
Par Amin Ben Khaled*
La Tunisie, espace géographique situé à la croisée de la mer Méditerranée et du désert saharien, transcende sa simple localisation cartographique pour incarner un carrefour historique et culturel. Son identité, d’une richesse et d’une complexité remarquables, peut être appréhendée à travers cinq dimensions fondamentales : l’appartenance au Maghreb, au monde arabe, au monde musulman, à l’Afrique et à la Méditerranée. Ces dimensions, telles des fils entrelacés dans une tapisserie, composent l’essence métaphysique de la nation tunisienne. Leur équilibre, toutefois, est fragile : la prédominance excessive de l’une ou l’absence de l’autre menace l’harmonie globale. Cet article explore ces cinq cercles identitaires, analyse leur profondeur et interroge leur signifiance pour la Tunisie d’aujourd’hui et de demain.
Le Maghreb : une appartenance régionale fondamentale
L’identité tunisienne s’ancre d’abord dans son appartenance maghrébine, un lien partagé avec l’Algérie, le Maroc, la Libye et la Mauritanie. Cette région, marquée par l’héritage amazigh, les traditions communes et les luttes anticoloniales, forge une solidarité historique. L’Union du Maghreb arabe, instituée en 1989, ambitionnait de raviver cette fraternité régionale, mais les divergences politiques en ont freiné la concrétisation. À l’ère de la mondialisation, où les réseaux sociaux exposent la jeunesse tunisienne à des influences globales, l’identité maghrébine peut sembler secondaire face à l’attrait de métropoles comme Dubaï ou Paris. Pourtant, cette dimension constitue un socle essentiel de l’identité nationale. Des initiatives telles que des festivals culturels maghrébins ou des programmes d’échanges universitaires pourraient revitaliser ce lien, renforçant ainsi la voix collective de la Tunisie dans la région.
Le monde arabe : un héritage linguistique et culturel
L’appartenance au monde arabe constitue une autre facette majeure de l’identité tunisienne, unissant le pays à une communauté s’étendant du Maroc au Yémen. La langue arabe, bien au-delà d’un simple outil de communication, incarne une poésie, une mémoire collective et une vision du monde. La mosquée Zitouna à Tunis, fondée il y a treize siècles, illustre cet héritage : centre de savoir, elle a nourri des débats intellectuels et porté les aspirations à l’indépendance dans les années 1950. Cependant, une glorification excessive de l’arabité peut marginaliser d’autres composantes identitaires, comme les racines amazighes ou africaines. De plus, le monde arabe contemporain, fragmenté par des crises, s’éloigne des idéaux panarabes des années 1960. La révolution tunisienne de 2011 a démontré la possibilité d’une identité arabe singulière, propre à la Tunisie. Préserver cette singularité implique de rester ouverts au monde tout en valorisant cet héritage culturel.
Le monde musulman : une spiritualité en dialogue
L’islam, troisième cercle, constitue un pilier central de l’identité tunisienne. Des minarets de Kairouan aux célébrations soufies des mouled, en passant par les échanges théologiques dans les espaces publics, la spiritualité musulmane imprègne la société. Historiquement marqué par une modération, l’islam tunisien s’est distingué par sa capacité à dialoguer avec d’autres cultures. Toutefois, des courants rigoristes, parfois importés, ont cherché à s’implanter, notamment après 2011, tandis que les débats sur la laïcité révèlent des tensions internes. Un islam tunisien fidèle à sa tradition de tolérance, comme celui des confréries soufies, nécessite une vigilance face aux extrémismes et un engagement dans le dialogue interreligieux. Cette dimension doit coexister harmonieusement avec les autres cercles, sans chercher à les supplanter, ce qui exige un enseignement de l’islam ouvert et respectueux de la pluralité.
L’Afrique : une identité à assumer pleinement
L’appartenance africaine, bien que géographiquement et historiquement évidente, demeure sous-valorisée dans le discours identitaire tunisien. Les routes transsahariennes ont jadis facilité les échanges d’idées, de biens et de populations, et aujourd’hui, la présence d’étudiants subsahariens ou l’influence de la musique gnawa témoignent de cette connexion. Cependant, les discriminations envers les migrants africains et les stéréotypes persistants révèlent un déficit d’appropriation de cette africanité. Pourtant, l’Afrique représente un horizon d’opportunités, notamment à travers des cadres comme l’Union africaine ou le COMESA, où la Tunisie peut jouer un rôle de pont entre le Maghreb et le reste du continent. Embrasser cette dimension implique de combattre les préjugés internes tout en favorisant des collaborations économiques et culturelles, par exemple avec des partenariats entre entrepreneurs tunisiens et africains.
La Méditerranée : un espace de convergence culturelle
Enfin, la Méditerranée positionne la Tunisie comme un trait d’union entre l’Europe, l’Afrique et l’Orient. Héritière de Carthage, fondée par une princesse phénicienne, la Tunisie porte en elle une culture méditerranéenne marquée par des échanges constants, des saveurs culinaires partagées et une ouverture au monde. Cependant, une focalisation excessive sur l’Europe risque de déséquilibrer les autres dimensions identitaires, en particulier l’appartenance maghrébine ou africaine. Être méditerranéen implique de naviguer entre ces rives, en construisant des ponts culturels et économiques sans renier ses racines. Des initiatives comme l’Union pour la Méditerranée peuvent soutenir cet objectif, à condition de respecter la pluralité identitaire tunisienne.
L’équilibre identitaire : un défi stratégique
Ces cinq cercles – maghrébin, arabe, musulman, africain, méditerranéen – forment un ensemble interdépendant, comparable aux cordes d’un instrument dont l’harmonie dépend de l’équilibre. Une marginalisation de l’africanité, par exemple, priverait la Tunisie des dynamiques d’un continent en pleine croissance, tandis qu’une survalorisation de l’identité méditerranéenne pourrait éclipser ses racines maghrébines ou musulmanes. La révolution de 2011 a offert une opportunité unique de repenser cet équilibre et de redéfinir l’identité nationale. Les défis sont nombreux : tensions idéologiques, pressions économiques et influences extérieures complexifient cette entreprise. Cependant, la Tunisie dispose d’un atout majeur : sa capacité historique à être un carrefour de civilisations. En valorisant chaque cercle à travers l’éducation, le dialogue et des initiatives culturelles, la Tunisie peut construire une identité confiante, capable de s’adresser au monde tout en restant fidèle à ses fondements.
En conclusion, ces cinq cercles identitaires ne sont pas de simples composantes de l’identité tunisienne : ils constituent une promesse. Celle d’une nation qui, en assumant la richesse de sa complexité, peut s’affirmer comme un modèle d’harmonie dans un monde en quête de sens. Relever ce défi exige une vision audacieuse et une volonté collective de faire rayonner cette pluralité.
*Avocat et ancien diplomate


L'article montre également de manière annexe le degré d'absence de répère véritablement identitaire chez la majorité des Tunisiens
AU prochain article inchallah...
Mr l'ancien ambassadeur-avocat, même dans vos cinq piliers vous remplacez notre héritage amazigh par le concept creux de Maghreb...
Notre drame national est qu'on continue d'occulter le composant principal de notre identité nationale. Là où il y a le couscous, le burnous et la bssissa il y a les Amazigh, les Freemen.
D ailleurs les amazigh ne sont que les descendants des phéniciens , cela a été prouvé par leur écritures qui se ressemblent.
La tunisie est un brassage de population de Kairouan à Tunis, il y a + d amazigh loin des côtes pour des raison rationnel et historiques
Ibn Khaldoun déjà nous décrivait comme amazigh arabisants.
Pourquoi parmi toutes les nations du monde nous sommes les seuls à avoir honte de qui nous sommes ?
C'est surement cela la malédiction et le péché originel qui causent tous les torts actuels à notre cher pays...
Une nation qui ne sait pas d'où elle vient est condamnée à l'errance.
- migration paléolithique
- migration phenecienne
- migration arabe
'?a ne fait débat que chez les sionistes qui veulent la fitna . Va te faire un test génétique et oui tu sera sémite et pas slave einstein
La Promesse en conclusion de ce bel artaicle ne peut être que tenue.
Et plus vite qu'il n'y parait.
Et plus on est fou
Qui a supplanté toutes les composantes, de ce qui aurait fait de ce petit pays un petit bijou.
Dommage ! Pour ce peuple qui s'est perdu en route.
Pour autant, ce bel équilibre est menacé par l'économie. Les relations commerciales et industrielles sont de plus en plus tendues, concurrentielles et sauvages.
Il y a là, je le crains et le regrette, un réel danger de dislocation pour cette belle culture multi millénaire.
Sale époque...

