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Chroniques
Le FMI n’impose pas de diktat, monsieur le président !
Par Marouen Achouri
11/12/2024 | 16:00
5 min
Le FMI n’impose pas de diktat, monsieur le président !

 

Le président de la République, Kaïs Saïed, a reçu, le 10 décembre, Ousmane Dione, vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Il s’agit du successeur du Tunisien Farid Belhaj. Le chef de l’État a profité de l’occasion pour réaffirmer son rejet des « diktats inacceptables » du Fonds monétaire international. Il s’agit là d’un élément constant du discours politique de Kaïs Saïed : nous refusons que le FMI nous impose des mesures et des restrictions susceptibles d’ébranler la paix sociale dans le seul but d’atteindre des équilibres financiers. Ce choix a été fait après que la Tunisie est parvenue à un staff level agreement avec les services du FMI en octobre 2022. C’est seulement à partir de ce moment que le leadership tunisien a tourné le dos à l’institution et entamé la politique consistant à « compter sur soi-même ».

 

Ce fut d’abord une belle feinte pour les soutiens et les porte-voix du régime. Quand le recours au FMI avait été critique sur la scène nationale, ils soutenaient mordicus que la Tunisie avait le droit de contracter un prêt auprès de l’institution puisqu’elle en fait partie. Ce recours était tout à fait justifié au vu de la situation de la Tunisie et était un passage obligé pour pouvoir obtenir d’autres financements extérieurs. Après le revirement du régime et son changement d’orientation, ce sont les mêmes qui ont diabolisé le FMI et salué, évidemment, le choix présidentiel. Subitement, le FMI est devenu une institution diabolique qui chercherait à porter atteinte à la stabilité sociale de la Tunisie en imposant, contre notre gré, des mesures difficiles concernant la compensation, les dépenses publiques, la masse salariale dans le secteur public et autres aspects vitaux.

L’idée selon laquelle le FMI serait l’un des bras institutionnels du capitalisme sauvage n’a rien d’original en soi. Cela a été dit et répété de par le monde. Les experts continueront probablement ce débat pendant des décennies sachant que le FMI en lui-même admet de plus en plus commettre certaines erreurs. Par exemple, l’institution de Bretton Woods avait admis, en 2013 sur la crise grecque, que le premier plan de sauvetage s’est traduit par des « échecs notables ». Mais pour en revenir à la situation de la Tunisie, il faut tout d’abord rappeler que c’est nous qui sommes allés toquer à la porte du FMI pour emprunter quelque 1,9 milliard de dollars. Comme toutes les banques du monde, le FMI a exprimé ses conditions pour accorder ce prêt à la Tunisie. A partir de là, les négociations peuvent débuter.

 

Maintenant, la question est de savoir si ces conditions sont assimilables à des diktats intransigeants ou pas. Prenons l’exemple de la masse salariale du secteur public en Tunisie. Le FMI souligne que le ratio masse salariale et PIB est bien trop élevé, dans le sens où les salaires du secteur public ont un poids conséquent rapportés à la production nationale. Certains ont interprété cette critique comme une volonté de la part du FMI de faire geler les salaires du secteur public, ce qui a ému notamment l’UGTT, qui est bien plus tranquille depuis. D’autres ont même imaginé que cela voulait dire que l’État allait virer des fonctionnaires. Mais très rares sont ceux qui ont soutenu qu’il fallait augmenter le dénominateur pour réduire le ratio. Il faut augmenter le PIB par la croissance pour que le poids de la masse salariale dans le public ne soit pas si conséquent.

Par ailleurs, ceux qui ont affirmé que le nombre de fonctionnaires en Tunisie était inférieur à la norme internationale et qu’au contraire, il faut recruter en plus à condition de mieux gérer ont été complétement inaudibles, même s’ils ont raison. Entre temps, l’État, qui a décidé de tourner le dos au FMI et de ne pas appliquer ses recommandations, le fait quand même. Par exemple, le programme de facilitation de la retraite anticipée et la compression des recrutements dans fonction publique sont toujours en vigueur. Donc on applique les « recettes » du FMI, sans avoir obtenu de prêt. La raison est simple : c’est du bon sens. Pareil pour la compensation, puisque le FMI dit qu’elle coûte trop cher à l’État tunisien. Essayer de trouver une solution au coût de cette prestation sociale est évoqué en Tunisie depuis des décennies, sans que personne n’ait la recette, ou le courage, de s’attaquer à ce problème. Le gouvernement tunisien, sous la houlette de Kaïs Saïed, a évoqué, à plusieurs reprises la nécessité de réguler la compensation et de trouver le moyen de la diriger vers ceux qui en ont réellement besoin. Mais apparemment ce n’est plus un sujet à la mode et le dossier a été remis au placard derrière le slogan pompeux de : on ne supprimera pas la compensation, quoi qu’il en coûte. Le problème c’est que personne n’a demandé cela.

 

Toutefois, le problème des finances publiques reste entier : si on refuse d’emprunter auprès du FMI, d’où est-ce qu’on ramènera l’argent nécessaire à l’État ? C’est là que l’on retrouve les soutiens et les porte-voix du régime évoqués plus haut et qui ne brillent pas par leur connaissance de la chose financière et économique. Ils ont très vite trouvé la solution : nous n’avons qu’à nous tourner à l’est et vers les pays du Brics. Nous avons entendu alors leurs élucubrations selon lesquelles grâce au positionnement stratégique de la Tunisie, la Chine, la Russie et autres étaient prêts à mettre la main à la poche et nous pourrions emprunter auprès d’eux plus d’argent qu’près du FMI et à de meilleures conditions. Le dirigeant d’un micro parti avait même parlé de 5000 milliards de dollars ! Inutile de préciser qu’il n’en fut rien.

L’État tunisien s’est alors tourné vers des prêts à des taux extravagants, dépassant les 10%, auprès d’institutions étrangères comme Afreximbank. Mais cela ne suffit pas à combler le déficit. Donc, l’État a siphonné les liquidités disponibles sur le marché monétaire et financier tunisien créant ainsi un effet d’éviction évident avec tout ce que cela comporte comme risques. L’État a également fait sauter un autre verrou : le ministère des Finances a fait voter, dans le cadre des Lois de finances 2024 et 2025, une autorisation « exceptionnelle » pour emprunter directement auprès de la Banque Centrale de Tunisie. Il s’agit de deux fois 7 milliards de dinars destinés au comblement du déficit budgétaire. Les experts économiques sérieux et crédibles ont été unanimes pour alerter contre le danger d’une telle mesure. Mais les soutiens et les porte-voix du régime sont toujours là pour justifier tous les choix. Ils nous répètent aujourd’hui qu’il ne doit pas exister d’institution indépendante de l’État et puis, de toute façon, l’indépendance de la Banque Centrale de Tunisie est en elle-même un choix imposé. Devinez par qui ? Le FMI bien sûr…

Par Marouen Achouri
11/12/2024 | 16:00
5 min
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Commentaires
Hassine
[Devinez par qui ? Le FMI bien sûr'?']
a posté le 16-12-2024 à 20:32
San blague BN
On triche à l'examen !?
et nous pensons que c'est mademoiselle on tinisia
juan
fonctionnaires inutiles ....
a posté le 12-12-2024 à 16:34
qui font semblant de travailler, et à qui on verse un semblant de salaire ....
Aouadi
Lisez stiglitz
a posté le 12-12-2024 à 13:27
L auteur devrait lire les ouvrages du prix nobel d economie joseph stiglitz avant de parler du fmi.
Cherif
Dictants à 100%
a posté le 12-12-2024 à 11:59
Les conditions du FMI sont de vrais diktats intransigeants prescrits par des bureaucrates politisés de cet organisme foireux !
*******
Messieurs
a posté le 12-12-2024 à 10:47
Vous savez pourquoi l'Algérie est forte aujourd'hui machallah parce qu'elle ne doit pas un centime pour ce maudit FMI. Ils essayent par tous les moyens à nuire à l'Algérie mais ils n'arriveront pas parce qu'elle n'est pas à leur merci.

Gg
BN est en forme!
a posté le 11-12-2024 à 20:08
Merci pour ce deuxième article très didactique, après celui de RBH.
On comprend beaucoup de choses de cette façon, merci
******
Hahahahahaha
a posté le à 10:07
Bien entendu hahahahahaha à qui peut-on faire plaisir ?

Atroce la vie
Défendre le FMI non non hahahahahaha
Bravooo KS z tout compris
DHEJ
Merci de l'avoir... le FMI ne dicte rien...
a posté le 11-12-2024 à 16:28
Mais en bon/mauvais conseiller, il constate les défaillances...


Du côté du gouvernement, des incompétents ne savant pas argumenter...


Par ailleurs, le FMI va-t-il copier le modèle du president à savoir l'économie communautaire.


Non le FMI n'impose pas de Diktat ya communautaire.