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Chroniques
Et pendant ce temps-là, on mine la cour constitutionnelle !
Par Marouen Achouri
08/07/2020 | 15:59
3 min
Et pendant ce temps-là, on mine la cour constitutionnelle !

 

La cour constitutionnelle est une instance qui aurait dû voir le jour dans un délai d’un an après les élections de 2014. C’est ce qu’exige la constitution. Toutefois, il n’en est rien, jusqu’à ce jour. Tout est bloqué au niveau du Parlement, qui doit élire quatre membres, pour ensuite passer la main au président de la République qui en nomme quatre autres, et puis c’est le conseil supérieur de la magistrature qui clôt le bal en nommant les quatre derniers membres. 

 

Le Parlement tunisien, dans sa fournée 2019, a présenté des candidats à cette cour. C’est le 6 juillet que la commission chargée des élections a fini le tri des candidatures. Deux enseignements sautent aux yeux : personne n’a proposé de femme, et aucun constitutionnaliste dans le lot ! Ils auront décidé d’être décevants en tous points, même pour présenter des candidatures.

La cour constitutionnelle est l’instance qui va faire la lecture de la « meilleure constitution du monde » et qui va, par conséquent, poser les bases de la jurisprudence. Les parlementaires n’ont pas jugé utile de faire appel à des Sana Ben Achour, Sadok Belaïd ou Slim Laghmani. Pour Ennahdha, la cour constitutionnelle est un bon endroit pour placer Mohamed Bouzghiba, un spécialiste des sciences théologiques islamiques. Ce charmant monsieur considère que l’égalité de l’héritage et l’ensemble des travaux de la Colibe entrent dans le cadre d’un agenda politique étranger. Il est également intransigeant sur le port du voile, qu’il considère comme une obligation religieuse. Donc, il n’y a pas grand suspense sur l’interprétation que pourrait faire M. Bouzghiba de l’article premier de la constitution par exemple.

 

Pour Qalb Tounes et Al Mostakbal, le choix s’est porté sur Mohamed Adel Kaanich. Ce dernier s’était ému de la proposition de la Colibe de supprimer la possibilité pour le violeur d’épouser sa victime et de mettre ainsi fin aux poursuites judiciaires. M. Kaanich estime la famille, dont la fille a été violée, ne pourra plus étouffer le scandale et ne pourra sans doute plus marier la fille en question ! Des partis se disant progressistes tentent dont de placer un conservateur rétrograde à la cour constitutionnelle. Ce n’est pas étonnant venant du bloc parlementaire dont l’un des membres les plus bruyants avait dit que Rached Ghannouchi était « l’aîné de la famille ». Et dire qu’il y a des gens qui ont voté en faveur du parti de Nabil Karoui pour contrer les islamistes !

Ce sont là les deux cas les plus flagrants d’inadéquation- pour être gentil- entre les profils proposés et l’importance de la cour constitutionnelle. L’examen des autres candidatures révèle, de manière générale, une certaine faiblesse au niveau des compétences. Il ne s’agit pas de personnes qui ont imposé leur empreinte dans le domaine du droit en Tunisie. Il ne s’agit ni de ténors du barreau, ni de chercheurs chevronnés. En gros, ce sont des cursus assez classiques, à une ou deux exceptions près, alors qu’aux Etats-Unis, par exemple, faire partie de la cour suprême est la consécration d’une vie dédiée à la pratique et à l’étude du droit.

 

En Tunisie, la mise en place de la cour constitutionnelle obéit à une logique politicienne et nos élus n’ont pas eu la grandeur d’esprit nécessaire pour mettre leurs querelles de côté et privilégier l’intérêt général. C’est cette logique qui a entravé la mise en place de la cour pendant des années en violation de la constitution. Si elle reste présente, elle risque de continuer à l’entraver lors des votes finaux et le dossier de la cour constitutionnelle sera, encore une fois, remis dans son tiroir en attendant des jours meilleurs.

Si jamais les élus de la nation arrivent à trouver un accord sur les trois membres restants, et s’ils arrivent à rassembler les 145 voix nécessaires pour l’élection de chaque membre, c’est le président de la République, Kaïs Saïed, qui prendra la main pour nommer quatre membres. Espérons qu’il aura la sagesse de rééquilibrer cette composition en termes de genre, de compétence et d’orientation politique. L’importance cruciale de la cour constitutionnelle n’est plus à démontrer et son avènement permettra, au moins, de nous épargner les lectures fantasques qui sont parfois faites de la constitution. Mais pour arriver à cela, le chemin est encore long, et il pourrait s’arrêter au niveau de l’Assemblée, encore une fois.

Par Marouen Achouri
08/07/2020 | 15:59
3 min
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Commentaires
Kol
@A4: best comment ever!
a posté le 09-07-2020 à 08:20
CQFD
Lol
Alya
Au stade où sommes arrivés?
a posté le 08-07-2020 à 23:34
Aujourdhui j ai écouté l interwieu d un député d un parti progressiste pour lequel j a vais vote au premier tour des présidentielles puis logiquement aux législatives.Il a commencé par dire que tout ce qui est arrivé à Fakh2 est directement lié à nahdha!!!JE VOUDRAIS LUI DIRE QUE PLEIN DE TUNISIENS SONT RESTES CLEAN PENDANT LES ANNEES BENALI ET DEPUIS L ARRIVEE D ENNAHDHA.IL A SURTOUT CONCLU QU ON N AVAIT INTERET A REFAIRE LES ELECTIONS CAR ON AURAIT PIRE!
A4
Monsieur De La Palice a dit:
a posté le 08-07-2020 à 18:35
Une république bananière n'a pas besoin d'une cour constitutionnelle !!!
Nous avons déjà la cour des miracles au Bardo ...
Gg
Tout cela est une vaste supercherie
a posté le 08-07-2020 à 17:37
De toutes façons la Constitution est truffée d'articles contradictoires qui rendraient une Cour Constitutionnelle totalement inefficace. Même une Cour honnête ne pourrait rien avec cette Constitution. C'est bien ce que veulent les islamistes!
Pauvre pays, on commence à parler de crise humanitaire...
OUA
Une grosse démontration populaire serait le dernier recours!
a posté le 08-07-2020 à 17:08
Les démocrates tunisiens doivent organiser une manifestation au Bardo et exiger l'élection d'une cour constitutionnelle.