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STB : la façade dorée d’une banque minée de l’intérieur
21/04/2025 | 12:42
5 min
STB : la façade dorée d’une banque minée de l’intérieur

Des milliards en haut de bilan, des millions évaporés, des garanties introuvables, des dettes publiques non couvertes, et une gestion comptable hasardeuse : la STB, banque publique par excellence, donne une apparence de solidité. Mais derrière les résultats 2024 en trompe-l'œil, un rapport de 72 pages signé par les commissaires aux comptes révèle un tout autre visage : celui d’un géant aux pieds d’argile, emporté par ses propres pratiques bancaires et son aveuglement étatique.

 

La STB a beau annoncer un résultat consolidé de 103 millions de dinars, en hausse de 73 %, et un produit net bancaire dépassant les 689 millions, les signaux d’alerte ne manquent pas. Ils sont même légion. Le rapport des commissaires aux comptes, devient cette année une véritable mine d’inquiétudes. Abderrazak Gabsi et Abderrazak Souei dont le ton est souvent feutré, ne sont pas allés de main morte et ont bien dénudé la banque publique.

En 2023, la STB a fait l’objet d’un redressement fiscal couvrant les années 2019 et 2020. Le montant total ? Près de 62 millions de dinars, dont la moitié en pénalités de retard. La banque conteste, négocie, et finit par obtenir un rabais substantiel grâce à une conciliation et à l’amnistie fiscale. À l’arrivée, elle ne paie que 23 millions de dinars, le reste est effacé. Le reste est habilement comptabilisé dans les capitaux propres ou noyé dans le résultat.

Une opération comptable presque magique, qui permet de limiter l’impact sur le résultat de l’année… mais qui en dit long sur la capacité d’un grand établissement public à respecter ses obligations fiscales.

 

Des crédits publics sans filet de sécurité

La STB continue de faire ce que toute banque publique croit bon de faire : prêter à l’État et à ses bras armés, même quand les garanties ne suivent pas. À lui seul, l’Office des céréales a emprunté pour 418,6 millions de dinars, tandis que l’OCT (Office du commerce de Tunisie) cumule 534,4 millions de dinars. Au total, les créances sur les entités publiques atteignent 2,75 milliards de dinars, soit 19 % de tous les crédits accordés à la clientèle.

 

Mais voilà : une partie importante de ces engagements n’est pas garantie par l’État de manière formelle. Pour l’Office des céréales et l’OCT, les garanties sont basées sur de simples accords de principe, sans actes juridiques signés. Quant aux engagements liés à Transtu et aux Ciments de Bizerte, ils accusent une insuffisance de garantie de près de 10 millions de dinars. Autrement dit, la STB joue les banquiers des entreprises publiques de l’État… sans aucune ceinture de sécurité, comme elle le fait (théoriquement) avec ses autres clients.

 

Une montagne de créances douteuses, balayée discrètement

Autre point noir : les créances irrécouvrables. En 2024, la STB a radié ou cédé à sa filiale STRC des créances pour près de 200 millions de dinars, dont 33,5 millions d’intérêts de retard. C’est autant de financement perdu, effacé des comptes comme on efface un tableau noir. On évacue, on assainit, on repart. Mais à quel prix ? Et surtout, avec quelles responsabilités en interne ?

Le rapport révèle également une non-conformité flagrante avec les normes comptables relatives aux opérations en devises. La STB a affiché au bilan des écarts de conversion de 9,9 millions de dinars parmi les actifs… alors qu’ils auraient dû être passés en pertes. En parallèle, cinq millions figurent à tort dans les passifs, et plus de cinquante millions de dinars d’écarts apparaissent entre les montants comptabilisés et les soldes réels des dépôts en devises. Une provision de douze millions a été passée, mais sans certitude sur sa fiabilité. Les commissaires eux-mêmes refusent de se prononcer sur sa solidité.

 

Des comptes figés, fantômes ou oubliés

Au 31 décembre 2024, les rubriques "autres actifs" et "autres passifs" (AC7 et PA5) sont plombées par plus de 200 millions de dinars de comptes dormants ou non justifiés. La STB s’abrite derrière des intitulés comme « télécompensation », « monétique » ou « salle des marchés » pour justifier ces chiffres… mais elle ne produit aucune analyse ni explication concrète. On inscrit, on conserve, on oublie. Une provision de 39 millions est là, mais, une fois encore, sans qu’on sache sur quoi elle repose.

Le problème de la STB n’est pas seulement ce qu’elle montre, mais surtout ce qu’elle ne montre pas. Ainsi, des engagements hors bilan, la STB ne dispose même pas d’un fichier fiable sur les garanties réelles (notamment hypothécaires) qu’elle détient pour couvrir les crédits octroyés. Par exemple, la quasi-totalité des garanties hypothécaires reçues en couverture des crédits n’est pas intégrée dans les engagements hors bilan. Près de 2,4 milliards de dinars de garanties réelles sont ainsi invisibles aux yeux de la réglementation. Et dans le même tableau, les crédits documentaires, les cautions et autres engagements sont, eux aussi, partiellement injustifiés ou obsolètes.

 

L’insupportable deux-poids-deux-mesures

Enfin, la vieille affaire de la Banque franco-tunisienne revient hanter la STB. En cessation de paiement, la BFT doit toujours 72 millions de dinars à la banque mère, dont 70 millions en principal. Officiellement, cette créance est garantie par l’État depuis 2011, mais la STB n’a constitué aucune provision pour couvrir ce risque. On s’en remet à une lettre du ministère des Finances, en date de 2022, qui prolonge la garantie jusqu’à la fin de la liquidation… sans se soucier de l’échéance ni de la récupération des fonds.

La STB affiche fièrement des bénéfices en hausse, des réserves confortables et une structure de bilan rassurante. Mais derrière cette façade, le désordre règne : comptabilité approximative, créances douteuses, engagements étatiques incertains, provisions mal fondées, et une gouvernance aveuglément complaisante.

Tant que les résultats tiennent, tout va bien. Mais le jour où les garanties tomberont, où les passifs figés deviendront des pertes bien réelles, où un audit plus intrusif viendra gratter sous le vernis, c’est la STB tout entière qui vacillera. Et avec elle, une partie de la crédibilité de l’État tunisien.

L’assemblée générale ordinaire est prévue pour mercredi 30 avril 2025 et elle risque d’être bien houleuse au regard des réserves de Abderrazak Gabsi et Abderrazak Souei. D’autant plus que malgré les confortables bénéfices, la banque a décidé de ne pas distribuer de dividendes cette année. En clair, la banque a décidé de priver ses propres actionnaires privés de leurs dus, tout en poursuivant ses largesses avec son autre actionnaire l’État. Une politique discriminatoire qu’elle observe déjà avec ses clients puisqu’elle exige des garanties faramineuses aux particuliers et aux PME privées, alors qu’elle fait le dos rond et ferme les yeux quand le client est une entreprise publique. Il est vrai que l’Etat lui rend bien l’ascenseur en acceptant de réduire drastiquement sa facture de redressement fiscal. Entre amis, on ne compte pas et il n’y a pas que les bons comptes qui font de bons amis. La STB prouve que c’est avec de mauvais comptes qu’elle entretient ses amitiés.

 

Raouf Ben Hédi

21/04/2025 | 12:42
5 min
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Commentaires
Lotfi
On n'a pas parlé du personnel ici, eh bien voilà
a posté le 21-04-2025 à 21:11
Cette banque remplie de personnels dont seulement le tiers travaille, ne peut avancer ni produire comme il faut. Ses anciens directeurs centraux sont pour la plupart hors jeu par rapport a ceux des autres banques, surtout privées.
Il est temps de faire un grand nettoyage au sein de cette institution et de revoir le tout surtout depuis 2011.
Yaakoub jebali
Au secours au secours au secours WLA WALA KOUWATA ILLA BIL ALLAH
a posté le 21-04-2025 à 19:52
A L'ATTENTION DU PR'?SIDENT DE LA R'?PUBLIQUE.

A L'ATTENTION DU PARQUET , POLE JUDICIAIRE FINANCIER

A L'ATTENTION DE LA BCT,OUI LE PDG.

Veuillez rendre visite ou visite inopinée au siège Qnb et m'appeler, vous allez examiner des dossiers des PME 's catastrophique,des ravages d'oppression, contentieux..... Pelle et meles,tous azimut de fonds en comble.

Soit disant on travaille

Les intérêts hors barème
Nephentes
L'irresponsabilité calamiteuse d'un financement par la dette
a posté le 21-04-2025 à 13:26
Les autorités tunisiennes ont de toute évidence choisi de privilégier le financement de l'Etat par un endettement local, notamment auprès des institutions financières tunisiennes;

Si cette option n'est pas une absurdité en soi, l'ampleur de cet endettement est extraordinairement lourd de conséquences à moyen et long terme sur notre économie et notre potentiel de croissance , à)un moment où le stabilisation de la dette publique tunisienne est un défi majeur pour notre avenir et celui des générations futures.

1) Il faut tout d'abord comprendre qu'un endettement hors de contrôle, comme c'est pratiquement la cas en Tunisie, risque d'entraîner une crise très grave : un '?tat dont les comptes sont presque toujours déficitaires, comme le notre, doit en effet rembourser ses dettes en réempruntant les montants nécessaires à ces remboursements. MAIS il ne peut pas augmenter INDEFINEMENT son endettement car ses créanciers finissent par douter de sa capacité à emprunter toujours suffisamment pour rembourser ses dettes anciennes et financer son déficit.

Comme nos gouvernants ont en choisi d'emprunter dans notre propre monnaie; le résultat est la perte de confiance des banques créditrices. On va assister à une nouvelle dépréciation du dinar et par voie de conséquence une augmentation du prix des biens importés et une nouvelle perte de pouvoir d'achat, accompagné d'une nouvelle hausse des taux d'intérêt.

Cela fragilise considérablement le système financier tunisien et pénalise considérablement les investissements à venir.


2) Ce qu'il faut ensuite bien comprendre dans le contexte actuel c'est que si la dette publique de l'Etat tunisien continue à augmenter, les créanciers de l'?tat prennent un risque en continuant à souscrire à ses emprunts et ajoutent une « prime de risque » importante au taux d'intérêt requis pour continuer à y souscrire. Cette hausse des taux d'intérêt ne peut qu'aggraver le déficit et la dette et renforcer leurs craintes.

Or les banques tunisiennes ne peuvent pas refuser de prêter à l'Etat ni de prêter à des taux très élevés . Cela impacte directement leur profitabilité, alors même que ces banques choisissent toujours des objectifs de rentabilité maximale. Le système bancaire tunisien devient ainsi EXTREMEMENT FRAGILE et est dans l'impossibilité d'accroitre ses fonds propres par le biais
des bénéfices non distribués et en attirant de nouveaux investisseurs sur la valeur de leurs actions. La baisse de cette profitabilité soigneusement dissimulée à l'heure actuelle se traduit des maintenant par une érosion significative de leurs fonds propres d'où réduction supplémentaire des flux de crédits à l'économie (ce qui est le cas depuis plus d'un an).

Au bout du bout, c'est à dire au maximum dans 3 ans, étant dans l'incapacité non seulement de rembourser ses dettes mais aussi de payer l'excès de ses dépenses par rapport à ses recettes, l'?tat Tunisien sera obligé d'équilibrer ses recettes et ses dépenses en augmentant de manière insupportable les impôts et/ou en coupant dans ses dépenses de manière drastique.

L'un ou l'autre de ces deux scénaris sont catégoriquement exclus par Kaes Saed.

On se dirige donc rapidement vers une crise majeure qui va emporter tout notre système bancaire et financier
.