
Il est bon, par moments, de revenir aux fondamentaux pour démontrer, en matière politique, à quel point nous nous en sommes éloignés. Selon Larousse, « un parti est une organisation structurée dont les membres mènent une action collective dans la société aux fins de réaliser un programme politique ». Même s’il s’agit d’une définition assez scolaire, nous avons quand même trouvé le moyen en Tunisie de nous en éloigner, et le parti Qalb Tounes en est le parfait exemple.
Le 10 mars 2020 le parti est secoué par une vague de démissions touchant son bloc parlementaire. Onze élus ont décidé de tirer leur révérence après seulement 4 mois de travail. Plutôt dix parce que l’élue Amira Charfeddine a renoncé à sa démission quelques heures plus tard, preuve s’il en faut de la volatilité des décisions que peuvent prendre des apprentis politiciens. Selon Hatem Mliki, démissionnaire et ancien chef du bloc parlementaire, les démissions ont pour raison l’absence de gouvernance au sein du parti et une insatisfaction des mécanismes de prise de décision. Par ailleurs, les démissionnaires rejettent les positions du parti en rapport avec le gouvernement et la présidence de la République et estiment qu’ils font partie d’une opposition destructrice.
En revenant à la définition d’un parti politique, et à en croire des membres aussi importants que des élus, on peut constater que Qalb Tounes n’est pas une organisation structurée, qu’il n’y a pas d’action collective ni de programme politique. Qalb Tounes est un parti à usage unique qui devait servir à Nabil Karoui pour avoir la présidence de la République et un maximum d’élus à l’Assemblée. Puisque ces objectifs n’ont pas été atteints le parti perd sa raison d’exister et n’a pas le souffle pour tenir cinq ans avant de retenter le coup, surtout dans l’opposition, résultat : le parti se désagrège.
Les ténors du parti auront beau répéter le contraire, mais il est clair que Qalb Tounes a été construit autour de la personne de son fondateur, Nabil Karoui. Il ne s’agit pas d’une organisation basée sur un socle commun d’idées et de principes qui défendrait un idéal, indépendamment de l’identité de celui qui le représenterait. On ne peut imaginer Qalb Tounes sans Nabil Karoui à sa tête, et même cela ne suffit pas pour maintenir un semblant de cohésion et sauver la face devant l’opinion publique. Les dirigeants de ce parti en sont conscients même s’ils ne l’avoueront jamais. Prendre la décision de démissionner d’un parti est une décision extrême qui est le fruit d’un désaccord fondamental qui ne trouve aucune solution au sein des structures du parti. Mais comme ces structures n’existent pas et qu’il serait très étonnant que la démocratie interne soit un choix chez Qalb Tounes, il est logique qu’à la moindre escarmouche, on passe directement à la démission.
Ce n’est pas mieux de l’autre côté, celui du parti. Le porte-parole de Qalb Tounes, Sadok Jebnoun, ne parle pas de principes ou d’intransigeance. Il ne dit pas que les démissionnaires ont pris une décision en leur âmes et conscience et que le parti poursuivra son chemin sur la base de ses principes fondateurs. Il dit plutôt que le parti cherchera à faire revenir les démissionnaires sur leur décision et à les réintégrer à Qalb Tounes. Comme s’il s’agissait d’une dispute dans un mariage ou d’un différend familial.
Le parti présidé par Nabil Karoui n’est pas le premier à faire cette expérience. Nidaa Tounes avait vécu la même chose, et pourtant cela n’a pas servi de leçon à ses suivants. Nidaa Tounes aussi avait été construit autour de la personne de Béji Caïd Essebsi avec l’objectif d’en faire le président de la République et de contrer Ennahdha. Il n’y avait aucun principe commun, aucune fondation profonde, aucune valeur partagée. Les rares qui se sont aventurés à le dire lors de la création de ce parti, comme votre serviteur, ont été critiqués voire vilipendés et accusés de tous les maux. Pourtant, la suite des évènements n’a fait que confirmer ces craintes. A partir du moment où Béji Caïd Essebsi était président et que le consensus avec Ennahdha avait été entériné, Nidaa Tounes n’avait plus aucune raison d’exister. Et donc, le parti s’est effrité et a même réalisé la performance de commencer une mandature au pouvoir, et de la finir dans l’opposition. Le fait que Nabil Karoui ait été aux premières loges de ce triste spectacle n’a pas prémuni Qalb Tounes de tomber dans le même piège.
Aussi bien Qalb Tounes que Nidaa Tounes sont des partis à usage unique. Ils sont conçus pour répondre à une problématique instantanée, pour coller à une conjoncture et non pas sur un socle commun de valeurs et de principes étayés par une littérature partisane et par un travail de plaidoirie. Ceci en fait des coquilles politiquement vides qui comptent sur la sympathie et sur le marketing pour arriver au pouvoir ou au moins pour devenir des décideurs. Ce qu’ils ne voient pas venir, c’est que même en cas de réussite, le parti se casse quand même la gueule.



L'instrumentalisation politique ; comme vous dites, conçus pour un usage unique !
"Prendre la décision de démissionner d'un parti est une décision extrême" vous dites ; "Oui" et qui évoque de même la formidable capacité de "braves personnes" à retourner leurs vestes" !
Mais bon, cela n'est plus une surprise .... Nous savons tous déjà et depuis belle lurette, "à qui nous avons à faire" ... !
Mais cette fois ci c'est la corona qui provoque la coronaro
C'est le virus de Boujalgha qui attaque le coeur de Kalb Tounes
On ne pas bâtir un parti viable a long terme sans bases solides qui garantissent la cohésion du groupe autour d'un projet et d'idées et non pas seulement autour de leaders charismatiques
Attendons nous à d'autres surprises.
En attendant qu'ils apprennent le B-A-BA de la chose politique, tendons nos têtes à ces apprentis coiffeurs ...