La politique de l'autruche de la BCT
Si les résultats de la conjoncture des deux premiers mois de 2017 sont calamiteux. C’est le gouvernement qui en est seul responsable. La Banque centrale n’y est pour rien. Ah bon ?
La récente publication par la Banque centrale de Tunisie (BCT) de sa note de conjoncture, « Evolutions économiques et monétaires » traduit une réelle inquiétude de l’institut d’émission sur les perspectives de l’économie tunisienne durant l’année 2017.
L’économie réelle ne donne pas franchement de signes solides de reprise, au mieux quelques frémissements émanant de certains secteurs d’activité tels que l’agriculture, le tourisme ou le secteur minier, dont on connait par ailleurs l’extrême sensibilité aux moindres chocs. Le secteur industriel manufacturier souffre, quant à lui, le martyr et ses perspectives sont également loin d’être rassurantes. Les intentions d’investissement déclarées auprès de l’Agence de promotion de l’investissement et de l’innovation (APII) durant les 2 mois de 2017 affichent un recul de plus de 30% par rapport à la même période de 2016. A cet égard, il ne faudra pas trop compter sur la nouvelle législation de l’investissement pour espérer un renversement de cette tendance compte tenu du lourd tribut fiscal et social que consentiront les entreprises (contribution fiscale supplémentaire de 7,5% des bénéfices et augmentation des salaires) cette année. Du côté des exportations, les signaux sont alarmants. A prix constants, nos exportations ont marqué une baisse de presque 5%, durant les deux premiers mois de l’année 2017 alors qu’au niveau des importations, on est en présence d’une hausse de plus de 9%. Les pertes de part de marché au double niveau extérieur et intérieur sont significatives. Elles éclairent amplement sur la détérioration de la compétitivité du produit national. Et plus encore, sur les pressions que subissent les paiements extérieurs. Durant les 2 premiers mois de 2017, le déficit de la balance commerciale dépasse les 2,5 milliards de dinars contre environ 1,35 milliard au cours de la même période de 2016. Les recettes touristiques ont enregistré une baisse de 2,1% durant la même période et la balance des services a continué de dégager un solde déficitaire pour la deuxième année consécutive. Maigre consolation, les revenus de travail ont connu en revanche une légère hausse de 1,1%, par rapport aux deux premiers mois de 2016. Résultat : « le déficit courant a atteint 2,1 milliards de dinars, soit environ 2,1% du PIB, au cours des deux premiers mois de 2017, contre 890 MDT et 1% du PIB une année auparavant », indique la note de la BCT.
L’institut d’émission ne se suffit pas de ces seuls indicateurs. Il enfonce carrément le clou en faisant étalage de la dégradation des finances enregistrée à la fin de 2016. « L’examen des résultats provisoires de l’exécution du budget de l’Etat de 2016, fait apparaître un creusement du déficit budgétaire à 6% du PIB contre 3,9% du PIB prévus par la loi de finances 2016 et 4,8% du PIB en 2015 », remarque la BCT. Il est vrai que le déficit est inquiétant. Cependant, les comparaisons établies avec les estimations de loi de finances 2016 et encore plus avec les résultats budgétaires de l’année 2015 ne sont nullement pertinentes. Il aurait été plus judicieux de comparer les résultats budgétaires de 2016 par rapport à la loi de finances complémentaires qui a fixé le déficit budgétaire à 5,7% du PIB. D’autre part, le rapprochement avec les résultats de 2015 peut être sujet à des réserves compte tenu de la conjoncture économique de l’une et de l’autre année et de leurs incidences budgétaires respectives en termes de recettes et de dépenses.
Au moment où le gouvernement prépare la revue-programme avec le FMI afin de pouvoir décaisser les tranches, en stand-by, du prêt de 2,7 milliards de dinars accordé par le Fonds dans le cadre du mécanisme élargi de crédit, voilà que la BCT semble suggérer que si les objectifs quantitatifs fixés par l’accord de crédit ne sont pas atteints ou, tout au moins, partiellement atteints, cela est de la seule responsabilité du gouvernement. Pourtant, l’institut d’émission aurait bien des puces à secouer. Sa politique de refinancement a pris ses derniers temps une folle allure. On pouvait la comprendre dès lors qu’elle visait à dynamiser l’investissement. On pouvait fermer les yeux lorsqu’elle servait implicitement à financer les besoins budgétaires du gouvernement. Mais on ne la comprend plus lorsqu’elle servira à financer les besoins des entreprises pour qu’elles s’acquittent de la contribution fiscale exceptionnelle de 7,5%, comme cela semble être le cas. Là, on ne peut plus parler de politique monétaire prudente, ni de « pressions inflationnistes non significatives d’origine monétaire ». Il n’est qu’à constater les raisons des pressions à la dépréciation du taux de change du dinar, pour comprendre.