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Ramadan : Lotfi Brahem met le feu aux poudres…
21/05/2018 | 18:00
5 min
Ramadan : Lotfi Brahem met le feu aux poudres…

En 2018, les libertés individuelles sont encore sujet à débat surtout lors du mois de ramadan où le fait de manger déchaîne les passions. Face à la polémique stérile liée à la liberté, ou non, de ne pas jeûner en public, le ministre de l’Intérieur Lotfi Brahem vient mettre le feu aux poudres en affirmant que la loi devrait protéger la majorité pratiquante contre  la minorité non-pratiquante. Pourtant, la loi, elle, ne fait pas cette distinction…


Tout a commencé avec une correspondance  adressée par la députée de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) Hajer Ben Cheikh Ahmed au ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem.  Sujet de la correspondance : un appel à l’abrogation de l’ancienne circulaire datant de juillet 1981 connue sous le nom de circulaire Mzali, du nom du Premier ministre de l’époque, qui préconisait entre autres, la fermeture des cafés et restaurants pendant le mois de ramadan ainsi que l’interdiction de vente de boissons alcoolisées aux Tunisiens.

Pour la députée, cette circulaire contredit clairement la constitution de 2014. Hajer Ben Cheikh Ahmed s’est d’ailleurs dite étonnée de voir « un ministre de l’Intérieur dans un Etat qui est censé garantir les libertés individuelles, comme la liberté de conscience et de croyance, se permettre d’appliquer une circulaire émise par un ancien ministre qui n’existe plus depuis 1987 et qui s’est servi de cette circulaire afin de pouvoir rallier à lui le Mouvement de la tendance islamique (MTI), une force politique montante ».

Une position aussitôt partagée par la députée Sabrine Ghoubantini qui a aussitôt été victime d’une campagne de dénigrement allant jusqu’aux accusations d’apostasie de la part, notamment, de membres des unités d’intervention de la garde nationale.

 

En réaction à la correspondance de la députée Ben Cheikh Ahmed, le ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem a adressé, en novembre 2017,  une correspondance au Parlement rendue publique le 10 mai 2018.

Dans sa correspondance, Lotfi Brahem indique que la circulaire Mzali  de 81 ne sera pas annulée et ce pour des raisons à la fois sécuritaires et religieuses, rappelant que  « la Tunisie est un Etat souverain dont l’Islam est la religion » en se référant à l’article premier de la constitution.

Le ministre a indiqué que l’ouverture des cafés et des lieux de restauration pendant les horaires du jeune était « une provocation pour les citoyens pratiquants et une menace à l’ordre public qui pourrait induire des réactions violentes, voire même engendrer des attentats terroristes ».

Lotfi Brahem qui s’est donc érigé, à l’occasion, en défenseur du Sacré estime qu’il est de son devoir de protéger les « sensibilités » des individus et semble insinuer que le fait de manger durant ramadan est tellement grave qu’il pourrait engendrer un attentat terroriste. Justifiant ses dires, il s’est référé encore une fois à la Constitution qui prône que « l’Etat s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger les sacrés et à interdire d’y porter atteinte, comme il s’engage à interdire les campagnes d’accusation d’apostasie et d’incitation à la haine et à la violence. Il s’engage également à s’y opposer ».

La position de M. Brahem divise, ouvertement, les Tunisiens entre minorité non pratiquante et majorité pratiquante. Il a appelé, en effet, ce qu’il qualifie de « minorité » à respecter les croyances et les rituels de la « majorité » pendant le mois de ramadan.

Des paroles qui ont déclenché une vague de contestations chez un bon nombre de politiciens, de dirigeants de partis, de journalistes et d’hommes de médias ainsi que des personnalités du monde culturel. Plusieurs personnes, choquées, ont appelé à la protection des droits de tous les citoyens, minoritaires ou majoritaires soient-ils et à, tout simplement, l’application de la loi. Certains sont même allés jusqu’à exiger du ministre à présenter d’urgence des excuses auprès de ceux concernés par ses dires.

 

Si elles ont provoqué l’ire des défenseurs des libertés individuelles, les propos de Lotfi Brahem n’ont pas contrarié tout le monde. Certains s’en étaient réjouis et ont félicité le ministre de « ses efforts visant à préserver le sacré et la stabilité de l’Etat ».  Certains estiment, en effet, que c’est la religion qui doit imposer ses règles à la majorité des Tunisiens.

Parmi eux, Zied El Héni, journaliste et activiste dans la société civile, a soutenu la fermeture des cafés et des restaurants condamnant l’appel émis par certaines personnes à les ouvrir durant ramadan. Pour M. El Héni, « les non-jeûneurs sont en décalage avec le reste des Tunisiens et aussi libres soient-ils, ne doivent pas imposer leur style de vie aux pratiquants car cela est considéré comme une atteinte aux sacré et aux sentiments de tout un peuple sous couvert de liberté de conscience ».

La même position est soutenue par le prédicateur controversé et président du parti Zitouna, Adel Almi qui s’est donné pour mission de harceler, intimider et pourchasser les non-jeûneurs durant ramadan. Depuis 2013, Adel Almi  ne rate en effet aucune occasion pour s’attaquer aux ceux qui n’observent pas le jeûne dans les lieux publics en menant une campagne ouverte destinée à la fermeture des cafés et des restaurants ouverts pendant les horaires du jeûne ramadanesque. Ce chasseur de non-jeûneurs a même menacé de poursuivre en justice les personnes pris en « flagrant délit ».

Malgré les plaintes déposées contre lui devant les autorités qui le laissent jouer librement à la police des mœurs, Almi s’est encore surpassé cette année en poursuivant son acharnement sur les médias et en s’ingérant notamment dans le contenu médiatique d’El Hiwar Ettounsi. Selon lui, la chaîne privée « porte atteinte à la pudeur des familles tunisiennes à travers ses programmes provocateurs ».

 

« Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. L’Etat garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuels », « L’Etat protège la vie privée », l’Etat « civil et démocratique » s’engage, en outre, à préserver « la dignité de la personne et son intégrité physique » en interdisant « toute forme de torture morale et physique », tous ces articles extraits de la Constitution tunisienne devraient pourtant suffire pour trancher dans la question et ne laisser la place à aucun flou juridique. Devant ces preuves, la circulaire Mzali va-t-elle encore subsister ? A quand une véritable liberté responsable et consciente ?

 

Boutheïna Laâtar

 

21/05/2018 | 18:00
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Commentaires (20)

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Alibobo
| 25-05-2018 18:06
Cette "circulaire" a été abrogée par Bourguiba !!
Elle est donc nulle,et non avenue !!
Voir ceci :
"la fameuse circulaire Mzali de juillet 1981 qui
préconisait entre autre durant le mois de Ramadan la fermeture des cafés et restaurants ainsi que l'interdiction de vente de boissons alcoolisées et invitait les hôteliers à décourager
les tunisiens musulmans qui seprésentaient
aux restaurants pour consommer, fut un échec.
Le chef de l'Etat en personne l'annula aussitôt la circulaire et ordonna la réouverture des établissements visés."
https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/artff.pdf

Carthage Libre
| 22-05-2018 18:51
Et vous qui défendiez ce "ministre" pas plus tard qu'il y'a 2 mois! Et vous qui nous disiez "ce ministre fait face à Ennahdha et au Premier ministre tunisien". Et vous qui en avez fait l'anti-islamiste par excellence...Le VOILA votre "ministre" plus nahdhaoui qu'Ennahdha, ou plutôt, puisque Ennahdha veut faire le "gentil", elle a chargé ce "ministre" de faire le job à sa place :

Ghanouchi-Khriji vous l'a dit : "On est pas pressé. Cette génération est perdue, on s'occupera de leurs enfants".

L'ISLAMISME TOTALITAIRE en MARCHE (avant on disait "la Tunisie en Marche").

Hitler avait procédé EXACTEMENT de la même façon, en changeant l'esprit des allemands, qui acceptèrent le fascisme sans problème.

En Tunisie les FACHOS ont le "vent en poupe"...Et on dira bientôt "C'est NORMAL, on ne veut pas de KOUFFAR "chez nous".

moha
| 22-05-2018 15:26
Après ramadan la majorité va aller faire la fête avec de la alcool etc...
cela devient du racisme et de la discrimination
la démocratie ne existe toujours pas en Tunisieles religieux avancent et seront plus dangereux que les terroristes
La corruption en Tunisieest une atteinte au coran mais les gens font et volent trichent etc..
Arrêtez de faire la morale..

MFH
| 22-05-2018 12:16
En démocratie, généralement, on défend la minorité de tout dictat exercé par la majorité. En Tunisie, la religion et la loi interdisent la consommation d'alcool. Cecci n'empêche pas qu'une minorité en profite sans que la majorité dise quoi que ce soit. Les restaurants et cafés ouverts au mois saint sont donc un faux problème. La foi, Dieu et le prophète, sont une question de c'?ur. Le danger vient toujours de gens avides de pouvoir.

Aida Laz
| 22-05-2018 12:03
Il est inconstestable que la Tunisie est un pays majoritairement musulman, tout en garantissant la libre conscience religieuse.
Ceci ne veut pas dire que cette majorité pratique le jeûne.cependant, paradoxe il faut sauver les apparences pour diverses raisons
personnelles, nationales et même internationales liées à des intérêts dictés d'ailleurs.
Le ministre de L'INT'?RIEUR pour continuer à
assurer la sécurité du pays envers et contre tout doit faire preuve de diplomatie et même louvoyer en eaux troubles pour le bien de son pays.
Essayons de faire preuve de compréhension
et unissons nous pour les prochaines élections pour renverser la vapeur.
Voilà notre défi à venir
Le Ramadan n'est qu'une pause dans la vie.

Noury
| 22-05-2018 10:08
Brahem a fait preuve d'un niveau "intellectuel" (si j'ose dire) de Adel Almi, ça ne m'étonne guère de la part d'un flic de Ben Ali...

Mansour Lahyani
| 22-05-2018 09:12
Lotfi Braham choque beaucoup de Tunisiens, en inventant une discrimination que la loi s'est abstenue de faire, et pour cause....
En fait, ce ministre de l'intérieur n'en a rien à foutre de la loi, ni même de la Constitution, qu'il a pourtant solennellement promis de respecter et de défendre !
Qui le fer changer d'avis, qui aura la force de forcer le ministre de l'intérieur à respecter la loi, la Constitution, et même son propre serment?

AllAlla
| 22-05-2018 08:10
Jusqu'à récemment je respectait énormément le travail de Lotfi Brahem et à la tête de la direction générale de la Garde nationale et à la tête du ministère de l'intérieur. Technocrate, discret et efficace il remplissait son rôle à merveille. Le jour où il voulut faire de la politique il commit la grosse bourde de l'explication de sa véhémence concernant l'application de la note circulaire héritée du gouvernement Mzali relative à la fermeture tout azimut de tout point capable d'offrir de quoi manger ou de quoi boire sous le faux alibi du respect du sentiment religieux de la majorité musulmane. Il n'a pas lu la constitution tunisienne qui garantie la liberté de conscience aux Tunisiens. Cet acte populiste lui coûtera, politiquement, cher.

Ahmed
| 22-05-2018 08:08
Qui ne respecte même pas la constitution.
Rien que pour cele je ne voterai plus jamais nidaa.

De Hammam-chatt
| 22-05-2018 08:00
Je fais le ramadan et. j'approuve la décision courageuse, intelligente et préventive de Mr Le Ministre de L'intérieur : imaginons qu'un dingue poignarde un « fater » à la terrasse d'un
café , l'information est reprise à l'étranger... et pas de touristes, hôtels qui ferment et des dizaines de milliers de journées de travail perdues .
Peut-être dans qq années on pourra annulée cette circulaire.
Alors soyons réaliste et remercions la clairvoyance de Mr Lotfi Brahem.