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#Fater et après ?
15/05/2018 | 20:37
6 min
#Fater et après ?


A l’approche du mois de ramadan, le même débat est relancé par l’opinion publique concernant le droit, ou non, aux non-jeûneurs de manger en public. La question de l’ouverture des cafés, restaurants et établissements servant des boissons alcoolisées aux Tunisiens durant le mois du jeûne est au cœur des débats. Que prévoit au juste la loi ?

 

Le début du mois de ramadan vient d’être annoncé ce soir par le mufti de la République au jeudi 17 mai 2018. Comme chaque année, l’approche du mois de ramadan suscite une question pourtant simple. Que prévoit la loi contre les non-jeûneurs ? En théorie, rien du tout. Il n’existe, en effet, dans la loi tunisienne aucun texte de loi qui sanctionne le fait de manger en public durant le mois de ramadan. Pourtant, les Tunisiens ayant ouvertement exprimé leur droit de ne pas observer le jeûne durant le mois de ramadan, sont soumis à un parcours du combattant pour trouver un lieu de restauration ouvert durant ce mois.

En cause, une circulaire datant de 1981, dite circulaire Mzali qui préconisait, notamment, la fermeture des cafés et restaurants durant le mois de ramadan ainsi que l’interdiction de vente de boissons alcoolisées aux Tunisiens. Elle appelait également à « décourager » les Tunisiens dits « musulmans » de consommer de l’alcool dans les établissements dans lesquels ils se présentaient. Une circulaire datant de l’époque où le pouvoir essayait de caresser les islamistes dans le sens du poil et laissait donc la porte ouverte aux interprétations les plus conservatrices de l’islam. Circulaire qui a pourtant été annulée, à l’époque, quelques jours après sa parution, sur décision du chef de l’Etat, à l’époque, Habib Bourguiba.

Aujourd’hui, cette circulaire contredit clairement la constitution tunisienne qui énonce, dans son article 6, que « l’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes […] L’Etat s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger les sacrés et à interdire d’y porter atteinte, comme il s’engage à interdire les campagnes d’accusation d’apostasie et l’incitation à la haine et à la violence. Il s’engage également à s’y opposer ».

Mais si cette circulaire est clairement anti-constitutionnelle, elle continue à être servie chaque année sous couvert de protection contre « les atteintes au sacré » ou encore de « lutte anti-terroriste » tel a été le cas aujourd’hui.

 

En effet, dans une correspondance au Parlement, datant de novembre 2017 et rendue publique le 10 mai 2018, le ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem se référant à l’article premier de la constitution et soulignant en gras la partie indiquant que la Tunisie est un Etat souverain dont « l’islam est la religion », a rappelé son rôle de « protecteur du sacré et de garant de l’ordre et de la tolérance ».

« Dans la mesure où le jeûne est un pilier de l’islam et revêt une importance cruciale chez la majorité des citoyens tunisiens, l’ouverture ostentatoire des cafés et restaurants peut être perçue comme une provocation et induire à des réactions violentes menaçant l’ordre public ; Cela peut aussi donner un instrument aux groupes terroristes pour mener des campagnes d’incitation contre l’Etat et même des attentats… Pour ces raisons et comme le veut la coutume depuis des années, le ministère de l’Intérieur prend à l’occasion du mois de Ramadan des mesures assurant l’ordre public et le respect des sentiments religieux des citoyens pratiquants… Nous tenons à mentionner que ces mesures ne concernent pas les établissements ouverts qui agissent pour préserver les sentiments des jeûneurs et précisons que le ministère de l’Intérieur n’a pas enfreint la loi ou violé les libertés individuelles en n’entamant aucune poursuite contre ceux qui mangent en public pendant le mois de ramadan ni contre les cafés ouverts » a-t-il souligné.

 

Dans les faits, depuis 2011, plusieurs cafés ouverts durant le mois de ramadan sont pris d’assaut par les forces de l’ordre. On les accuse d’avoir ouvert leurs portes « sans autorisation délivrée par la municipalité » tout en ne bénéficiant pas du statut d’établissements « touristiques » qui gardent le droit de vendre des repas à emporter. Plusieurs établissements préfèrent fermer leurs portes « par peur des représailles », tout comme des citoyens non-jeûneurs s’abstiennent de manger en public pour éviter de se faire harceler.

L’année dernière, des jeunes ont été arrêtés à Bizerte pour avoir mangé dans un jardin public. Un autre individu a comparu devant le juge pour avoir fumé une cigarette dans les jardins du Tribunal. Si, à chaque fois, les accusations sont détournées allant de l’outrage public à la pudeur, aux agressions verbales, les accusés ont un point commun : ils ont mangé en public durant ramadan.

 

Sur la toile, la communauté s’organise donnant naissance au hashtag #Fater (celui qui n'observe pas le jeûne). Les internautes ont créé des groupes sur Facebook afin de partager « les bons tuyaux » des établissements ouverts durant Ramadan. Dans toute la Tunisie, des internautes, jeunes en majorité, partagent les adresses de cafés, restaurants, etc. où ils peuvent en toute tranquillité boire un café, déjeuner ou même consommer de l’alcool avant la rupture du jeûne. Un lieu d’échanges qui s’est rapidement transformé en espace de militantisme contre les restrictions, parfois tacites, imposées aux non-jeûneurs. Ces groupes sont souvent trollés par d’autres internautes s’indignant contre « ces libertés » et brandissant l’argument de « l’atteinte au sacré ».

 

Du côté de la société civile, ces restrictions sont dénoncées, comme chaque année. Aujourd’hui, à deux jours de ramadan, le Conseil Tunisien du Sécularisme s’est indigné contre la réponse donnée par le ministre de l’Intérieur rappelant que « les lois sont faites pour protéger les personnes et non leurs sentiments et que l’Etat ne doit intervenir que lorsque l’intégrité des personnes est menacée ».

 

Le Collectif pour les Libertés individuelles, a adressé, par ailleurs, une correspondance à Béji Caïd Essebsi dans laquelle il exprime « sa plus vive préoccupation quant à la manière avec laquelle les autorités abordent le dossier des libertés individuelles » et condamne ces positions qu’il considère être « non seulement la raison mais aussi une couverture qui cache la propagation du discours de violence et de haine, et un moyen pour alimenter l’extrémisme et renforcer le terrorisme ». Le Collectif appelle, ainsi, les autorités à abroger les circulaires qui « violent de façon flagrante les dispositions du texte suprême de l’Etat, en particulier la circulaire publiée en 1981 qui prévoit la fermeture des commerces pendant le mois de Ramadan », et d’une manière générale, l’appelle « à mettre en œuvre les dispositions de la Constitution relatives aux droits et aux libertés ».

 

Un flou juridique est prétexté chaque année pour que les « sentiments des jeûneurs » ne soient pas atteints. Pourtant, la loi reste claire à ce sujet, et ce malgré des circulaires obsolètes dont les autorités se servent, à l’occasion, pour avoir la paix…

 

 

Synda TAJINE

 

15/05/2018 | 20:37
6 min
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Commentaires (10)

Commenter

Friday
| 18-05-2018 11:39
"où ils peuvent en toute tranquillité boire un café, déjeuner ou même consommer de l'alcool avant la rupture du jeûne."

Incroyable mais vrai!

"Wallahi la yéhchmou", à ce point on veut aller à l'encontre de la religion et du sacro-saint mois?
"khzit wén3alt", "whasbouna Allah wané3ma al wakil"!
Si c'est ca la démocratie, eh bien (Dieu me pardonne pour mon jeune) je l'E........!

je dis la vérité
| 17-05-2018 21:48
Le 2 juin 2017, j'avais posté un commentaire à l'identique. Nous disons donc la vérité.Une vérité sans détour, objective et c'est çà l'essentiel. D'autres personnes-beaucoup même- pensent exactement comme nous deux...
Je republie ce commentaire, pour la circonstance :

"Toucher la sensibilité des jeûneurs... ":
Je ne comprends pas cette assertion et je pense que cette hypocrisie totale, cette forme maladive de fanatisme et d'intolérance.

D'abord, revoyons les textes coraniques.
Aucun verset coranique, n'évoque la moindre sanction, pour toute personne ne jeûnant pas.Le jeûne du ramadan est une forme d'amour pour le Créateur.

Pour ceux qui ne peuvent pas supporter la faim et la soif, et ayant une ferveur pour l'amour de l'Eternel, sont appelés à nourrir une personne pauvre (meskine)....(verset 184 Baqara).

Pour ceux qui ne veulent pas "faire ramadan", le texte coranique n'en parle pas. Les considèrent-ils comme désobéissants, non croyants ?. Pas de réponse textuelle, en tout cas.

Alors, ce sont les oulémas fanatiques et jouant les juges avant Dieu, qui s'en chargent.
C'est la sanction et le châtiment qui tombent sur ces "koffars".
Tout au cours de ces siècles d'osbscurantisme, ces religieux vindicatifs, ont joué sur toutes les cordes pour pourchasser ces "désobéissants" qui ne se repentissent pas.Ils jouaient le rôle d'ouléma-juges, imposant aux Califes, leurs idéologies et leurs propres opinions.

En Arabie dite "saoudite", les religieux imbus du wahhabisme, ont malmené et malmènent encore le quotidien des saoudiens.
Traque de tout ce qui "bouge" et "désobeit".
On vous sort par la force de la boutique ou du café et on vous pousse pour aller prier, une fois les hauts-parleurs commencent à hurler à tue-tête, l'appel à la prière.

Les saoudiens mangent, hommes ou femmes, en cachette, fuient les endroits, oû la police des moeurs passe, pour éviter les flagellations publiques.
Les femmes sont contraintes, d'être enveloppées d'un tissu noir. Un quotidien d'enfer.

Nos fanatiques en Tunisie, adorent voir leurs compatriotes vivre ce quotidien et sous cette dictature.

Les oulémas, ont déformé ces versets et prétendent que seules les personnes âgées peuvent ne pas jeûner. C'est faux'?'..
La preuve, les « fatwa » des religieux, frisent le ridicule, quand il s'agit de faire le ramadan, dans les pays où les journées de printemps et d'été, dépassent les quinze heures. Là, ils nous disent : « Tenez, vous pouvez suivre l'horaire de la Mecque, etc.. ». De quoi, faire rire plus d'un. Et là-bas, ceux qui jeûnent, vivent une réelle souffrance'?'.
Pourtant, la réponse est simple, d'après le texte coranique, le croyant est bien appelé à ne pas jeûner, du fait qu'il ne le pourra pas. Il suffirait d'opter pour l'aumône.(verset 184).
Un café ou un restaurant ouverts, pendant le mois du ramadan, si c'est rentable pour son gérant, recevra des personnes malades, des femmes enceintes épuisées, des personnes âgées, des voyageurs éprouvées par le transport, ou toute autre personne. Pourquoi cette intolérance ?

Pour finir, aucun verset coranique ne parle de sanction. Dans le jeûne, il y a récompense divine. Si une personne ne fait pas ramadan, c'est une affaire stricte entre lui et son Créateur. Par là, la justice a fauté en condamnant ces jeunes. D'ailleurs, les juges ont sorti l'article d'atteinte à la pudeur, et oublié les articles 6 et 24 de la Constitution. Aberrant'?'..

La Tunisie, depuis 2011, a acquis beaucoup de libertés. Il viendra un jour, qu'elle se libère des fanatiques, et les choses bougent déjà.
Je suis convaincu, que la Tunisie,vivra un jour, un islam tolérant..Et que le masque du mensonge tombe....


jawhar
| 16-05-2018 14:26
Ce débat prendrait fin le jour où on apprend à respecter ceux qui nous sont différents.
C'est une question de respect ni plus ni moins.
Chacun fait ce qu'il veut en respectant les autres. point bar.

sassi
| 16-05-2018 12:52
la liberté de conscience est le pilier de la démocratie plus on a peur soit disant des provocations religieuses plus on encourage le dogmatisme religieux
non laisser les citoyens vivre leur vie comme ils veulent ils jeûnent ou jeunent pas c'est leur affaire et ne concerne personne ni l'Etat ni les salafites ni les fervents religieux qui agissent au nom de Dieux ils n'ont absolument pas le droit

G&G
| 16-05-2018 09:22
Le nombre de jeûneur est proportionnel à celui de votants
Ceux qui ont boycotté les élections sont toujours les mêmes qui boycottent le mois de ramadan.
Ces fattara s'en fichent des élections comme ils s'en fichent du culte
Par le passé,le nombre de jeûneurs dépassaient de loin celui des pratiquants dans les mosquée. Aujourd'hui la tendance est vers l'égalité entre les deux.
Les projections nous montrent que le nombre de Tunisiens pratiquants diminue de plus en plus et que la foi est en voie de disparition.
Le Tunisien ne manque par d'hypocrisie. D'un coté il ne bronche pas un mot devant sa femme et son fils non pratiquants et de l'autre il empêche les autres à casser la croûte au belvédère.

DHEJ
| 16-05-2018 08:56
Nos avoirs sont tombés sous la barre d 73 jours!!!


Alléluia!

Ahmed
| 16-05-2018 07:21
Merci Madame Tajine.

BCE reveillee toi.

Mohamed 1
| 16-05-2018 02:20
Le ministère de l'intérieur interprète "islam religion de l'Etat" d'une manière bien singulière et éloignée de l'esprit général de la constitution.
L'Etat n'a pas à forcer les citoyens à jeûner. Sinon il contrevient à de nombreux articles de la constitution. L'Etat prend en charge les besoins des musulmans. Il détermine le début et la fin de ramadan, il aménage des horaires de travail spéciaux pour permettre au jeûneur de regagner son domicile à temps et préparer tranquillement la rupture du jeûne, il doit assurer le bon fonctionnement des mosquées, de jour comme de nuit pour les traoui7, il doit assurer la disponibilité des vivres aux marchés en vue d'une rupture du jeûne adéquate et même fournie comme le veut la tradition, il doit décréter fériés à la fin du ramadan les jours de l'Aïd pour permettre aux citoyens de le passer en famille..
Le Coran prend en compte les jeûneurs et les non-jeûneurs dispensés de jeûne. L'islam tenant compte donc des deux catégories, il est inconcevable pour l'Etat de ne se préoccuper que des premiers et de mépriser les seconds. Aussi il est également tenu d'assurer une prise en charge correcte des personnes auxquelles le Coran recommande de ne pas jeûner. Cette recommandation divine est partie prenante de la religion, et il est malvenu de la minimiser. Sinon l'Etat aura failli dans sa mission constitutionnelle de prise en charge totale de l'islam. Ces personnes doivent constituer la moitié ou un bon tiers de la population: les malades, les femmes enceintes, en menstruations, allaitantes, parturientes, les enfants, les personnes âgées. Toutes ces personnes peuvent avoir besoin de se reposer, de boire, d'avaler des cachets, d'aller aux toilettes dans le cas des diabétiques et des utilisateurs de cachets favorisant l'émission d'urines etc etc. Ce sont des citoyens à part entière, bien que diminués physiquement, auxquels le Coran recommande de ne pas jeûner, et doivent par conséquent bénéficier de la même assistance de la part de l'Etat que les personnes valides. Un café ou un restaurant ouverts seront d'un secours inestimable pour eux.
Les voyageurs sont également dispensés de jeûne, et ne trouvent en général dans leurs déplacements loin de leurs domiciles qu'un café ou un restaurant ouverts comme seul lieu de repos ou d'attente.
Ces citoyens ne sont pas des sous-citoyens à marginaliser et le Coran les a EXPLICITEMENT cités comme dispensés de jeûne et à ce titre, ils doivent également bénéficier de l'assistance de l'Etat dont la religion est l'islam.
Les personnes valides choisissant de ne pas jeûner rendront compte à Dieu:
"Vers Nous est leur retour. Ensuite, c'est à Nous de leur demander compte" .
C'est leur choix. Néanmoins, ce sont des citoyens à part entière et doivent par conséquent attendre de l'Etat toute l'assistance requise.
Même les jeûneurs peuvent s'attabler dans un café sans prendre de consommation, comme cela se faisait couramment dans un temps pas très lointain: il était fréquent de voir un jeûneur et un non-jeûneur attablés ensemble. Respect et tolérance. L'Etat a donc du pain sur la planche pour assurer le bon déroulement du mois saint, sans discrimination entre citoyens, et n'a certainement pas le droit de s'immiscer dans leurs orientations spirituelles de par la constitution elle-même, et se doit de garantir à chacun toutes les nécessités basales requises.

DHEJ
| 15-05-2018 21:15
Les jeuneurs restent minoritaires

HatemC
| 15-05-2018 21:01
2 camps campent dans leur positions ... il faut dépasser ces clivages ...
Que les restaurants ... les cafés restent ouvert mais ne servent pas à l'extérieur ... ceux qui veulent fermer ... ferment ...
Je déjeune sans offenser qui que ce soit et sans m'afficher ... je respecte les jeuneurs
Personne n'est lésé .. La Tunisie sortira grandi en appliquant la Constitution ... et les libertés individuelles ...

Les jeuneurs veulent imposer leur point de vue sur une minorité ... les juifs les chrétiens les non jeuneurs musulmans et autres malades musulmans vivent dans ce pays et ont des droits et n'ont pas à jeuner ...

Le vivre ensemble passe aussi par le respect des uns et des autres ...
Aucun jeuneur ne s'affichera pour provoquer ... il respectera les convenances .. mais apparemment les islamistes ne l'entendent pas de cette oreille ... ils veulent imposer leur mode de vie aux autres ... HC