Conflit avocats-magistrats : les faits sont graves selon l'AMT
L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a réagi, ce mercredi 25 septembre 2019, dans un communiqué, aux derniers faits ayant opposé le procureur général près du Tribunal de première instance de Tunis à des membres du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
L’association présente une version autre que celle défendue le matin même par Imen Gzara, l'une des 5 avocats inculpés par le procureur général près de la Cour d’appel de Tunis.
L’AMT considère ce qui s’est passé le 19 septembre dernier comme étant des faits graves qui ne doivent pas passer sous silence et qui portent atteinte au « bureau du procureur de la République qui représente un centre de commande judiciaire et sécuritaire et de direction du tribunal ainsi qu'un local qui abrite des dossiers importants et des informations confidentielles, dans une période délicate que traverse un pays menacé de terrorisme». Et de marteler : «Le travail a été interrompu au ministère public et le procureur général a été obligé de quitter son poste vu qu'il est menacé d’agressions !».
Pour elle, «cela marque l'effondrement des institutions de l'Etat et n’a aucun équivalent ni dans les dictatures ni dans les démocraties».
La version des faits avancée par l’association est telle que «les avocats du comité de défense ont forcé le passage pour accéder au bureau du procureur de la République près du Tribunal de première instance de Tunis, occupant son bureau et refusant de partir, tout en dispersant et détériorant certains objets, le tout dans une atmosphère de provocation, de défi et de démonstration de force de la part de dizaines d'avocats dans un bureau vide évacué. Les avocats sont restés seuls avec ce que contenait le bureau de documents sensibles comme l’atteste les photos publiées par les avocats eux-mêmes et qui a fait le tour des réseaux sociaux».
S’agissant de l’affaire de l’appareil secret, l’AMT précise sa position : «l’association a été la première a réclamé l’ouverture d’une enquête».
«Nous considérons qu’il est du droit de quiconque ayant porté plainte dans les affaires des assassinats ou de l’appareil secret mais également le droit de l'opinion publique et de tous les Tunisiens de connaître le sort des plaintes et des affaires en cours. Parce que nous reconnaissons que l’examen de ces affaires par le biais de procédures transparentes et dans des délais raisonnables dissiperait tous les doutes quant à l’intégrité de la transition démocratique et démontrerait la vérité sur l’implication ou l’innocence des suspects, qu’elles soient des parties politiques ou autres», indique ce même document.
«Lorsque le bureau du procureur est pris pour cible, avec tout ce que cela signifie comme atteinte symbolique de la justice et un arrêt de son cours en usant de la force dans un contexte électif marqué par les enchères politiques, le silence face à ces faits devient impossible. Nous ne sommes pas pour la grève, nous connaissons les intérêts des plaideurs, mais une poignée d’avocats nous l’ont imposé et ils en sont responsables», explique l’association.
«L’enquête diligentée est dans l’intérêt de tous, magistrats, avocats et forces de l’ordre, le groupe d’avocats ayant conduit l’affront affirme avoir été agressé et l’enquête révélera la vérité sur les faits», poursuit-elle.
L’AMT affirme que ces faits ne sont pas une exception, d’où leur position ferme. L'association des magistrats rappelle certains faits similaires, notamment l’agression du juge d’instruction du 5ème bureau du Tribunal de première instance de Tunis le 21 février 2014, l’agression contre le procureur général de Sfax au mois de mars 2015, l’agression perpétrée contre la première chambre civile du Tribunal de première instance de l’Ariana en décembre 2016, l’agression du section de Mahdia du Tribunal immobilier en octobre 2017 et les événements du Tribunal de première instance de Sousse en août 2019.
I.N