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Chroniques
L’athéisme, une maladie mentale ?
13/07/2018 | 18:00
4 min

Par Ikhlas Latif

 

« Dans notre pays, l’irréligiosité et l’athéisme sont une maladie mentale. Faire du camping et être actif dans le milieu associatif sont des signes suicidaires… », telles sont les paroles de Nouha rédigées depuis l’hôpital psychiatrique Razi. Il n’en fallait pas moins pour que la polémique éclate. De qui condamnant un internement abusif et une atteinte à la liberté de conscience, de qui mettant en doute le motif, et bien sûr y’en a ceux qui soutiennent cette décision qui permettra à une jeune égarée de revenir sur le bon chemin !

C’est que le père de Nouha, imam au ministère des Affaires religieuses a déposé plainte pour que sa fille soit internée. Le procureur de la République a répondu présent et a ordonné une hospitalisation  d’office. D’après l’avocat de Nouha, le gentil papa considère que sa fille est athée et qu’elle se comporte contrairement aux normes ! La jeune fille se retrouve donc internée dans d’affreuses conditions, contrainte à ingurgiter des médicaments et ne pouvant utiliser de téléphone (sauf en cachette).

 

La mésaventure de Nouha, quel que soit son véritable motif, nous rappelle, en premier lieu, que dans notre société où le rigorisme religieux regagne du terrain, où le conservatisme moral prévaut, la liberté de ne pas croire n’est qu’un mythe.

Oui, un mythe ! Parce que dans nos contrées, le non-croyant est un marginal qui souffre d’une intolérance généralisée et d’une violence, sous-jacente certes, mais qui peut se manifester à tout moment. Le fait de proclamer son incroyance publiquement en Tunisie, peut en effet constituer un véritable danger pour ceux ou celles qui le revendiquent. Le non-croyant tunisien se tait, s’autocensure, même au sein de son cercle familial ou d’amis. Ses convictions, il doit bien se garder de les manifester en société, de crainte de subir une violence d’autant plus insidieuse que la norme voudrait que ce soit la religion qui doit être protégée, non l’absence de sentiment religieux…

C’est tout de même bien la liberté de croyance et de conscience qui est protégée par l’article 6 de la constitution. Cela ne supposerait aucunement qu’on fasse une distinction entre la liberté de croire et celle de ne pas croire.

 

Pour le moment, on ne peut se baser que sur le seul témoignage de Nouha et ses défenseurs. Le motif de son internement n’a pas encore été révélé par les médecins, secret médical oblige. Certains psychiatres n’excluent pourtant pas la possibilité qu'elle ait été effectivement hospitalisée pour seule cause d’athéisme, partant du fait que plusieurs personnes aient été, à maintes reprises, internées abusivement sur la base de considérations religieuses. Parce qu’il faut le dire, certains médecins pensent, par exemple, que le suicide ou l’homosexualité sont « haram » et doivent être soignés en renforçant le sentiment religieux du « patient ». Cela n’exclue donc pas ceux qui affichent des croyances qui sortent de la norme établie.  

 

Toutefois, ce drame que traverse la jeune fille de 19 ans a eu le mérite de délier les langues de plusieurs médecins sur ce qu’ils considèrent comme une aberration législative. Le débat est lancé sur la loi régissant l’hospitalisation d’office et les conditions d’internement, notamment le fait qu’un médecin généraliste puisse statuer sur l’état mental du patient et le fasse interner. Mais encore, après l’ordre d’hospitalisation émis par le juge, le patient doit attendre 48h, tout en étant interné et obligé à prendre des psychotropes, à ce qu’un psychiatre statue sur son cas.

Selon la loi, la personne hospitalisée d’office ne peut sortir que lorsque le médecin psychiatre exerçant à l'établissement d'hospitalisation déclare, en vertu d'un certificat médical, que celle-ci peut être ordonnée. Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'hospitalisation est tenu d'en référer dans les quarante-huit heures au président du tribunal territorialement compétent qui statue sans délai et en informe la direction de l'hôpital dans les quarante-huit heures qui suivent, passé ce délai, la levée d'hospitalisation d'office est acquise de plein droit.

Ainsi, cet article controversé, dispose que la personne internée d’office, soit enfermée dans un service psychiatrique, contre sa propre volonté, en attendant le résultat de l’examen médical qui jugera au final si oui ou non elle souffre de troubles mentaux. N’est-ce pas une mesure abusive susceptible d’entrainer des dérives et des injustices ?

 

Dans le cas de Nouha, qu’elle souffre ou non de troubles (ceci sera établi par le rapport psychiatrique), la jeune fille est doublement victime. Victime de l’intolérance d’une société qui exclut tous ceux qui sont différents. Victime des failles d’un système juridique qui voudrait qu’une personne soit internée de force par un tiers sans pouvoir se défendre dans les 48h qui suivent.

13/07/2018 | 18:00
4 min
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Commentaires (27)

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Fehri
| 18-07-2018 18:09
Hitler
Staline
Poutine
Rákosi
Ben Ali
Gaddafi
et tous les monstres du XXe siècle. Maintenant les frères musulmans qui prennent le relai dans un pays soi-disant démocrate. On fait sauter ben Ali et on le remplace avec des dirigeant plus autocrate et sauvages.

Fehri
| 18-07-2018 17:59
Comment un médecin, psychiatre, personne scientifique, puisse déclarer que cette jeune fille est une malade mentale pour la seule raison qu'elle ne croit pas aux religions? Je croyais qu'on a écrit une des meilleures constitutions du monde. On l'a écrite pour qui? On a condamne l'église catholique d'avoir interner Galileo aux XVI siècle et on ferme les yeux sur cette folie des religieux? C'est grave! La Tunisie va de plus en plus en arrière. Ou sont-ils passes les défenseurs des droits de l'homme?

hourcq
| 15-07-2018 13:34
Tout d'abord, félicitations à Mme Ikhlas Latif pour cet excellent éditorial qui situe bien les enjeux sociétaux soulevés par ce cas d'espèce. Freud, dans sa théorie psychanalytique sur les motivations cachées et inconscientes de nos actes, qualifiait les sentiments religieux exacerbés de névrose obsessionnelle. Cette qualification s'applique bien au père de cette jeune fille, au mental psycho-rigide, qui ne supporte pas que sa fille puisse vivre librement sa vie.en refusant une conception étroite et sectaire de Dieu et de la religion censés interdire "le camping, les chants et les danses".
Comme le souligne un intervenant beaucoup de vrais"fous" se promènent dans les rues en Tunisie parce que les rares hôpitaux psychiatriques sont débordés mais on trouve quand même une place pour une jeune fille apparemment saine d'esprit qui veut vivre librement sans toutes ces contraintes moyen-âgeuses qu'on veut lui imposer. Miskina Tounes!!

HAtemC
| 14-07-2018 22:28
https://www.youtube.com/watch?v=UI-fwXh__fA

sassi
| 14-07-2018 20:16
ces schizophrènes musulmans et plus que des musulmans ont les pieds sur terre et les yeux vers le ciel mais quand ils marches ils ne voient pas le trou qui est devant eux
à force de marcher à l'aveuglette ils n'échapperont jamais aux obstacles et ils finiront d'y tomber

Gg
| 14-07-2018 19:00
Vous présentez tous les symptômes d'une religiosite obsessionnelle aiguë.
Mais ce n'est pas très grave, est fou celui qui n'est pas comme les autres. C'était ainsi au temps du prophète, et aujourd'hui dans les pays sous développés.

Mansour Lahyani
| 14-07-2018 17:57
Nous sommes TOUS en état d'hallucination, loin, très loin de la réalité sensible : en 2018, un père peut envoyer sa fille MAJEURE à l'hôpital psychiatrique, à défaut de dar joued, sur la simple accusation qui lui taraude l'esprit et l'empêche d'ânonner tranquillement ses sourates : mademoiselle fait de la résistance, et ose penser que si son père veut croire à ces âneries, c'est son problème à lui, pas à elle !! Ces troubles qui semble-t-il affectent Nouha ont été établis sur la simple base de son refus de ces âneries ! On l'envoie donc ipso facto chez les fous, peut-être que ça lui remettra les idées dans le bon sens !
Et ce n'est pas le plus terrible de cette histoire : cette réédition du procès des sorcières de Salem, un nom prédestiné, qui ne s'invente pas, a semblé tout naturelle aussi bien à Me Bochra Belhaj Hmida, icône de la défense des droits de l'homme et rapporteur de la Colibe - dont on pensait qu'elle serait plus prudente avant d'accorder sa caution à cette simulation de normalité judiciaire dans ma Tunisie de 2018 - et, tenez-vous bien, à l'INPT qui lutte contre la torture et qui n'a pas semblé trouver que cette situation devrait l'inciter à intervenir pour sauver Nouha des griffes de ses tortionnaires, en premier lieu son propre père...
A-t-on vraiment de quoi être fier d'être tunisien en ce calamiteux 2018?

Maxula
| 14-07-2018 16:03
"ses promesses sont sans limite"
Et elles n'engagent que ceux qui y croient...et les plus crédules d'entre eux !
Ok...on connaît la chanson...elle n'a jamais été un tube de l'été...et elle l'est de moins en moins !
"il double leur maladie"
Je vous rassure...je ne me suis jamais senti aussi bien (et sur tous les plans'?') que depuis que je me suis aperçu de la supercherie bondieusarde...et ça date depuis belle lurette...
Maxula

Saga
| 14-07-2018 15:23
Fatalisme et superstition!
'?a sonne fort!!

J.trad
| 14-07-2018 15:00
On raconte que les tabib tournaient à travers les quartiers en offrant leurs services ,médecins ambulants ,ce qui retient mon attention ,c'est l'expression ,el fraj âlâ Allah ,ils sont magnifiques les anciens,ils se cramponnent à la foi en dieu ,,Allah domine tout ,rien n'échappe à sa vigilance,
C'est le compagnon qui jamais ne laisse tomber celui qui aime bien qu'il soit son camarade ,son confident ,son fournisseur,son conseiller ,sa force est absolu,ses promesses sont sans limite,ainsi que sa richesse ,sa science,sa clémence,le plus généreux même envers ceux qui ont le c'?ur malade ,mais ceux qui s'entêtent à lui désobéir ,il double leur maladie ,fazadahoum Allahou maradhan wa lahom âdhaboun âlim bima kânou youkadhiboun .monsieur h.chayeb cesse d'encourager cette égarée ,à plus d'égarement