La Chine a décidé de frapper là où ça fait mal. Alors que la guerre commerciale entre Pékin et Washington s’aggrave, les autorités chinoises ont annoncé ce week-end la suspension des exportations de certains minéraux de terres rares, essentiels aux industries mondiales de pointe, notamment l’automobile, l’aérospatiale et les semi-conducteurs. Une décision qui pourrait paralyser des chaînes de production entières dans les usines américaines et européennes.

Selon le New York Times, si les fabricants de Détroit et d’ailleurs venaient à manquer d’aimants en terres rares, ils seraient dans l’impossibilité d’assembler des moteurs électriques, avec des conséquences majeures pour l’industrie automobile. Ces composants sont également cruciaux pour l’industrie militaire américaine. Les douanes chinoises bloquent désormais ces exportations non seulement vers les États-Unis, mais aussi vers le Japon et l’Allemagne. Pékin détient un quasi-monopole dans ce domaine, avec près de 90% des 200.000 tonnes d’aimants en terres rares produites chaque année à l’échelle mondiale.

Cette contre-offensive chinoise intervient dans un climat de tensions exacerbées. Aux États-Unis, l’administration Trump a récemment imposé des surtaxes douanières allant jusqu’à 145% sur une vaste gamme de produits en provenance de Chine. Smartphones, ordinateurs et autres biens électroniques ont cependant été exemptés à la dernière minute, afin de ménager les consommateurs américains et les géants de la tech, tels qu’Apple et Dell. Ces exemptions couvrent plus de 20% des importations américaines depuis la Chine.

« Sans ce répit, l’industrie technologique américaine aurait reculé de dix ans », résume l’analyste Daniel Ives, de Wedbush Securities, pour qui ce revirement est « la meilleure nouvelle possible » pour les investisseurs. Les semi-conducteurs, cruciaux pour les technologies d’intelligence artificielle, sont eux aussi momentanément épargnés, mais Donald Trump a prévenu qu’ils pourraient être ciblés prochainement.

Ce changement de cap est loin de convaincre tout le monde. L’économiste Nouriel Roubini qualifie la politique douanière américaine d’« incohérente et improvisée », tandis que la Maison Blanche affirme que les entreprises concernées s’activent pour relocaliser leur production aux États-Unis.

Mais en parallèle, le président américain a infligé une nouvelle série de surtaxes à la Chine, en représailles à son refus de céder. Pékin a réagi en haussant ses propres droits de douane à 125% sur l’ensemble des produits américains, déclenchant un nouveau choc sur les marchés mondiaux.

Face à cette escalade, la Chine a porté plainte à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tout en se posant en défenseur des pays pauvres, qu’elle estime menacés par les politiques américaines. « Les mesures tarifaires des États-Unis provoquent le chaos », a déclaré le ministre chinois du Commerce Wang Wentao.

Alors que les deux premières puissances économiques du monde s’enfoncent dans un bras de fer aux répercussions planétaires, l’issue reste incertaine. Mais une chose est sûre : l’arme des métaux rares pourrait bien changer la donne.

R.B.H avec AFP