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Jamais de leur histoire, les avocats n’ont été aussi faibles
17/01/2024 | 12:30
6 min
Jamais de leur histoire, les avocats n’ont été aussi faibles

 

Alors qu’ils ont toujours eu leur mot à dire dans l’histoire politique et le militantisme pour les droits humains et universels, les avocats tunisiens se trouvent aujourd’hui dans une position des plus faibles. Leur Ordre fait le dos rond face au régime putschiste de Kaïs Saïed ne réagissant presque pas aux poursuites judiciaires, interdictions de voyage et incarcérations des plus illustres parmi eux.

 

Les avocats tunisiens ont, depuis toujours, la solide réputation d’être fortement politisés et réactifs quand il s’agit de défendre les droits universels, l’indépendance et les libertés.

Ils sont tellement forts qu’ils ont donné deux présidents de la République au pays (Habib Bourguiba et Béji Caïd Essebsi) et obtenu le Prix Nobel de la Paix en 2014 pour leur participation active et efficace à trouver une solution à la crise politique qu’a connue la Tunisie sous la troïka.

Ce temps-là semble révolu. Aujourd’hui, la profession se fait malmener par le régime et ne réagit que mollement pour protester contre les abus subis par ses pairs. Autrefois, la simple convocation judiciaire d’un avocat de renom suffisait à mobiliser toute la profession et à organiser des manifestations et des grèves, dès lors que la convocation a des relents politiques. Aujourd’hui, l’actuel bureau de l’Ordre des avocats se suffit d’un communiqué bateau.

Jamais dans l’histoire de Tunisie, pourtant, il n’y a eu autant de poursuites judiciaires, d’interdictions de voyage et d’incarcérations ciblant des avocats. Il ne s’agit pas d’ennuis liés à des affaires de droit commun, il s’agit d’affaires purement politiques ciblant des avocats reconnus pour leur militantisme pour les droits et les libertés ou parce qu’ils comptent, parmi leurs clients, des personnalités politiques. On ne parle pas de jeunes avocats en mal de publicité, mais d’illustres noms du barreau tunisien dont des bâtonniers parmi les plus respectés.

S’ils ne sont pas poursuivis, ils sont harcelés par le régime comme c’est le cas de Chawki Tabib, ancien bâtonnier, mis en résidence surveillée en 2021 sans aucune décision judiciaire et interdit de voyage en 2024, toujours sans décision judiciaire. 

Autre ancien bâtonnier harcelé, Abderrazak Kilani, incarcéré quelques semaines en mars 2022, parce qu’il a osé prendre la défense des personnalités politiques opposées au régime. Les deux subissent des trolls récurrents sur les réseaux sociaux lancés par des parties réputées proches du régime.

Les premiers avocats à être ciblés par ce régime sont ceux qui font de la politique et osent s’opposer à lui. Ainsi, ce sont quatre avocats qui sont actuellement en prison pour des raisons politiques, à savoir Abir Moussi, Ridha Belhaj, Ghazi Chaouachi et Noureddine Bhiri. Ils étaient six à un certain moment en incluant Seïf Eddine Makhlouf et Lazhar Akremi. Le premier est devenu silencieux, après son incarcération évitant désormais de parler politique ou de critiquer le régime. Le second, réputé nettement plus courageux et moins obéissant, a été réduit au silence par décision judiciaire qui lui interdit toute apparition publique. Le cas de Abir Moussi est encore plus parlant. Malgré l’incarcération, elle a continué à embarrasser le régime avec ses communiqués diffusés par l’intermédiaire de ses avocats. Pour la faire taire, le régime lui fait sortir des plaintes dormant dans les tiroirs depuis des mois. Ainsi, elle a appris cette semaine que l’Instance indépendante pour les élections (Isie) avait déposé deux plaintes contre elle sur la base du décret 54 et ce pour avoir mis en doute l’indépendance et l’intégrité de cette instance nommée par Kaïs Saïed. Son éminent avocat Béchir Ferchichi, un des plus illustres du barreau tunisien, s’est retrouvé lui aussi l’objet de poursuites lancées par le régime, après la découverte dans son cartable de lames de rasoirs et d’une clé prétendument ouvrant des menottes. Un autre avocat d’une célèbre personnalité politique incarcérée s’est trouvé interdit de voyage et l’objet de poursuites judiciaires.

Outre ces deux cas, on note également ceux de Ayachi Hammami, Dalila Ben Mbarek Msaddek et Islem Hamza, tous avocats de personnalités politiques et qui font l’objet de poursuites judiciaires pour des faits liés à l’exercice de leurs fonctions et la défense des droits et des libertés. Autre nature de poursuite concotée par le régime, le complot contre la sûreté de l'État dont sont victimes Bochra Bel Hadj Hmida, Ahmed Néjib Chebbi et Maya Ksouri. Refusant l'affront du régime, la première est allée prendre refuge à l'étranger. 

Après avoir pris pour cible les avocats-politiques et les avocats des politiques, le régime s’en prend depuis cette semaine aux avocats médiatiques. C’est le cas de Sonia Dahmani qui tient une chronique radiophonique sur IFM. Elle est poursuivie par la ministre de la Justice en personne, toujours en vertu du décret 54 liberticide. Comme Abir Moussi, Me Dahmani risque dix ans de prison, pour ses critiques désobligeantes, prétendument diffamatoires, à l’encontre du régime.

 

En dépit de ce grand nombre de poursuites, d’incarcérations et d’interdictions de voyage, l’Ordre des avocats observe un comportement prudent. Dans une autre époque, il aurait décrété une grève illimitée appelant à l’arrêt des intimidations ciblant ses adhérents. Il s’avère que le bâtonnier Hatem Mziou n’est pas de la trempe de Chawki Tabib, Béchir Essid, Abdessatar Ben Moussa, Mohamed Fadhel Mahfoudh ou Abderrazak Kilani.

Contrairement à ses illustres prédécesseurs, Me Mziou préfère s’éloigner de la politique et s’occuper des questions purement professionnelles liées à l’activité. Il rompt carrément une tradition pluri décennale d’activisme politique et de militantisme pour les droits et les libertés.

Suite à l’ensemble des intimidations politiques du régime, il s’est suffi de quelques communiqués de dénonciation et la désignation d’un membre pour représenter les avocats incarcérés ou poursuivis.

À vrai dire, la fragilisation de la profession n’a pas commencé avec Hatem Mziou. C’est son prédécesseur Brahim Bouderbala (2019-2022) qui, le premier, a montré patte blanche au régime.

Me Bouderbala a carrément tourné le dos à ses pairs pour soutenir mordicus Kaïs Saïed, son putsch et son programme. Reconnaissant, le régime a tout fait pour qu’il se présente aux élections législatives de 2022-2023 et devenir, ensuite, président de l’assemblée, bien que ce ne soit pas lui qui ait obtenu le plus grand nombre de voix au début.

Me Mziou est loin d’adopter la même politique que Me Bouderbala et n’affiche pas de soutien particulier à Kaïs Saïed. N’empêche, il est à des années lumières des bâtonniers qui ont résisté face aux différents régimes autocratiques depuis l’indépendance. Il a un style mou et cette mollesse a fragilisé l’ensemble de la corporation, particulièrement les avocats qui persistent à garder intact leur ADN de militantisme et de défense des droits et des libertés. Et ceci est une triste première dans l’histoire glorieuse des avocats tunisiens.

 

Raouf Ben Hédi

17/01/2024 | 12:30
6 min
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Commentaires
Juan
Bourguiba n'a jamais été avocat ...
a posté le 21-01-2024 à 13:59
vous avez vu sa photo en robe d'avocat. mais l'habit ne fait pas le moine.
qui a vu sa licence en droit ?
qui a vu son CAPA ( certificat aptitude profession avocat ) ?
certes, il a travaillé comme gratte papier chez un avocat à Tunis, mais il n'a jamais plaidé devant aucune juridiction.
il n'a jamais été avocat. just a wannabe !!
il vous a eu tous .... sauf moi.

Scribe TN
Mella ENTI !
a posté le à 16:30
Au lieu de propager des fake news, veuillez consulter le registre du barreau de Tunis (de 1930) ou posez vos questionnements (certes légitimes mais quelques peu ridicules et pas du tout innocents) à des avocats vétérans, qui vout informeront mieux quant à vos doutes.. car, voyez-vous, on pourra toujours dire que les documents ou son diplôme ont été falsifiés.. quand on est négationniste, on l'est jusqu'au bout !
Bourguiba avait une licence de droit, celle-ci lui permettait d'exercer après 3 années de stage, c'est durant ces 3 années où il avait eu le plus de problèmes.. Connaissant le personnage, travailler comme subordonné n'était pas son point fort, il était juste "indomptable".. ainsi, après avoir changé 3 fois de patronage, c'est chez Me Salah Farhat que Me Habib Bourguiba achève ses stages et devient avocat. Son bureau se trouvait à Bab Souika.
Encore faut-il préciser que la cour d'appel aux années 1930 se trouvait à Alger, ce qui rendait difficile le travail du jeune avocat.
Personne ne dit que Bourguiba était parfait, c'est tout d'abord un homme politique rusé et visionnaire (et "mangeur d'hommes politique", de ses adversaires) et qui est indiscutablement le père de la nation tunisienne indépendante, qu'il voulait modernisée. C'est un bilan mitigé qui s'en suit, et c'est seulement à des historiens neutres et indépendants de nous le faire découvrir.

P.S. c'est vrai qu'une photo et l'habit ne font pas le moine, cependant à l'époque y avait ni bal masqué ni soirées à thème, à New York peut-être, mais pas en Tunisie. C'est un petit monde, Tunis, où tout le monde connaissait tout le monde.
Scribe TN
Diviser pour régner
a posté le 18-01-2024 à 18:36
Le comble de la tragédie, c'est qu'en essayant de partager le gâteau de 2011, ces avocats largement politisés se sont mis à mener les guerres fratricides en fracassant à jamais cette entité longtemps unie dans la lutte contre la dictature..
Mr Danger n'a même pas eu besoin de les diviser, ils le se sont infligés eux-mêmes..
Alors, quel gâchis d'avoir une telle élite arriviste et irresponsable se moquant royalement de l'intérêt général du pays !
Hamza Nouira
Et bien...
a posté le 17-01-2024 à 23:38
Quand je vois la moyenne d'âge sur la photo des avocats alors je comprends mieux pourquoi nos jeunes sont aux chômage
Mansour Lahyani
Réponse à H. Nouira : il aurait fallu exterminer ces vieux croûtons...
a posté le à 09:13
Poour faire place nette aux jeunes !
Crow85
je jubile
a posté le 17-01-2024 à 23:13
Depuis Bourguiba, on ne voit que des avocats...et le phénomène s'est accentué depuis 2011...que des avocats parmi les députés, les présidents, toujours à s'exhiber sur les plateaux et dans les radios..Aucun d'eux n'a le charisme des avocats de renommée qu'ils soient américains, français...
toujours parlant un arabe incompréhensible, toujours se croyant plus intelligents (rappelons qu'il faut un 10 au bac pour étudier le droit..)..et comme par enchantement la plupart sont des islamistes notoires...un comble: un islamiste pour défendre les libertés
Je n'ai jamais entendu de leur part une proposition pour adoucir le code pénal et toutes les lois économiques ou sociales liberticides dans ce pays....c'est tout simplement un lobby qui a gangrené le pays...bien fait pour eux
SAHLI
@Crow85: Vous avez raison!
a posté le à 19:07
Jusqu'à aujourd'hui, la règle est la suivante : celui qui ne trouve rien à étudier ou qui a de trop mauvaises notes fera des études de droit. Et le plus beau, c'est que la chance de devenir avocat / juriste est proche de 100%. Et même le poste de président de la République (Bounguiba, Mbazza3, la Momie BCE, Sachafouna...) , leur sont réservé. A3tana Rabbi Kèn Elbassas Wè Khouh !


Tbarkallah 3liehum !
FALLAG
Ils n'ont absolument rien fait pour protéger la démocratie !
a posté le 17-01-2024 à 21:54
Quand les chars sont arrivés et ont bloqué l'accès à l´ARP, ils n'ont pas manifesté une minute contre la restauration de la dictature.
Un lecteur
Quelle ARP ?
a posté le à 01:32
Vous parlez de l'assemblée du cirque Amar menée par le grand charlatan en chef qui du haut de son perchoir faisait la pluie et le beau temps avec ses pare-chocs rouillés ?
Franchement cette Arp la elle nous manque franchement pas même si une autre dictature qui chasse celle de la secte et celle là plus brutale et insidieuse s'est installée'?'
FALLAG
Vous avez raison, mais c'était au moins une ébauche de démocratie.
a posté le à 18:46
Alors vous voyez l´ancienne ARP a été élue par plus que 50 % d´électeurs et on l´a remplacé par une ARP élue par 11 % qui n´a aucun pouvoir, n´est-ce pas ?

Tbarkallah 3linè !
Sami
Tempête
a posté le 17-01-2024 à 20:33
Qui sème le vent récolte la tempête. Ils ne doivent s'en prendre qu'à eux mêmes pour avoir tout fait pour faire capoter un processus démocratique certes imparfait ,certes plein de reproches mais un processus balbutiant qui ne demandait qu'à être cimenté pour grandir,pour se parfaire .quel gâchis ! Ceci dit j'espère qu'ils retrouveront tous la liberté
Zarzoumia
Oui
a posté le 17-01-2024 à 20:21
On estime la valeur des Hommes dans l'adversité. Il n'est pas donné à tout le monde d'être de la trempe des grands. Lorsque la dictature se déploie, les téméraires se font rares. On ne va pas blâmer cette corporation outre mesure quand on voit le comportement de l'UGTT, l'UTICA, les journalistes, les universitaires,........ l'élite d'une manière générale.
Rebel
La guerre semble perdue
a posté le 17-01-2024 à 14:49
Qui osé difier une Momie veille de plus de 3000 ans? Même les affamés n osent rien dire!!!
Guide de tourisme
Les lobbies
a posté le 17-01-2024 à 13:44
Lobbies lobbies lobbies
Ancien '?lu de la république française d'??origine tunisienne assil iRRiF
le peuple tunisien a compris vos magouilles et vos bla-bla-bla bla-bla-bla
a posté le 17-01-2024 à 13:06
Vous pouvez manifester le peuple tunisien n'a plus confiance à personne , Mrs les avocats et les avocates tunisiens et tunisiennes, je vous demande d'aller aider les écoles d'irrif, je demande à chaque avocat et avocates d'aller construire une classe dans des régions différentes de la Tunisie, la Tunisie m'a donné le passeport et la carte d'identité, j'ai financé une classe quelque part en Tunisie de A jusqu'à Z , si vous êtes vraiment courageux et honnête, je vous demande de faire autant , je n'ai jamais eu un bateau qui coute 2 millions d'euros, je pense l'avocat concerné, il peut faire mieux que mois mais en Tunisie nous avons la haine entre nous et la jalousie, les familles n'apprennent jamais à leurs enfants d'aider les autres, si quelqu'un dit le contraire je le défie
Cordialement assil iRRiF luid ETTABOUNA
veritas
La mafia du droit .
a posté le 17-01-2024 à 12:53
Toutes les mafias sont à terre grâce a saied espérons encore le pire pour toutes sortes de mafia en Tunisie.