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Chroniques
Les politiques sont-ils capables de transcender leur platitude discursive ?
Par Sofiene Ben Hamida
17/02/2019 | 14:59
3 min
Les politiques sont-ils capables de transcender leur platitude discursive ?

Par Sofiene Ben Hamida

 

La liberté d’expression, l’un des acquis les plus évidents de la révolution tunisienne, connait malheureusement de plus en plus de dérapages qui la mettent en danger et pervertissent ce principe de base de toute démocratie. Depuis quelques années déjà, on assiste impuissants à un glissement permanent et accéléré du discours politique vers l’invective, l’injure, la diatribe et la diffamation. Les politiques sont-ils à ce point à cours d’arguments ? Sont-ils conscients de la dangerosité de leur démarche ? Sont-ils capables de transcender leur platitude discursive ?

 

L’ancien ministre des domaines de l’Etat et actuel dirigeant de Harak, a qualifié cette semaine le premier président de la Tunisie indépendante « d’assassin pédophile ». Il n’a pas trouvé mieux que cette formule, pour s’insurger contre une comparaison faite par la députée islamiste Meherzia Laâbidi entre Habib Bourguiba et son successeur Moncef Marzouki. Pourtant, dans sa comparaison, la députée avait donné sa préférence au poulain de Ben Hmidane. Mais, visiblement, cet ancien ministre est obnubilé  par sa haine de l’ancien régime qui l’empêche de formuler son opposition et ses griefs d’une manière polie et policée.

 

Au même moment ou presque, la nouvelle crise qui s’est déclarée au sein de Nidaa, suite au limogeage du coordinateur général Ridha Belhaj, a tourné en une véritable compétition d’insultes, de mots injurieux et diffamatoires contre les dirigeants actuels de Nidaa et même contre le président de la République et les membres de sa famille. Si pour certains, vociférer ce genre d’insultes était attendu et cadre parfaitement avec les profils qu’ils se sont acharnés à sculpter depuis des années, pour d’autres, la surprise était très grande. On leur accordait un sens politique plus aiguisé et on pensait que leur lexique était autrement plus riche pour exprimer leur différence sans recourir à l’invective.

 

Le débat sous la coupole du parlement ne vole pas hélas plus haut. On croyait que le tonitruant député de la constituante Brahim Guassas était une caricature et une exception. Au vu de la tournure que prennent les débats parlementaires qui frisent parfois le ridicule par leur bas niveau et leur incivilité, force est de croire que l’ensemble de la classe politique souffre d’une incurie grave qui rend la communication impossible dans le cadre d’un champ lexical bienséant.   

 

Même au sein du parti islamiste Ennahdha qu’on croyait non concerné par ce genre de dérapages et immunisé, grâce à sa discipline idéologique, contre les campagnes de dénigrement fratricides, les choses ne vont guère mieux. Pour avoir exprimé des idées en contradiction avec les orientations dominantes de son parti lors de la dernière réunion du conseil de la choura, Lotfi Zitoun a été charcuté à la tronçonneuse par les siens qui se sont donnés à cœur de joie, dans les pages qu’ils contrôlent sur les réseaux sociaux, pour descendre ce transfuge apostat et mécréant.

D’ailleurs, les réseaux sociaux sont devenus le terrain de prédilection des politiques pour régler leurs différents, par des campagnes de dénigrement interposées, de plus en plus pugnaces et hideuses. Dans cet exercice, les fake news ont remplacé les arguments et la diffamation fait désormais office de dissuasion. Le plus triste, c’est que ces campagnes sont encadrées et dirigées par des responsables  politiques de premier plan, ministres, députés, cadres de partis ou autres, qui n’hésitent plus à monter au créneau pour donner le tempo et montrer la voie aux activistes de l’espace virtuel.

 

Aux dernières nouvelles, environ quatre millions de Tunisiens en âge de voter ne sont pas inscrits sur le  registre électoral. Aux dernières nouvelles aussi, le quart des Tunisiens en âge de voter ne se sentent pas concernés par les prochaines élections législatives et présidentielle qui se dérouleront avant la fin de l’année en cours. On se demanderait bien pourquoi !!       

  

Par Sofiene Ben Hamida
17/02/2019 | 14:59
3 min
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Commentaires (3)

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mansour
| 17-02-2019 18:15
est devenu une habitude depuis 2011,la troika islamique d'Ennahdha et le gouvernement Ennahdha-Youssef Chahed

Badra
| 17-02-2019 18:13
Oui, on a atteint le degrés zéro de la politique. Ce que je pense de la Révolution, c'est que la Tunisie a tout d'un coup attrapé un rhum inattendu en 2011 (aucun parti ne s'y attendait, ni ne 'avait préparée ou dirigée). Après un rhum, on re-glume toute la merde emmagasinée. C'est cela nos hommes et femmes politiques d'aujourd'hui (pas tous bien sûr pour rassurer certains). Nous sommes actuellement à ce stade. Après ou on s'en débarrasse définitivement de cette merdouille, ou on rechute tous dans une maladie encore plus grave qui fera plonger la Tunisie dans un coma profond.