Les crocs des Daechiens se cassent à Ben Guerdène
Réveil douloureux aujourd’hui en Tunisie. A l’aube du 7 mars 2016, un groupe terroriste a attaqué des positions de l’Armée et de la Garde nationale à Ben Guerdène. Un bilan fait état de 35 terroristes tués, sept autres arrêtés et de 18 martyrs entre civils et membres des forces de l’ordre. Une attaque d’une grande envergure au vu du nombre de terroristes impliqués et de son mode opératoire.
L’opération a débuté à l’aube par des attaques simultanées. Un poste de police, un poste de la Garde nationale et la caserne militaire de Ben Guerdène ont été ciblés simultanément par un groupe d’au moins 27 terroristes. De violents affrontements armés ont eu lieu et la situation a été contrôlée aux environs de 9 heures du matin. La réaction ne s’est pas fait attendre au plus haut niveau de l’Etat. Le chef du gouvernement, Habib Essid, s’est réuni avec les ministres de la Défense et de l’Intérieur. Par la suite, il est allé voir le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Les ministres de l’Intérieur et de la Défense ont été dépêchés sur place pour suivre l’évolution de la situation.
Seulement 5 jours après une première attaque dans la même localité de Ben Guerdène, les terroristes ont décidé d’attaquer une nouvelle fois, en y mettant les moyens aussi bien en termes humains que matériels. En effet, une grande quantité d’armes a été saisie au cours de cette opération. Les terroristes ont également pris pour cible le chef de la brigade anti-terroriste de Ben Guerdène, qu’ils ont attaqué à son domicile.
Dans la série de mesures prises, la mise en place d’un numéro vert, presque instantanément, pour informer des déplacements des terroristes ou pour alerter sur des éventuels cas de blessure. En fin de matinée, le ministère de l’Intérieur a rendu public un communiqué pour instaurer un couvre-feu dans la localité de Ben Guerdène de 19h à 5h du matin. Auparavant, il a été décidé de fermer les passages frontaliers de Ras Jedir et de Dhehiba. A noter que les opérations de ratissage se poursuivent à la rechercher d’autres éléments terroristes.
Cette attaque a mis en lumière l’état d’alerte dans lequel se trouvent les unités sécuritaires tunisiennes depuis un certain temps. En effet, depuis les frappes américaines sur Sobratha en Libye, les autorités tunisiennes ont relevé le niveau d’alerte à la frontière et les différentes unités n’ont pas été prises par surprise cette fois. La riposte a été efficace et rapide et tous les moyens ont été mis à disposition : les renforts sont arrivés rapidement sur place et des avions de combat ont immédiatement décollé pour participer au ratissage et à l’élimination des cibles.
Par ailleurs, le scénario de cette opération pose de sérieuses questions quant à un aspect particulier du travail sécuritaire, celui du renseignement. Selon plusieurs témoignages émanant d’habitants de Ben Guerdène, les terroristes sont originaires de la région. Vraisemblablement, il s’agit de cellules dormantes installées depuis un certain temps à Ben Guerdène qui ont coordonné cette attaque en réponse au succès sécuritaire de la semaine dernière.
Ainsi, les services de renseignement tunisiens ont été incapables de prévenir cette attaque et de procéder aux arrestations nécessaires depuis la dernière attaque du 2 mars 2016. On ajoute à cela le fait que l’attaque ait commencé par l’assassinat du chef de la brigade de lutte anti-terroriste pour continuer, ensuite, par l’attaque des postes de sécurité. Cela suppose qu’il y a eu concertation, planification, approvisionnement et ensuite exécution. Autant d’activités préparatoires que le renseignement tunisien aurait dû prévoir et empêcher.
Un autre aspect mérite l’attention dans cette opération terroriste. C’est celui de la communication officielle. Les autorités tunisiennes ont tout de suite voulu donner l’impression d’occuper le terrain et de prendre les mesures nécessaires. Deux ministres, Farhat Horchani pour la Défense et Hédi Majdoub pour l’Intérieur, ont tout de suite été dépêchés sur place après une réunion ce matin avec le chef du gouvernement Habib Essid. De son côté, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, est allé à la salle des opérations de la caserne de l’Aouina pour prendre connaissance des détails de l’opération en cours. Apprenant certainement des erreurs du passé, l’Etat tunisien s’est imposé, cette fois, au moins en termes de communication, et a su faire passer le message selon lequel l’Etat est là, bien présent, pour tenter de rassurer la population et pour dire que l’Etat, cette fois, ne s’effondrera pas.
Un autre aspect rassurant confirmé par cette opération : le soutien de la population aux forces armées tunisiennes. Plusieurs vidéos et photos ont montré que la population est au cœur de la lutte contre le terrorisme, puisque des civils y ont aussi perdu la vie. Même s’ils contreviennent le plus souvent aux recommandations de la police et de l’armée, les citoyens ont exprimé, de plusieurs manières, leur soutien à l’armée avec des cris d’encouragement et même une présence physique ! La dimension populaire a une importance prépondérante dans la lutte anti-terroriste car les membres de Daech, actifs en Tunisie, ne réussissent pas à avoir un ancrage au sein de la population.
L’opération terroriste de ce matin revêt une importance capitale dans le sens où elle marque un changement dans le modus operandi des groupes terroristes. Premièrement cette opération se caractérise par un déploiement exceptionnel de moyens vu son bilan. Deuxièmement, il parait clair que les frappes américaines en Libye ont marqué le début d’opérations terroristes en Tunisie, particulièrement à Ben Guerdène, avec deux opérations en moins d’une semaine. Troisièmement, la faiblesse capitale du système de défense tunisien semble être le renseignement. En effet, la deuxième opération de ce matin aurait pu être avortée en amont.
Marouen Achouri