Les terroristes passent aux aveux : leur plan pour instaurer l'émirat de Ben Guerdène
Proclamation d’un émirat à Ben Guerdène, instauration de la loi islamique et soutien de leurs cellules dormantes et de la population en prenant de court les autorités. C’est en bref ce qui ressort des premiers éléments des aveux des terroristes arrêtés lors de l’attaque de Ben Guerdène du 7 mars 2016.
L’enquête est en cours, mais ceci n’a pas empêché quelques fuites sur le déroulement des opérations menées par les terroristes lundi 7 mars à Ben Guerdène et sur les plans qu’ils projetaient de réaliser dans la ville, en cas de succès. Les plans sont tombés à l’eau et, 24 heures à peine après leur mise en détention, nous avons réussi à obtenir quelques éléments auprès de sources non officielles proches de l’enquête et des riverains sur place.
Créchés et entraînés depuis des mois à Sabratah et Syrte, les terroristes sont arrivés en Tunisie depuis quelques jours et semblent bien connaitre la ville et ses habitudes. Ils ont donné le signal, à l’aube, à travers les hauts parleurs d’une des mosquées de la ville.
Selon le site de l’hebdomadaire Akher Khabar, réputé pour son grand sérieux dans ce type d’informations et connu par ses sources fiables au sein du ministère de l’Intérieur, ils étaient une cinquantaine de terroristes, divisés en trois groupes, à passer à l’attaque du lundi. Le premier groupe était chargé d’attaquer une caserne de la Garde nationale (gendarmerie), le deuxième était chargé d’attaquer une caserne de l’Armée, alors que le troisième était chargé d’informer la population et de la « rassurer » sur ce qui se passe.
Des témoins sur place ont affirmé que ce dernier groupe était muni de hauts parleurs pour annoncer aux riverains que la ville est désormais prise par l’Etat islamique et qu’elle sera gouvernée par « la loi de Dieu ». On les informait également que seuls les membres du « taghout » (les forces nationales et les représentants de l’Etat) seront la cible de leurs armes. Les terroristes pensaient obtenir un soutien total de la population après ces annonces par mégaphone en croyant qu’elle ne pouvait qu’applaudir que la « loi islamique » régisse leur vie. Dans la foulée, ils se sont adressés aux « barons » de la ville, les contrebandiers en l’occurrence, en leur annonçant qu’ils pourront désormais travailler tranquillement après la disparition de la douane et des représentants de l’Etat. « L’assassinat du douanier et l’assassinat de deux ouvriers, gardiens à la délégation, entre dans ce cadre », analyse l’avocat Mabrouk Kourchid, originaire et fin connaisseur de la région, après avoir recueilli des témoignages directs.
Les terroristes pensaient profiter de l’élément de surprise, mais c’est un effet boomerang qu’ils ont eu, puisque la population n’a pas du tout adhéré à leur plan. Mieux encore, elle les a pourchassé à coups de pierres. Et c’est dans cette course-poursuite de la population derrière les terroristes que deux citoyens ont été assassinés par balles.
Durant ce temps, toujours à l’aube du lundi 7 mars, l’autre groupe chargé d’attaquer la caserne de l’armée, a été surpris par la difficulté de la situation et par la force de frappe des soldats. « Partagés en sous-groupes, les terroristes ont encerclé la caserne, pensant profiter de l’effet de surprise et la force des armes à feu qu’ils portaient. Ils attendaient également des renforts de la part de cellules dormantes dans la ville », indique Akher Khabar. Ce plan aurait fonctionné parfaitement dans certaines villes d’Irak, de Syrie et de Libye, parait-il. Mais la citadelle tunisienne a été plus résistante et les soldats étaient préparés à cet assaut.
D’après les informations de Business News, les services de renseignement ont déjà prévenu les brigades locales sur la possibilité d’une attaque de ce genre. Les incidents terroristes de la semaine dernière, à la même ville, n’étant qu’une entrée en la matière. Ces renseignements ont fait que les soldats aient été préparés psychologiquement et militairement à un éventuel assaut, ce qui a annulé tout effet de surprise. Dépourvu de soutien local et de ses cellules dormantes, n’ayant pas réussi l’effet de surprise escompté, les terroristes se sont retrouvés en situation fragile.
Les forces de l’ordre ont obtenu en revanche du renfort, ce qui a totalement inversé les choses. Alors qu’ils encerclaient, dans un premier temps, la caserne, ils se sont retrouvés eux-mêmes encerclés et en très peu de temps.
D’après les premiers éléments que nous avons pu obtenir, les terroristes envisageaient ensuite de pénétrer dans la caserne et de faire hisser le drapeau noir des salafistes. Le même drapeau qui allait être accroché dans divers points de la ville, une fois sa population « apprivoisée » et convaincue par la « cause » de l’Etat islamique autoproclamé.
Il aurait été question qu’il y ait d’autres attaques similaires, mais de moindre ampleur, dans plusieurs endroits avoisinants, afin de disperser les efforts des forces de l’ordre à reprendre le contrôle sur Ben Guerdène. Ces attaques devaient être menées par des renforts venus de Libye. Le clou aurait été un attentat dans une zone urbaine, afin que le pouvoir central à Tunis ne sache plus où donner de la tête et que l’on ne puisse plus se concentrer sur Ben Guerdène. De quoi gagner du temps pour bien s’y implanter et faire habituer la population à ses nouveaux gouvernants.
L’objectif final étant de faire, comme en Syrie et en Irak, des émirats dans différentes régions tunisiennes, frontalières de la Libye, qui vivraient par la contrebande et le soutien logistique des terroristes dispersés dans la nature entre les deux pays.
A l’exception de l’assaut contre la caserne militaire et de la « tournée » en ville, rien de tout cela n’a été exécuté. C’est la fermeture immédiate de la frontière et l’attaque américaine de la ville de Sabratah il y a quelques semaines, qui auraient fait échouer ces plans.
Il s’agit là des tous premiers éléments fuités et il y aura certainement plus de détails dans les jours à venir, en attendant que les autorités communiquent d’une manière officielle sur cette tentative avortée de Daech de transformer une ville tunisienne en émirat islamique.
Raouf Ben Hédi et Mohamed Garoui