Par Slim Khalbous
Je viens de passer 3 jours en immersion totale au milieu de plus de 300 étudiants survoltés. Ce fut l’expérience la plus extraordinaire, émotionnellement et professionnellement, depuis que je suis à la tête de mon ministère.
J'ai effectivement fait le choix d’inviter l’ensemble des étudiants fraîchement élus par leurs pairs (UGET; UGTE et Indépendants) de tous les établissements universitaires de la République.
Le choix s’est porté sur Tataouine comme lieu de rencontre, d’abord pour concrétiser notre volonté de décentraliser les évènements majeurs, ensuite pour mettre la lumière sur une superbe infrastructure universitaire capable de bien accueillir un si grand nombre de congressistes et, enfin, pour garantir une réelle et totale immersion entre les responsables du Ministère et les étudiants.
Un pari risqué !
J'ai fait le choix d’organiser cet évènement en dépit d’un contexte tendu. D’une part, à cause des perturbations des examens dans un certain nombre d'institutions universitaires et, d’autre part, à cause de la rivalité historique entre les organisations syndicales dans un contexte électoral... Plusieurs personnes m’ont vivement déconseillé de le faire : « trop d’incertitudes… », « beaucoup de manipulations…», « impossible de travailler dans ces conditions…» etc.
Bref, le risque de se retrouver devant des étudiants, pas seulement revendicateurs, mais qui allaient rivaliser d'impertinence, d'insolence voire d’agressivité était réel. Or, l’enjeu était ailleurs! Nous sommes depuis plus d’un an en pleine réforme de fond de l’université. Et l’étudiant doit impérativement être le pivot de cette transformation. Notre premier pari était donc d’impliquer positivement et activement tous les étudiants dans ce processus stratégique. Nous avons donc décidé d’organiser «Les Assises estudiantines de la réforme universitaire – Tataouine 2018».
De la pédagogie raisonnée face au droit à l’impertinence…
Sans surprise, le séjour a donc démarré dans une ambiance des plus tendues entre les critiques les plus virulentes envers le Ministère, et plus spécifiquement envers le Ministre, et la rivalité acharnée entre les organisations syndicales qui ne cherchaient qu’à en découdre… Bref, le scénario, espéré par certains, était déjà écrit et les nombreuses vidéos enregistrées et diffusées sur les réseaux sociaux, dès les premières minutes, allaient témoigner de «l’échec annoncé de l’évènement…».
Sans jamais contester leur droit à l’impertinence, pour de jeunes issus de la révolution, nous avons, avec mon équipe, fait preuve de beaucoup, beaucoup, de retenue, de pédagogie, de patience, de respect et de bienveillance pour expliquer la complexité de la décision politique, les difficultés du contexte de notre pays et l’importance de leur adhésion à une vraie réforme qui touche à leur avenir...
Les premiers échanges, directs, francs, presque physiques, ont donné le ton du congrès, dès le premier soir et ne se sont terminés qu’à 1h du matin ! Un véritable exutoire qui a commencé progressivement à calmer les esprits, ou plutôt, à les ouvrir sur d’autres fenêtres, d'autres horizons, qui permettent de voir autrement plus loin, plus grand…
Des moments inoubliables !
Au bout de trois journées extrêmement épuisantes, le scepticisme a cédé progressivement à la confiance, les critiques aux propositions, les lamentations aux alternatives collectivement réfléchies...
Les mêmes étudiants qui s’adressaient à moi au début par un « Monsieur le Ministre » sur un ton dur et inquisiteur se sont mis à m'interpeller par un « Si Slim » serein et respectueux. Les regards agressifs et méfiants ont laissé place progressivement à des expressions plus apaisées et parfois même à quelques sourires complices. J’ai eu même droit à un portrait fait à la main par une étudiante en beaux-arts , qui m’a murmuré à l’oreille qu’elle avait apprécié toute la patience dont j’ai fait preuve. Très touchant!
Quel bonheur que de ressentir que la sincérité paye, que le contact direct est irremplaçable et, surtout, que notre jeunesse a besoin qu’on croit en elle pour qu’elle montre le meilleure d’elle-même.
J’étais fier, immensément fier, de rencontrer des leaders, des vrais, de découvrir les futurs "grands" de notre pays, de détecter, chez certains, une maturité bien au dessus de leur âge. Mais je suis également inquiet de constater une jeunesse un peu perdue, en manque de repères et parfois hélas -pour une minorité heureusement- manipulée, mais qui ne cherche qu'à être accompagnée pour trouver son chemin.
Lors de la cérémonie de clôture, nous avons encore vécu des moments uniques pendant pratiquement 5 heures d’affilés! Une véritable épreuve mentale et physique ! C’était l'heure de la lecture des rapports des différents ateliers des Assises avec des propositions de réforme souvent très intéressantes, parfois un peu polémiques, entrecoupée par des escarmouches verbales entre organisations rivales, toujours «borderline», mais ça n’a jamais rompu grâce aux efforts des étudiants-leaders et à ceux de mon équipe qui les a encadrés avec bienveillance tout au long de l’évènement.
Du poids de la responsabilité…
Dans mon discours de clôture, j’ai pu les conseiller de ne pas gaspiller leur temps à se chamailler sur le passé, et de se concentrer plutôt sur la construction d’un avenir qui leur appartient pleinement… Je les ai exhortés à préserver la relation privilégiée qu’ils peuvent avoir avec leurs enseignants même en temps de crise… et, enfin, de prendre conscience que la réforme est la seule solution durable à tous les problèmes de l'Université, même si ce n’est pas facile… Enfin, même si j’étais agréablement surpris, et par la qualité de l’écoute, et par les applaudissements qui ont ponctué mon discours de clôture - de l’extrême gauche à l’extrême droite de l’amphi (!) - je ne l’ai pas pris pour moi, mais pour un projet de réforme auquel ils ont fini par croire et participer activement.
Le déroulement des évènements, après un face à face de 3 jours avec des étudiants leaders en grand nombre, souvent sincères, parfois manipulés, toujours pleins d'énergie et qui se sentent forts d'être ensemble… Les amener à dépasser les insultes et les slogans vides vers les revendications légitimes et enfin vers une vraie réflexion sur leur avenir... ne fait qu’alourdir le poids de la responsabilité, car l’avenir de notre jeunesse, et donc de notre pays, est entre nos mains.
Commentaires (8)
CommenterPolitique
C'est très courageux
C'est très constructif d'avoir réussi à faire cohabiter des étudiants appartenant à des sensibilités très différentes.
Le choix de Tataouine est un coup de maître.il a voulu délibérément dépassionner les débats en éloignant les représentants syndicaux de leurs gourous installés le plus souvent à Tunis.
Bravo si slim.
SK PRESIDENT, COMME MACRON
Réforme d l'Université
Qu' est-ce qu'ils revendiquaient ?
D'ailleurs tous lesvdesaccords et toutes les mésententes et dans tous les domaines tant politiques qu'économiques sont basées sur cette impérative condition.
expérience inédite
Analyste et Consultant en Investissement International
Encore il reconnaît ne pas savoir ce qu'est '?TRE MINISTRE!
Ou ignorance de la GOUVERNANCE grâce à la portance de l'amphithéâtre!
Ce fut un temps, où l'Enseignement supérieur avait un ministre
Monisuer Slim Khalbous doit savoir que:
- Depuis la révolution, les Universités tunisiennes n'existent plus sur l'échiquier universitaire mondial. L'Ethiopie, le Sénégal, le Maroc, pour ne citer que ces trois pays africains, comparables à la Tunisie, continuent à faire valoir leurs créativités scientifique, littéraire, artistique, culturelle, technique et technologique via les revues spécialisées. La Tunisie quant à elle, elle est absente partout, et ceci est triste,
- Faute de conception et de stratégie modernes et adéquates, l'Université tunisienne produit de vulgaires chômeurs, dont plusieurs partent en Syrie pour foutre le bordel lâ-bas, sous les applaudissements d'Ennahdha,
- L'Université tunisienne est gouvernée par l'UGTT: tous les recteurs, doyens et directeurs d'établissements supérieurs sont parrainés par l'UGTT. Et bien sûr, lorsque le casseur numéro un de la Tunisie, l'UGTT en l'occurrence, met le nez dans un domaine, il faut immédiatement tirer un trait sur ce domaine.
Alors Monsieur Khalbous, continuez donc à faire le héro d'une guerre imaginaire, profitez donc de vos avantages de ministre, mais, ne nous parlez surtout pas d'Enseignement supérieur. Celui-ci est parti avec:
Abdelaziz Ben Dhia
Mohamed Charfi
Lazhar Bououni
Ces trois-là sont tous des ministres du dictateur Ben Ali, MAIS, en universitaires de talent, ils ont su assumer leur rôle de ministre de la « créativité et des idées », c'est-à-dire ministre de l'enseignement supérieur.
Depuis 2011, le ministère de l'Enseignement supérieur n'a connu que des *** comme ministres. Et le cirque continue.