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Les communistes du parlement
12/12/2018 | 19:59
5 min
Les communistes du parlement

 

La loi de Finances 2019 a bel et bien été votée au parlement. Et bien qu’elle ne contienne aucune disposition polémique, certains députés ont réussi à en créer, laissant apparaître une face communiste qui, jusque-là, a démontré, dans une certaine mesure, ses limites. Débats houleux et manœuvres législatives, focus sur les communistes du parlement.

 

La loi de Finances pour l’année 2019, a été adoptée à l’Assemblée des représentants du peuple le 10 décembre 2018, avec 113 voix pour, 36 contre et 11 abstentions. Et comme à l’accoutumée, les débats étaient houleux et mouvementés, malgré le fait que certains experts, à l’instar de l’ancien ministre Hakim Ben Hammouda, estiment que le PLF 2019 présenté par le gouvernement manque d’imagination et de créativité et s’inscrit dans une logique de continuité de son précédent, avec des politiques financières et une vision des plus classiques. D’autres experts vont, même, jusqu’à estimer qu’il s’agit d’un PLF électoral qui ne représente aucune ambiguïté.

 

Toujours est-il, plusieurs députés n’ont pas dérogé à la règle caractéristique de notre parlement, et se sont lancés dans des débats hystériques pour défendre des propositions additionnelles au projet présenté par le gouvernement, dévoilant une tendance communiste. Ce fût le cas, pour la proposition formulée, principalement, par les députés du bloc démocrate. Il s’agit de l’article additionnel 22 qui prévoit le financement des caisses sociales à travers une contribution exceptionnelle de 1% du chiffre d’affaires des banques, des assurances, des opérateurs de télécommunications et des sociétés pétrolières.

Défendue farouchement par certains députés, à l’instar de Salem Labiadh ou encore Zouheir Maghzaoui, cette proposition a été approuvée avec 81 voix pour, 37 contre et 16 abstentions. Sauf que « les nouveaux communistes » de l’ARP n’ont pas eu suffisamment de temps pour crier victoire, puisque la mise en application de cet article a été reportée pour l’année 2020, sur proposition du gouvernement. Cette proposition a été adoptée, un jour plus tard, avec 100 voix pour, 30 contre et 11 abstentions. Ces députés ont crié, donc, au scandale, accusant certains hommes d’affaires et autres lobbys d’avoir exercé des pressions sur le ministre des Finances ainsi que sur les députés pour bloquer « cette mesure révolutionnaire », tançant, par la même occasion, le rétropédalage du bloc d’Ennahdha qui est revenu sur le soutien qu’il a accordé à la proposition initiale.

 

Outre les interventions embrouillées des députés du bloc démocrate, on enregistre, aussi, les positions tranchées des députés du Front populaire qui ont estimé qu’il s’agit d’une loi de Finances sur-mesure répondant à exigences des lobbys et à une certaine minorité riche, qui financent les campagnes électorales au détriment du simple citoyen.

D’ailleurs, le président de la commission des Finances à l’ARP, Mongi Rahoui a assuré que certains articles de la LF 2019 ont été taillés sur mesure pour certaines personnes et ne répondent pas à des critères objectifs. « Une enquête sera ouverte à cet effet. Passer ce genre d’articles est suspect et implique une corruption pour servir les intérêts de certains. Les députés de la coalition au pouvoir étaient même prêts à bloquer toute la loi de Finances si ces articles ne seraient pas votés ! »

 

Face à tout ce débat, l’expert en économie, Moez Joudi s’est exprimé appelant à arrêter ce qu’il appelle tromper les Tunisiens. « L'impôt sur les bénéfices pour les banques, les sociétés pétrolières, les sociétés  de telecoms, les franchisés et les concessionnaires de voitures est de 35%, ce qui est considérable. L'impôt sur les bénéfices pour les grandes surfaces est de 25% et il est prévu qu'il passe à 35% le 1 janvier 2020, ce qui est aussi considérable. Ces sociétés ont des commissaires aux comptes et des auditeurs qui les scrutent à la loupe, l'administration fiscale les suit au quotidien et elles paient leurs impôts au millime près avec des contrôles fiscaux réguliers. Dans d'autres pays développés, l'IS est à 10% et 15%, donc en Tunisie il est relativement élevé. Avec ça, vous voulez quoi ? Un impôt sur les bénéfices de 50% ? C'est quoi ce communisme qui s'est installé dans ce pays ? Depuis 2011, la Tunisie est gérée économiquement à l'extrême gauche et le résultat est là: une situation de quasi-faillite économique et financière! Trop d'impôt tue l'impôt, c'est une règle élémentaire! Quand on taxe à 40% et à 50%, il n’y aura plus de prise de risque, il n'y aura plus d'initiative privée et il n’y aura plus d'investissements ni de production ni de création d'emplois! C'est le secteur privé qui est entrain de tirer l'économie du pays et de créer le minimum de richesses qui restent! Taxer à 40% et à 50% pour en faire quoi ? Des salaires dans l'administration en plus et des dépenses publiques encore plus faramineuses ! Taxer à 40% et à 50% pour en faire quoi ? Pour développer et consolider encore l'économie informelle et parallèle ? On est déjà dans le précipice dans ce pays et on creuse, on creuse, on creuse…on ne s’ennuie pas de creuser encore et encore et de s'enfoncer encore plus! ».

Une autre réponse à cette polémique est venue droit de l’ancienne secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Faten Kallel, qui, elle, a opté pour l’ironie dans sa réaction. « Chaque année, on découvre l’existence de tendances communistes ! Je suggère une bonne fois pour toutes d’exclure toutes les activités économiques privées notamment les grandes surfaces, l’importation des véhicules, des vêtements et des aliments, les activités pétrolières, les banques, les hôtels et les opérateurs téléphoniques. Je suggère également de fermer ou nationaliser les activités lucratives. C’est inacceptable qu’il y ait des personnes qui s’enrichissent alors que nous regardons ! Toutes les entreprises doivent être comme les entreprises publiques en sureffectif et en faillite ! Ainsi, nous réaliserons la justice et reviendrons à la Tunisie des années 80 ! »

 

En tout état de cause, la loi de Finances a toujours été le sujet de débat survolté et source de polémique. Cela dit, face à la situation de crise économique que traverse le pays, il est nécessaire que tous les acteurs de la scène nationale fassent preuve de pragmatisme et de créativité, évitant les clichés populistes au profit de réelles mesures afin d’impulser les moteurs économiques et favoriser la croissance et la création de richesse. Et comme le disait Winston Churchill dans une fameuse répartie : « Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures et sous le communisme ils ont davantage de parkings ».

 

Sarra HLAOUI

12/12/2018 | 19:59
5 min
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Commentaires (15)

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SALEH
| 14-12-2018 10:16
Dommage, Sir Churchill n'est plus parmi nous et ce, depuis des décennies si non il aurait pu constater, avec consternation, les contradictions du capitalisme et les ravages qui nous causent.
A titre d'exemple : on détruit la ,nature, on gaspille, on produit à tout va, on invente mais en même temps on pousse à la surconsommation, on crée la misère, on fabrique des pauvres et des chômeurs à la pelle , on fait semblant de sauver la planète (voir l'actualité quotidienne et ses lots d'événements et de catastrophes) ,...tout cela au nom d'un capitalisme vulgaire et méprisant qui, j'en suis sûr, fait sursauter l'ami Lénine dans sa tombe.
Par contre, Karl Marks nous a bien prédits et analysé ces contradictions dans son fameux "Le capital ".
*je rappelle juste qu'en Tunisie, nous n'avons pas de PARLEMENT....nous avons simplement une ASSEMBL'?E NATIONALE.

Lotfi Tirellil
| 13-12-2018 12:06
Vous n'avez remarqué que l'image de S. Labiedh, celle de Abbou ne vous a donc pas interpellé ? Car il me semble bien que c'est Mme Abbou qui figure au premier plan, entre Rahoui et Maghzaoui : drôle d'apparentement ! Sarra Hlaoui n'a pas manqué d'évoquer cette inénarrable Faten Kallel qui a cru devoir se fendre d'une tribune, hier : celle-là, il faudra beaucoup plus d'articles de presse pour la tirer de son anonymat !

Mansour Lahyani
| 13-12-2018 11:52
Ce cher Winston, toujours le mot pour rire, et bien à propos ! Cet article est intéressant, mais il n'a pas su éviter des amalgames plutôt douteux - du moins dans les illustrations qui l'accompagnent ! Que vient faire Salem Labiadh dans ce maelström ? Son image, quelque peu diaphane, prive cet article d'une bonne proportion des sa pertinence et de sa crédibilité!

DHEJ
| 13-12-2018 09:24
Et nos très chers capitalistes, c'est une question D'ARGENT!!!


Mais alors où le trouver cet argent?

Ils ne sont pas communistes (absents: huille+lait+medicaments..)
| 13-12-2018 09:21
Rendre la vie difficile aux gens :
1/Plus de taxes pour les concessionnaires et les voitures deviennent + chères.
2/ Quand vous gagner bcp d'argent c'est que vous dépenser bcp d'argent. Vos impôts se calculent sur les assiettes ( + l'assiette est grande + l'impôt est important)
3/ Même en Chine ils ont compris le rôle important des Gds Surfaces (pas de ventes conditionnées, prix clairs et + bas, fiscalité transparente, pas de spéculation et rétention de produits...)

El Chapo
| 13-12-2018 08:40
Achtung! Achtung! Red Alert!

Il y a un véritbale péril rouge qui s'installe de jour en jour dans ce pays et dans les mentalités ...
Un péril rouge qui prends la forme d'un patriotisme et d'une sorte de nationalisme ..Comme si défendre la cause bolchévique était qqchose de normal et de tunisien ...

Appel donc à toutes les forces démocratiques et libres pour lutter contre ce fléau rampant ... Une intervention étrangère serait peut être même nécessaire: OTAN, US navy...

MFH
| 13-12-2018 07:45
On est dans l'impasse depuis un bon bout de temps. Les deux principaux facteurs de production, le "capital" et le "travail", ne trouvent toujours pas le terrain d'entente adéquat qui incite à la reprise de la production. Le capitaliste, soucieux pour son argent, refuse le risque et le travailleur, fort de son UGTT, sabote le premier. Entre temps la contrebande progresse, le coût de la vie s'élève et le dinar chute. C'est le blocage pour tout le monde, la faillite approche à pas de géant, et nos politiques et responsables de l'état, tous sans exception, chantent dans leur confort la liberté et la démocratie. Quelle est la solution dans ce cas ? En l'absence de richesses et de réserves naturelles qui permettent à un peuple de survivre sans faire d'effort, il n'y a pas d'autre issue que de consentir au partage et d' accepter le sacrifice. Travailler plus, consommer rationnellement, éviter le superflu, appliquer la loi. punir le contrevenant et le saboteur, respect de l'autre,...

Limou
| 13-12-2018 06:55
Soyons cohérents : nous n'avons pas de réserves en devises il faut donc réduire les importations. Surtaxer les voitures et les produits importés vendus notamment dans les grandes surfaces est tout à fait légitime dans nôtre contexte. Cela fera un manque à gagner pour ces hommes d'affaires privilégiés mais ils ne mourront pas de faim. D'ailleurs le terme hommes d'affaires ne leurs convient pas, ils s'agit de simples importateurs

Non aux cocos
| 13-12-2018 03:23
D'habitude, peu porté sur les commentaires, l'élan de gratitude qui s'est emparé de moi à la lecture de l'intervention magistrale du génial Mr Moez Joudi, 5ème Dan en économie, relayée par l'incomparable Businessnews, fabuleux journal que nous envie la planète entière, ne pouvait que mettre un terme à mon silence.
Je vois d'ici les communistes se presser au portillon de la controverse pour asséner que 15% d'IS relève soit du délire, soit du mensonge éhonté. Ils osent même remarquer qu'il est de 33% en France et qu'aux USA, jusqu'en 2017, il était de 35%.
Mais quelle folle idée les cocos que de s'adonner à cette absurde mise en perspective entre un pays aussi prospère que notre verte Tunisie (non, elle n'est pas verdâtre !) et ces pays rongés par la misère ! « Avec ça, vous voulez quoi ? (Sic) « des dépenses publiques encore plus faramineuses (Sic) » ?
J'espère chers compatriotes communistes, qu'à défaut de jugeote, il vous reste au moins assez de goût pour pouvoir savourer la plus belle phrase qui ait jamais été écrite en français : « On est déjà dans le précipice dans ce pays et on creuse, on creuse, on creuse'?'on ne s'ennuie pas de creuser encore et encore et de s'enfoncer encore plus »
P.S : Mention spéciale à Faten Kallel, consternée par l'indigence et l'inexpressivité de la langue française, ne voit d'autre solution que d'identifier les grandes surfaces à des « activités économiques privées ».

Kahina
| 12-12-2018 22:34
Trop simple et simpliste de taxer ses adversaires de communistes! Faites un peu plus d'effort pour convaincre les lecteurs !
Creuser un peu plus pour mieux approfondir votre article qui me semble ,malheureusement, bien superficiel ! Merci pour votre compréhension !