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Le bac en poche, ils partent voir ailleurs
03/07/2019 | 19:59
5 min
Le bac en poche, ils partent voir ailleurs

Le diplôme du baccalauréat en poche, une grande majorité de jeunes diplômés rêve de partir poursuivre ses études à l’étranger. La possibilité est ouverte à ceux qui ont les moyens – financiers et scolaires – de leurs ambitions. Certains choisissent de rester, alors que beaucoup d’autres partent, privant le pays d’une manne de cerveaux dont il a plus que jamais besoin.

 

« Je suis lauréat au bac et je ne pars pas » est le titre d’un texte très émouvant écrit par un jeune lauréat tunisien au bac 2019 et salué en masse sur la toile. Dans le texte, le jeune homme écrit : « ma moyenne au bac est 18.79, ce qui me donne le droit à une bourse d'études à l'étranger. J'ai décidé de rester et tout le monde est contre moi, mes parents en premier. Ils n'arrivent pas à comprendre comment je puisse rater cette chance, que je vais certainement regretter. Mon père est allé jusqu'à ne plus m'adresser la parole […] Oui je suis peut-être fou ! ». Il explique ainsi son geste en ces mots : « J'ai d'autres priorités que ceux qui me poussent à partir ne comprennent pas, et qui n'ont plus de sens pour la majorité. Quand je leur dis que j'aime mon pays, ils me regardent d'un air étrange s'ils ne se mettent pas à rire. […] Pourtant je suis très sérieux, je suis au summum de mon sérieux, j'aime mon pays, et je ne le quitterai pas ».

Très peu de gens peuvent tenir le même discours. Pas toujours par manque de patriotisme ou d’amour pour leur pays, mais parce que les conditions d’études, les débouchées et les postes offerts par la suite font vraiment réfléchir.

 

32% des bacheliers ont décroché le fameux sésame en cette session 2019, contre 30% l’année précédente. 131.210 élèves ont passé le bac cette année et 40.385 parmi eux ont été admis, d’après les statistiques fournies par le ministère de l’Education.

Les moyennes des lauréats crèvent le plafond. La meilleure moyenne à l’échelle nationale a été décrochée par Yassine Ktari, au lycée pilote de l’Ariana, avec un 19,77 dans la section mathématiques. Si lui n’a pas ouvertement manifesté sa volonté de poursuivre ses études à l’étranger, d’autres ont été très clairs à ce sujet. Emna Bennour, du lycée Bourguiba pilote de Tunis, lauréate de la section Technique avec une moyenne de 19,58 a affirmé vouloir poursuivre ses études universitaires en Allemagne. Hamdi Gafsi, lycée pilote de Monastir, 3ème sur le podium, lauréat de la section sciences expérimentales avec une moyenne de 19,53, évoque quant à lui sa volonté de poursuivre ses études à l’étranger « si une bonne opportunité se présentait ». Idem pour Dhia Nouri, lauréat de la section informatique (17,60) qui a exprimé sa volonté d’étudier l’ingénierie informatique à l’étranger.

Facultés de médecine, écoles d’ingénieurs, grandes écoles de commerce, management et autres branches prestigieuses sont visées par les lauréats.

Des bourses d’études sont proposées aux élèves les plus brillants pour les encourager à intégrer les grandes écoles françaises. Les étudiants tunisiens admis à des écoles très convoitées comme Polytechnique, l’Ecole Centrale, Ponts et Chaussées, HEC Paris et autres peuvent se voir offrir des bourses couvrant toute la durée de leur cursus. Très alléchant lorsqu’on connait les opportunités qu’un tel cursus peut offrir à l’étudiant qui le suit.

 

Pour les étudiants en médecine, des pays comme la France ou l’Allemagne permettent souvent d’offrir des choix de spécialité meilleurs, car plus accessibles, que ceux de la Tunisie. Si certains étudiants tunisiens en médecine commencent leur cursus dans leur pays, ils choisissent dans de nombreux cas de le finir à l’étranger.

Nombreux étudiants se plaignent souvent de la faiblesse du capital humain en médecine et du fait que les internes/résidents soient obligés d’accomplir une quantité de travail beaucoup trop éreintante pour le nombre de personnes présentes. Ils partent souvent finir leur spécialité dans les hôpitaux français.

D’après un reportage réalisé par France 3, fin 2018, sur l’exode des médecins tunisiens et intitulé « la France choisit ses médecins en Tunisie », pour de nombreux étudiants en faculté de médecine de Tunis, « même si la formation a toujours été bonne, les étudiants se tournent tous aujourd’hui vers l’Europe ».

 

Et ce n’est pas mieux du côté des ingénieurs. Le doyen de l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT), Oussama Khariji, avait indiqué, dans une déclaration à Business News, en avril dernier, que chaque année près de 3.000 ingénieurs quittent la Tunisie vers l’hexagone pour trouver du travail. Selon les statistiques de l’OIT, près de 10.000 ingénieurs tunisiens ont quitté le pays, durant ces 4 dernières années. Certaines spécialités sont en effet très demandées en France comme l’informatique et les différences de salaire – allant du double au triple - font que certains ingénieurs ne se posent pas la question très longtemps avant de décider de quitter leur pays.

 

En plus de la France ou de l’Allemagne, qui figurent en tête de liste des pays d’accueil, les étudiants tunisiens se tournent aussi vers la Roumanie, le Canada, l’Italie, l’Ukraine ou les USA.

Certains affirment partir pour s’installer, faire leur vie et ne jamais revenir, ayant l'impression que leur pays leur dit « d'aller voir ailleurs ». D’autres nourrissent le rêve de revenir un jour pour travailler et finir leur carrière dans leur pays. Oui, mais à quel prix ?

 

Synda Tajine

 

03/07/2019 | 19:59
5 min
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Commentaires (15)

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rz
| 18-07-2019 14:16
Mais aujourd'hui et après avoir cassé methotiquement la classe moyenne moteur de l'économie en Tunisie( ghannouchi n'est pas étranger à cette sape), je pose la question: qui a les moyens de payer des études à ses enfants pour échapper à l'enfers du chômage une fois ils ont décroché le diplômé après avoir subit tant de soufrance et de privation.
Tous gouvernants actuels n'ont en tête ni les sacrifices des parents ni la soufrance de ces jeunes qui aspirent à une sortie de secours qu'ils ne trouvent pas.

Tunisino
| 04-07-2019 15:05
Ce problème est de 63 ans. Pourquoi? Parce qu'on est francophone et on n'a pas le droit à la planification stratégique. Ce n'est pas la faute de la France, mais c'est la faute de ceux qui ont gouverné ce pays avec une vision étroite, qui ne prévoit que le court terme. Une machine éducative pour identifier les bonnes têtes afin de les écarter des responsabilités, sous le prétexte qu'elles sont trop intelligentes pour obéir les ordres des politiciens. Ces politiciens qui sont les produits les plus faibles de la machine éducative. Comment un pays puisse réussir avec des faibles qui ne veulent pas exploiter des forts? A nos jours, la machine éducative n'est plus la même, les bonnes têtes sont bousillées, et on risque que tout le monde sera faible, de naissance ou de formation, pour ne plus avoir les moyens humains pour mettre ce pays sur les bons rails.

Mahmoud
| 04-07-2019 14:14
Salem,
je parle d'experience, sur la Tunisie, l'Algerie, la Mauritanie, et un peu le Mali.

les Ingenieurs Africains avec qui j'ai le plaisir de collaborer, soit en direct sur des projets, soit en leurs donnant des formations/suivies, me disent que leurs problemes n'est pas le poste en lui meme, ni le salaire, mais l'encadrement.

plusieurs dirigeants Africains m'ont affirme la vericite du sentiments de leurs collaborateurs, et comprennent leurs desarois.
ces memes dirigeants me confirment qu'ils connaissent ce probleme, mais ils n'ont pas les moyens (manques de temps) d'y remedier.

je peux confirme, et je pese mes mots, que le probleme de l'encadrement existe ici en France.

ne mettant pas tout le poids du depart vers l'ailleurs sur le dos des jeunes cadres + ou - fraichement diplome. les dirigeants sont aussi pour grandes choses

Bil Tawfiq a Tous
Mahmoud
ENIT-93

Ghazi
| 04-07-2019 12:22
Bonjour les amis.

'?a me rappelle les échanges et les analyses des années 2011-2012.., on a même crée notre propre gouvernement à cette époque, vous vous rappelez ?

@DHEJ : Docteur, rassurez-vous, leur fin a sonné. C'est une question de formalités. Ken jet eddinya denya et en principe, vous devez être le ministre de la justice.
@Hatem, mon cher ami, cette fois-ci on fera en sorte qu'il fera bon à vivre en Tunisie, c'est tout ce que je peux dire pour le moment.
Bien à vous et à bientôt.

observator
| 04-07-2019 11:06
Qui est responsable de cette situation.
Dans un univers corrompu la compétence et le travail ne valent plus rien.
Donc logique que les meilleurs éléments vont aller là ou ils peuvent exercer leur talent et s'épanouir dans leurs études ou travail .
C'est une grosse perte pour le pays qui a financé au moins une partie de leurs études mais que voulez vous on ne peut pas les blâmer car en restant , dans un tel système, ils risquent le placard et donc leurs compétences ne serviraient plus à rien. Au moins en émigrant, ils trouveront un cadre professionnel qui leur permettra d etre plus utiles et ramèneront des devises au pays qui profiteraient avant tout aux mafieux contrôlant le pays.
Donc cette politique de vider le pays de ses meilleurs éléments est voulue et appliquée par tous ces corrompus qui ont mis la main sur ce pays.
Notre pays continuera à s'appauvrir d'avantage, la médiocrité prendra de plus en plus de l'ampleur à moins que...
Le salut viendra, peut-être, d un sursaut des vrais patriotes anonymes de ce pays, en particulier et du peuple tunisien en général .
Si on arrive à dégager tous ces clans mafieux qui forment ce système pourri et qui bloquent tout véritable changement qualitatif dans ce pays peut-être que là on donnerait une raison à nos meilleurs enfants d y rester.

Citoyen de Tunisie
| 04-07-2019 11:02
Oui, la Tunisie est belle, la plus belle et elle mérite cet amour fou.
Ce bachelier n'est pas fou mais il fait partie de la minorité qui croit dur comme fer, que la vraie réussite est de réussir chez soi. Je partage et valide la folie de ce jeune bachelier, ce jeune génie avec cette extraordinaire moyenne.
Ce jeune pourrait s'inscrire dans n'importe quelle université et avoir des mentions chez nous.
Oui, bien sûr, évidemment, une bourse à l'étranger c'est quelque chose, c'est une opportunité pour les âmes sensibles, pour ceux qui choisissent le chemin le plus court; mais est-ce qu'un parent a pensé à la vie en Europe, est-ce qu'un parent à l'expérience de vivre à l'étranger en ce 21ème siècle !!
Aucun bien sûr, le souhait des parents c'est que leurs enfants foutent me camp de ce pays pris en otage par les nahdhaouis et quelque part, ils ont raison.
Mais vivre à l'étranger, peut s'avérer un fiasco avec cette montée de la droite bornée et tellement raciste.
Le vrai bonheur est de réussir chez soi, d'être laréat chez soi, de passer ses soutenances en présence de sa famille et ami(e)s et non chez d'autres qui n'ont pour but que de profiter de nous, de nous exploiter et si on n'entre pas dans leur moule, ils nous accuseront de na pas avoir réussi cette "intégration" telle qu'ils la voient et l'imaginent.

zamharir
| 04-07-2019 11:01
Lorsqu'ils sortent de l'université, diplôme en poche, les étudiants américains ont en moyenne une "ardoise" de 35 000 dollars empruntés aux banques, qu'ils doivent rembourser coûte que coûte avant de prétendre jouir de la totalité de leur salaire. L'étudiant tunisien, formé aux frais de l'état du primaire jusqu'à la fin de l'université, peut quant à lui quitter le pays, son diplôme en poche, sans rien rembourser de son dû à la Nation sous quel forme que ce soit. Ce scandale perdure depuis des décennies. La Tunisie finance ainsi les pays d'accueil à un niveau supérieur à celui des "aides" qui lui sont octroyées. Ce flux invisible -- parce que ne figurant comme tel dans aucune comptabilité nationale -- entretient la spirale infernale de sous-développement et de pauvreté. Une réflexion de bon sens commande que les autorités, se préoccupant en fin du long terme, posent un jour que l'enseignement gratuit ayant été instauré pour fournir des cadres au pays et élever son niveau culturel et scientifique, un diplômé qui décide de déserter son pays doit rembourser jusqu'au dernier millime le coût de sa formation. Il faudrait peut-être même envisager d'imposer une période de "service national" obligatoire (cinq ans par exemple) à tout diplômé avant de lui rendre sa liberté de mouvement. Dans la pratique, il ne pourra pas retirer son attestation de réussite ou son diplôme avant d'avoir satisfait à son obligation nationale. D'autres modalités de remboursement pourraient être envisagées. Il est certain que les pays bénéficiaires de cette manne sous forme de diplômés prêts à l'emploi sans qu'ils aient eu bourse à délier pour les former, vont ruer dans les brancards en invoquant notamment la liberté de circulation et les droits de l'homme, mais il faudrait savoir s'y opposer en invoquant fermement l'intérêt national, ou exiger des pays d'accueil de prendre eux mêmes en charge les frais de formation des diplômés qu'ils reçoivent.

Dr2H
| 04-07-2019 06:09
Je pense que c'est la peur de partir et de quitter la famille que le Jeune l'a voulu exprimer en patriotisme. Dans tout les cas, sa moyenne montre qu'il est brillant et le fait de ne pas profiter de cette opportunité est une FAUTE HUMAINE MONUMENTALE, meme s'il deviendra un jour le Médecin le plus brillant du bled, il lui manquera quand meme le Savoir-Faire apprit dans des pays industrialises. La culture, la qualité de l'education, sont très important dans la construction d'un future bon professionnel.

Roger Rabitt
| 03-07-2019 22:42
Nombre de tunisiens residents en Tunisie n ont pas l occasion de connaitre le monde reel Europe Asie Ameriques

Le differentiel de niveau de civilisation est devenu enorme au fil non rattrapable peut etrei
Si par eexemple on compare une metropole telle que Londres a Tunis il s agit de deux mondes differents a un point tel que l on ne croirait pas sur la meme planete

Au dela des infrastructures et des caracteristiques urbaines c surtout les diffrences en termes de niveau de conscience qui sont hallucinantes inconcevables
tres clairement la Tunisie a progressivement cesse d etre un pays civilise depuis le debut des annees 90

L alienation des mentalites et modes de vie suite a l effet conjugue de la dictature benaliste et de l exode rural anarchique est bien sur durable
Les consequences en termes d imbecilite crasse d ignorance collective d aggressivite et de faineantise ne peuvent constituer un cadre propice a l intelligence et a la creativite

Il ne faut donc pas blamer ces laureats d esperer et de vouloir vivre une vie epanouie et valorisante

DHEJ
| 03-07-2019 21:20
La Tunisie partira en miettes!