualisme, le conservatisme, la moralisation de la société. Le féminisme avait également bénéficié de femmes ferventes et passionnées qui avaient porté la cause de l'égalité et de l'émancipation.

 

 

La responsabilité est peut-être celle de ces femmes qui réussissent dans la vie professionnelle, culturelle, sociale, économique ou politique et qui oublient de profiter de leur visibilité pour défendre ces causes. En politique, en particulier, les femmes propulsées, nommées, élues sont-elles uniquement un facteur marketing? Certes, elles sont peu nombreuses mais, si elles n'assument pas leur représentativité pour promouvoir leurs semblables, elles demeureront isolées et rares.

 

 

*Activiste politique

25/11/2016 | 15:59
3 min
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Commentaires (48)

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Audace
| 28-11-2019 19:22
Oui,malheureusement tout cela est bien vrai. Il reste beaucoup à faire pour que les femmes soient véritablement intégrées aux différentes activités sociales : cafés,enterrements,témoins lors de la rédaction des actes mariage Etc. Les femmes doivent avoir de l'audace et s'imposer dans toutes les activités sociales et non subir l'exclusion en silence. C'est en obéissant à toutes ces règles non écrites que les femmes sont en fait exclues de différents aspects de la vie sociale. Il faut de l'audace et du courage pour affronter et/ou subir des remarques parfois désobligeantes.... mais la victoire est à ce prix. Osez,osez et le patriarcat finira par être vaincu.

G.M
| 09-03-2017 11:18
le constat est que la législation tunisienne est concocté par les hommes ,
il faut que la femme bataille dure pour arracher une place de décideurs dans notre sociétè

TMT
| 10-12-2016 22:33
C'est quand même drôle de lire tant d'affirmations concernant le statut de la femme....en Tunisie! de la part d'une activiste.
Dans un pays voisin ,j'ai vu de mes propres yeux le mari arpenter les montagnes sur son mulet alors que sa moitié marchait derrière lui,un bâton dans la main sous un soleil ardent.
Ça c'est une affirmation vérifiable.

adel
| 06-12-2016 10:15
Il n'y a aucune différence de traitement entre femme et homme en Tunisie en matière de présomption d'innocence.
Tout le monde est coupable "même avec preuve du contraire" (malheureusement c'est un constat).
Maintenant, si la femme se sent mieux en se posant comme victime, pourquoi pas? Mais c'est elle qui souffrira parce qu'elle n'arrive pas à réaliser combien elle est libre.

Gg
| 30-11-2016 14:28
"Elle doit... marcher derrière l'homme"

Pas toujours, s'il y a des mines c'est mieux qu'elle marche devant.

(PS : je blague, hein...)

alya
| 29-11-2016 13:56
madame je suis une femme tunisienne qui exerce un metier dure depuis l age de 23 ans j ai affronte des mon jeune age des situations professionnelles difficiles je me n ai jamais rappelle aux autres que j'etais une femme j ai mene mes grossessse normalement eleve mes enfants sans egalement rappeller aux autres collegues masculins que je devais etre priviligiee je suis une citoyenne et non une handicapee

Fehri
| 28-11-2016 22:07
Elle doit manger avec les enfants, marcher derrière l'homme, se couvrir dehors, demander la permission de visiter sa mère, faire le linge, nettoyer la maison, changer les couches, Et mille autres choses que l'homme trouve banales.

Mansour Lahyani
| 28-11-2016 18:00
Je suis tout-à-fait d'accord avec vous !

Monday
| 28-11-2016 09:29
Reuissir est une chose, et c'est louable, mais être respectable et respectée en est une autre.

Ce que vous dites n'est aps vrai, la femme en Tunisie actuellement, n'a pas de problème généralement, et elle est l'égal de l'homme dans ses droits civiques (si tu veux parler de l'héritage ou autre, c'est codifié par notre religion, et nous l'avons toujours accepté, et cru en tant que peuple musulman, modéré aussi, et ce n'est ni à moi ni à vous de changer les préceptes du coran).

Si vous voulez parler de la femme opprimée, je n'en vois pas beaucoup en Tunisie, et il y'a une armada de lois pour la protéger et d'actionner son mari en justice en cas d'injustice; et tiens à propos de mari, sachez Madame que beaucoup d'époux sont opprimés par les agissements de leurs femmes, et souffrent, et ne peuvent demander le divorce justement en raison de lois qui protègent bien la femme.

Mot de la fin, : c'est votre décence qui impose notre respect!

Pseudo
| 28-11-2016 08:40
Arrêtez ces histoires de femmes persécutées en Tunisie. Ou alors dites dans le monde entier.
Ce n'est pas parce que certains maltraitent les femmes qu'il faut généraliser à tous les tunisiens au contraire !
L'immense majorité des tunisiens respectent les femmes.
Les arguments tels que les tenues roses pour les filles et bleues pour les garçons sont hors sujet. En Angleterre que tout le monde connaît comme le pire pays de la liberté et du civisme, n'est ce pas, il en est ainsi.