La Tunisie baigne-t-elle dans la plus grande réserve d'eau du monde ?

La page « Tunimedia Net » sur Facebook a fait circuler depuis le 26 mars 2023, une publication concerant un grand réservoir d’eau situé entre la Tunisie, la Libye et l’Algérie. La publication qui a fait 1.4 K partages et plus que 200 commentaires, prétend qu’il s’agit du plus grand réservoir d'eau du monde, et affirme que la zone permet de construire de nouvelles villes.
La page cite une thèse de doctorat soutenue par Marie-Louise Vogt à l'Université suisse de Neuchâtel en 2019, qui affirmait que « sous ce désert, se cache une nappe phréatique géante qui alimente les oasis. Il y a 15.000 ans, le désert était une zone verte recouverte de très grands lacs ».
« Dans tous les cas, le réservoir d'eau qui unit ces trois pays a une superficie de centaines de milliers de kilomètres carrés », ajoute la publication.
Au cours de nos recherches, nous avons trouvé que le réservoir existe bien entre ces trois pays comme le mentionne la publication, mais il ne s’agit pas du plus grand réservoir d’eau dans le monde. Le lac Baïkal, qui se trouve dans le sud de la Sibérie, est le plus grand réservoir naturel d'eau douce liquide au monde avec 23.000 milliards de mètres cubes d'eau, comme l’indique le centre d’information sur l’eau. En terme de ressources d’eau renouvelables, il y aussi le Brésil qui détient le plus grand volume de ressources renouvelables en eau douce, qui peuvent atteindre environ 8.647 Km3 par an, on trouve aussi les États-Unis qui possèdent environ 3.069 Km3 de ressources renouvelables par an.
Par ailleurs, nous avons trouvé une interview de Marie-Louise Vogt, docteure au Centre d’hydrogéologie et de géothermie de l’Université de Neuchâtel (CHYN), à la radio Suisse où elle parle de son étude sur les indications et l’alimentation en eau douce des oasis du Sahara. Selon Marie-Louise Vogt : « le Sahara était vert, recouvert de lacs de grandes dimensions à des époques situées entre 50.000 et 4.000 ans avant nous, soit entre le Pléistocène et l’Holocène… Le climat a permis l’accumulation d’immenses réserves d’eaux dites fossiles », explique la chercheuse.
La Tunisie, l’Algérie et la Lybie se trouvent bien sur un bassin de réserve d’eau souterraine, il s’agit d’un « aquifère » (eau contenue dans les roches), qui s'est traduit par l'établissement d'un Système aquifère du Sahara nord-occidental « SASS ». Ce projet s'étend sur une superficie totale d'un million de km2. C’est un système aquifère transfrontalier partagé par l’Algérie (700.000 km2), la Libye (250.000 km2) et la Tunisie ( 80.000 km2 ). Les réserves en eau du bassin sont estimées à 60.000 milliards de m3 répartis sur deux superposés aquifères : le continental intercalaire (CI), dont la profondeur atteint 3.000 m dans certaines zones, et le complexe terminal (TC), d'une profondeur comprise entre 300 et 500 m.
: Ministère de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche
Selon l'observateur du Sahara et du Sahel, la recharge annuelle de l'aquifère s'élève à un milliards de m3 et les prélèvements estimés sont passés de 0,6 milliard de m3 par an, au début des années 1970, à 2,7 milliards de m3 par an en 2012. En 50 ans, l'exploitation des ressources en eau du SASS a quintuplé et a plongé le bassin dans un état de surexploitation qui dépassait le seuil début des années 1980. Ces réserves en eaux sont utilisées principalement dans l’agriculture, l’irrigation des oasis, l’alimentation en eau des villes et les industries.
Source : Hayet ben Mansour -Ministère de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche
Cependant le SASS s’est trouvé face à plusieurs challenges, le premier est dû aux réserves d’eaux qui ne se renouvellent pas fréquemment, et le deuxième du fait que l’eau n’est pas totalement utilisable. Il s’agit donc d’une ressource naturelle non –renouvelable avec une exploitation minière.
En plus l'exploitation de cette eau s’est trouvée devant des risques qui concernent la salinisation des eaux, la disparition de l’artésianisme, le tarissement des exutoires et les hauteurs de pompage excessives.
Il existe des ressources communes en eaux de surface et souterraines entre la Tunisie et ses voisins mais ce bassin transfrontalier n’est pas la plus grande réserve d’eaux dans le monde comme le prétend la publication. Ainsi il y a des :
Eaux de surface : La Tunisie et l'Algérie partagent les eaux de nombreux fleuves transfrontaliers, en particulier le fleuve Medjerda, qui représente 37 % des eaux de surface de la Tunisie et 22 % de ses ressources en eau renouvelables. Afin d'améliorer l'accès à cette ressource partagée, les gouvernements des deux pays ont mis en place un comité technique conjoint pour planifier et gérer les ressources en eau, échanger des informations et gérer les données, y compris la surveillance de l'utilisation de l'eau, de la pollution et des conditions environnementales.
Il existe 25 nappes sur la frontière Tuniso–Algérienne, dont entre 14 nappes phréatiques et 11 nappes profondes. Elles se trouvent dans les gouvernorats de Jendouba, Kef, Kasserine, Gafsa et Tozeur
Eaux souterraines : Le système aquifère du désert du Sahara du nord-ouest couvre plus d'un million de kilomètres carrés, dont 700 000 en Algérie, 80 000 en Tunisie et 250 000 en Libye.
Les trois pays qui participent au système ont travaillé conjointement pour évaluer leurs ressources en eau et permettre leur gestion et leur exploitation efficaces et durables. Une première étude a été menée de 1999 à 2002, dans les limites naturelles du bassin, et il n'était approuvé qu'au niveau national ou dans le cadre de relations bilatérales collaborations. Les premiers résultats ont permis une nette amélioration des connaissances hydrauliques du système aquifère, qui se traduit par la création d'une base de données commune regroupant environ 9000 points d'eau et le développement d'un modèle de gestion hydraulique pour évaluer les impacts de l'eau. En 2006, les trois pays concernés ont réussi à mettre en place un cadre de gestion commun, le mécanisme de concertation qui avait pour mission la mise en œuvre d'une politique concertée de gestion durable des eaux souterraines à l'échelle du bassin.
R.A
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Cependant il y a lieu de ne pas confondre une nappe phréatique qui se trouve à quelques dizaines de mètres de la surface terrestre en rapportvavec les nuages, et d'un gisement de pétrole qui généralement se trouve à plusieurs centaines de mètres du sol voire des kms et plus exactement lors des ères géologiques très anciennes ( secondaire et tertiaire) et de surcroît il est indispensable de prime abord qu'il y est des pièges par la présence de l'argile. ..
Les cartes géologiques sont un élément depuis consultées auparavant dans ce contexte.
Donc il faut en finir avec ces propagandes de cirque.
Il n'y a que le travail qui est capable de vous sortir de votre misère. Nous sommes devenus des mendiants sans honneur, mais quelle honte.
La configuration géologique et les nappes phréatiques évoquées vont de la Mauritanie à la Lybie en passant par le sud tunisien, ce qui suggère que des gisements doivent obligatoirement "roupiller" sous nos pied.
Sans verser dans la paranoïa, ça n'a pas beaucoup de sens et on devrait avoir et trouver une part substantielle d'hydrocarbures et de gaz qui est peut être considérée comme "réserve" par les grandes multinationales qui opèrent de part le monde.
Kaïs Saïd devrait soulever cette question un peu plus profondément et agir de façon à reprendre les anciennes campagnes de prospection qui n'auraient soit rien donné ou peu donné par le passé...
Rien de nouveau.
D'ailleurs elle a été exploitée pour l'agriculture au gouvernorat de Tozeur vers 1995.
Le taux de salinité est réciproquement peu élevé.