Nessma arrête de couvrir les élections municipales
La première chaîne télévisée privée en Tunisie, Nessma, vient d’annoncer l’arrêt de couverture des élections municipales. La chaîne justifie sa décision par l’impossibilité de couvrir ces élections en étant sous l’épée des amendes.
Derrière l’épée en question, la dernière amende infligée par la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) à propos d’un spot vidéo du parti Nidaa. Le gendarme de l’audiovisuel tunisien a considéré que cette diffusion est une infraction à la réglementation en vigueur interdisant toute publicité politique. Il se trouve cependant que le spot n’a pas été diffusé par la chaîne de télévision, mais par son site internet et sa page Facebook seulement.
Théoriquement, l’autorité de la Haica ne couvre que la fréquence satellite et hertzienne et non ce qui est diffusé sur internet. Il se trouve que ce n’est pas la raison principale derrière la décision de Nessma, mais plutôt les directives données par la Haica et l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) à la veille de la campagne et incitant les médias à se conformer au code électoral les obligeant à observer la neutralité entre les listes candidates.
En pratique, l’application de ces directives est fort complexe aussi bien pour les médias audiovisuels que les médias écrits (imprimés et électroniques) et il est totalement impossible de couvrir tous les candidats.
Business News a exposé la semaine dernière à ses lecteurs les raisons de cette impossibilité et sa méthodologie pour faire face à la campagne aux « moindres dégâts ».
La chose est cependant plus compliquée pour une chaîne comme Nessma qui diffuse de l’information toute la journée, d’où cette décision qu’on peut qualifier de radicale.
Bon à rappeler, ces complexités sont nées avec le code électoral de 2014 pondu par la Troïka qui oblige les médias à observer la neutralité vis-à-vis des candidats et à consacrer un temps d’antenne (ou des espaces de publication) proportionnel au « poids » de chacun lors de ces municipales.
Cette technique avantage les grands partis et ne laisse aux petits partis qu’un faible espace. Ce même code interdit strictement aux médias de faire de la publicité politique, alors que les grands partis ont leurs propres médias et même des web tv.
En clair, on permet à un grand parti d’avoir son propre média, alors qu’un petit parti ne peut même pas s’offrir un espace publicitaire dans un journal. Paradoxalement, les partis et certains candidats se sont retournés vers Facebook pour y publier des pages sponsorisées, sans que personne ne trouve rien à redire puisque l’ISIE ne peut pas sanctionner Facebook.
En clair, la troïka a pondu une loi qui restreint la liberté d’expression et la publicité politique, mais celle-ci n’est applicable que pour les « petits » et les médias locaux !