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Tunisie - Le goût d'inachevé de la loi sur la sécurité financière
22/10/2010 |
min
Tunisie - Le goût d'inachevé de la loi sur la sécurité financière
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Il y a cinq ans, la Tunisie promulguait la loi N°96-2005, en date du 18 octobre 2005, relative au renforcement de la sécurité des relations financières. Opérationnelle depuis, la législation suscite encore un débat vivace et fait couler de l’encre. Certes elle a apporté des nouveautés « révolutionnaires » qui, de l’avis de plusieurs, ont métamorphosé la pratique des affaires en Tunisie.
Néanmoins, les experts du monde de l’entreprise considèrent, à forte majorité, que ladite législation, présente un sérieux goût d’inachevé……. C’est la principale, voire l’unique conclusion de la rencontre organisée sur une initiative du Centre Tunisien de la Gouvernance d’Entreprise (CTGE), jeudi 20 octobre 2010, au siège de l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE).


La rencontre se propose d’établir un bilan de l’application de la loi relative au renforcement de la sécurité des relations financières, avec un panel composé d’experts en matière d’entreprise, de marché financier, d’experts comptables, de commissaires aux comptes, très en vogue dans la loi (pour les avoir cités 21 fois). Or, on a été surpris par l’absence de base scientifique à cette évaluation. Ce qui n’est pas dans les habitudes de l’IACE.

L’Institut nous a, au fait, habitué à évaluer sur la base d’une enquête, un questionnaire ou autre, permettant une analyse scientifique et chiffrée ! Pour l’évaluation de l’application de la législation du 18 octobre 2005, on s’est contenté de quelques présentations analysant la législation, sous toutes ses coutures, par rapport au droit comparé, notamment français et américain, source principale d’inspiration du législateur tunisien par rapport à l’activité du commissaire aux comptes, de son positionnement à l’échelle internationale et de son impact à l’échelle nationale…..
On a eu droit à une petite évaluation chiffrée, sur chacune des dispositions de la loi, présentée par Moncef Bouden, secrétaire d’Etat, auprès du ministre des Finances, chargé de la Fiscalité, qui a assuré l’ouverture de la manifestation.

Cependant, le secrétaire d’Etat nous laisse sur notre faim. Car les chiffres n’étaient alimentés d’aucune analyse. Selon le Secrétaire d’Etat, la loi du 18 octobre 2005 et l’ensemble de ses textes d’application ainsi que la plupart de ses dispositions ont été respectés. Et Moncef Bouden argumente par l’évaluation réalisée par son département avec la collaboration de l’Ordre des Experts Comptables et la Commission du marché financier. Une évaluation de laquelle, il ressort que, sur l’échantillon pris en considération, -on ne saura pas combien d’entreprises concernées-, 89,5%, se sont conformées à l’application de la législation, en 2009 (on ne saura rien, pour les années précédentes).
L’évaluation indique, par ailleurs, que toutes les sociétés ont appliqué les mesures relatives au con-contrôle, de la rotation des commissaires aux comptes, de l’obligation de ce dernier d’informer la BCT et la commission du marché financier. Plus encore, selon le secrétaire d’Etat, alors que toutes sociétés faisant appel public à l’épargne ont créé en leur sein, comme le stipule la législation, des commissions permanentes d’audit, seules 62,5% des autres sociétés concernées par cette mesure l’on appliquée.

Concernant la publication des états financiers annuels, 88% des entreprises concernées l’ont réalisée dans les délais impartis par la loi, en 2009, contre 86%, en 2008 et 71%, en 2007. Au niveau qualitatif, Moncef Bouden a souligné que la législation a connu l’interaction positive de tous les intervenants dont la meilleure illustration est la création du Centre Tunisien de la Gouvernance d’Entreprise (CTGE), afin de promouvoir la gouvernance d’entreprise.
Tout en reconnaissant que la législation promulguée il y a cinq ans, constitue un jalon supplémentaire dans la modernisation du dispositif règlementaire et législatif de la place financière de Tunis, Fayçal Derbal, expert comptable et animateur de la rencontre, n’a pas pu s’empêcher de s’interroger quant à son opportunité.

« La Tunisie avait-elle vraiment besoin d’une loi sur la sécurité des relations financières ? Sommes-nous comparables aux Etats Unis, ou encore à la France, où on assiste à la multiplicité des scandales financiers et des manœuvres frauduleuses, ayant conduit à des crashs financiers ?
Le motif apparent, indique Fayçal Derbal, de la promulgation de la loi, est de moderniser le dispositif législatif. Mais l’autre moitié a-t-il ajouté, selon l’étude sur les commissaires aux comptes en Tunisie « la théorie explicative du droit financier », la loi du 18 octobre 2005 ne répond pas aux besoins de scandales financiers. Elle n’est pas non plus archaïque. Certes, ils ‘agit d’un signal que la Tunisie souhaite rejoindre le réseau des pays disposant d’une sécurité financière. Ce qui est important en soi. Sauf que toujours selon l’étude, la loi perd de son efficacité ».
Aussi, l’expert comptable s’interroge sur la pertinence de la loi relative au renforcement de la sécurité des relations financières ainsi que de certaines dispositions dont on ne mesure pas vraiment, l’intérêt. On citera, entre autres, l’obligation de rotation des commissaires aux comptes (CAC). Pis encore, pour tous les intervenants à la rencontre, la loi de 2005 a un goût d’inachevé dans la mesure où, elle n’a pas prévu la création d’organisme de supervision, veillant aux contrôles de l’application de ses dispositions, ce qui n’est pas le cas des pays, dont la Tunisie s’est inspirée pour élaborer sa législation, en l’occurrence, les Etats Unis, à travers sa loi, Sarbnes-Oxly, et la loi française de 2003, sur la sécurité des relations financières.

Mohamed Fessi, expert comptable a saisi la perche tendue par Fayçal Derbal, pour justifier la promulgation de la loi. Selon lui, la loi du 18 octobre 2005 vient répondre à un besoin.
« Les scandales financiers, les crashs et autres faillites à l’échelle mondiale se sont succédé….Il ne faut pas se leurrer, le monde des affaires est de plus en plus inquiétant et moins sûr. On croit, à tort ou à raison, que légiférer, est une bonne chose. Aussi, la loi est-elle venue, à juste titre, rassurer les opérateurs économiques, les investisseurs, les épargnants et les actionnaires. Elle répond à cette inquiétude dans le monde des affaires ».
L’expert s’est adonné à un exercice de comparaison de la législation tunisienne avec les lois américaines et françaises ainsi que les recommandations de l’Union Européenne. Un exercice d’autant plus important que notre législation est fortement inspirée du droit comparé. Il a conclu en parlant des administrateurs : « Nous n’avons pas d’administrateurs professionnels, et la Tunisie gagnerait à professionnaliser l’activité ».

Et, quand la défense, incarné par Maître Kallel, prend la parole, elle aura à expliquer le contexte, national, cette fois-ci, de la promulgation de la loi….A l’époque, soit en 2005, quelques groupes tunisiens avaient des difficultés financières, et la Tunisie ne voulait pas que cela fasse tache d’huile, alors que l’axe de notre politique est la promotion de l’investissement et de l’épargne. Ceci étant, la loi de 2005 a été suivie d’un arsenal juridique consolidant la transparence et dont l’impact s’est ressenti sur plusieurs autres secteurs….
Néanmoins, la défense, elle-même, partage l’avis de tous : le goût d’inachevé de la loi du 18 octobre 2005.
S’agissant de l’évaluation, l’impact et la réussite de la loi, Fayçal Derbal affirme qu’il faudrait distinguer la réussite d’une loi de son application. Quant à l’évaluation, et en l’absence d’études scientifiques, il faudrait selon lui, se référer aux classements de la Tunisie, dans les forums et rapports internationaux. Des classements qui s’améliorent sur des points mais pas sur d’autres….

Le point commun du bilan de la loi relative au renforcement de la sécurité des relations financières demeure, du début à la fin de la rencontre, son goût d’inachevé, notamment au niveau de l’absence d’organes de contrôle de l’application de la législation et d’un manque de volonté d’aller jusqu’au bout dans la logique de cette sécurité.
22/10/2010 |
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