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De Dream city à la Cité de la culture : À la recherche de la cité perdue
08/11/2015 | 11:26
4 min
De Dream city à la Cité de la culture : À la recherche de la cité perdue

Par Soumaya Gharsallah-Hizem*


 

 

La médina de Tunis vit en ce moment au rythme de Dream city. Cet événement qui a su s’ancrer dans le paysage culturel et artistique tunisien draine à chaque édition un large public en lui offrant des expériences de visite passionnantes dans la médina de Tunis. En arpentant les ruelles, on découvre des créations artistiques dans des lieux souvent insolites et improbables, des monuments historiques pour la plupart qui ne sont pas forcément ouverts au public. Une belle manière de redonner vie à la médina et de faire connaître ses trésors architecturaux tout en familiarisant le public, local en particulier, à l’art contemporain.

 

Dans une cité menacée et en danger comme la médina de Tunis, cet événement, assimilable à un beau rêve, nous donne une lueur d’espoir quant à l’avenir de l’art en Tunisie. Cet espoir est d’autant plus grand qu’il est porté par des jeunes, des bénévoles et par la société civile.

 

Mais l’euphorie que provoque en moi des événements comme Dream city ne m’empêche pas de penser à une autre cité qui est loin d’être une cité de rêve mais plutôt une cité de cauchemars et d’espoir perdu, à savoir la Cité de la culture. Les deux cités, l’une métaphorique et radieuse, l’autre fantôme et macabre, ont pourtant plusieurs traits en commun : Les deux sont faites pour stimuler la création artistique et promouvoir l’art et la culture dans notre pays.Toutes deux ambitionnent d’être des véritables fabriques artistiques, toutes deux sont faites pour les Tunisiens pour les aider à comprendre et à aimer l’art.

 

Mais elles sont aussi complètement antagonistes : alors que Dream city est le produit d’une vision avant-gardiste pour l’art et les pratiques artistiques, qui adopte une démarche participative impliquant le citoyen lambda pour lui faire aimer l’art, sa médina et sa Tunisie, la Cité de la culture, elle, est le produit d’une vision archaïque de la culture, une vision qui reflète les vices de notre administration.

 

Dream city exerce un magnétisme qui nous attire vers l’art qui nous fait aimer la médina et son architecture. La Cité de la culture avec son architecture lugubre, ses airs staliniens nous repousse.

A Dream city, la médina devient une cité idéale, habitée par des citoyens modèles, amoureux de leurs espaces, fiers de leur identité, de leur culture, qu’ils sont prêts à partager avec autrui. L’autre cité, le futur « haut lieu de la culture », est le théâtre de toutes les corruptions. Elle  a dévoré un budget colossal obtenu grâce à un prêt qui sera remboursé sur le dos du peuple et elle n’est pas encore rassasiée.

Cette cité tant attendue est loin de répondre aux attentes des artistes et du public : Son futur musée d’art n’est qu’une grande salle d’exposition qui ne respecte pas les normes muséographiques de présentation. Ses futures réserves destinées à accueillir les collections d’œuvres d’art de l’Etat sont assimilables à un dépôt qui ne répond pas aux normes de la conservation. Chaque espace présente des problèmes en masse qui demandent des budgets conséquents pour être réparés. Mais en dehors de ces problèmes architecturaux et fonctionnels, on se demande comment cette Cité sera-t-elle gérée ? Avec quels moyens ? Avec quel personnel ? Le projet n’étant pas lucratif il n’aura pas assez de revenus pour couvrir ses dépenses et sera un nouveau fardeau pour le ministère de la Culture. À moins que ce dernier ne revoie le projet et le modifie ce qui n'est pas une mince affaire.

 

En effet, on se demande s’il ne serait-il pas plus judicieux de céder ce bâtiment (même en partie) en le vendant et construire avec cet argent un autre bâtiment plus modeste qui répond aux vrais besoins du ministère de la Culture sur le terrain prévu pour la deuxième tranche du projet. Ce terrain est en fait réservé à la construction du musée des civilisations. Mais a-t-on besoin d’un tel musée pour présenter notre histoire et notre patrimoine ? Ne faut-il pas plutôt réhabiliter nos musées existants, en faisant appel pour une fois à des vrais spécialistes et experts. Des musées comme le musée de Carthage ou le musée de Raqqada de renommée mondiale mais dont l’état  n’est pas à l’image des collections qu’ils abritent. Ne faut-il pas encourager les initiatives privées comme le Cinévog, le B’chira art center, l’Agora, Mad’Art, pour ne citer que quelques exemples et des événements comme Dream city pour développer l’art et la culture en Tunisie ?

En effet Dream city a reçu pour la première fois un financement important du ministère de la culture, peut-on enfin espérer une nouvelle politique culturelle ?

 

 

* Soumaya Gharsallah-Hizem est Architecte-muséologue, titulaire d’un Ph.D. en Muséologie, Médiation, Patrimoine, conjoint de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse et de l’Université du Québec à Montréal. Elle a travaillé sur plusieurs projets muséographiques à l’Institut National du Patrimoine avant de diriger le Musée National du Bardo jusqu’à novembre 2013. Elle est l’auteure de plusieurs articles portant principalement sur le patrimoine et les musées tunisiens.Depuis janvier 2013 elle dirige le bureau de Tunis de la Fondation Kamel Lazaar.

 

08/11/2015 | 11:26
4 min
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Commentaires (7)

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carthaginois
| 10-11-2015 13:06
Cette charmante dame est la copie conforme (parfaite sosie) de l'actrice egyptienne MIRVIT AMINE

Adnène
| 09-11-2015 13:24
Il est vrai que cette Cité de la Culture est un bide monumental dès le départ. Pour une illusoire large participation des gens de Culture on intégra au prjet dès sa conception des intervenants qui sont peu pas du tout impliqués dans les diverses discipline du champs de la culture ; Gouvernorat, District de Tunis, Ministère de l'Équipement ceci sans directive précise ....le Ministère des années 1990 et surtout le Ministre ne semblait pas vouloir s'y engager ....le résultat un projet en panne ....affreux en tout point de vue. Cela ne justifie pas malgré toutes ces errances et dépenses l'état se dessaisisse au profit d'à savoir quels aventurier au "vernis culturel" d'un projet voulu par tous les hommes de culture du pays ....mais que l'état dominé par des magouilleurs ont fait capoter exprès pour arriver à ce stade et mettre la main sur un terrain et un bâtiment exceptionnel dans la ville de Tunis....Cet article est à rapprocher du conseil de la souris au propriétaire du magasin: vends ton magasin et achète avec de la bonne graisse!!!!

Nephentes
| 09-11-2015 09:27
Vous faîtes le lien, peut être parce que vous n'êtes pas d'origine citadine et que vous avez perdu votre identité, entre deux fait qui n'ont aucun rapport

Les conditions dantesques dans lesquelles vivent les citoyens des quartiers populaires proviennent d'un exode rural anarchique destructeur de cultures et modes de vie millénaires. Ce type d'habitat est une formalisation de al barbarie qui a envahi le pays depuis la fin des années 70,avec pour victimes collatérales l'ensemble des citoyens et leur culture.

le quartier que vous venez de citer et que je connais provient de l'installation sauvage, de l'accaparation pure et simple sans autorisations de bâtir,en toute illégalité,de terres domaniales dans le milieu des années 70.

ce ne sont pas de simples familles qui ont accaparé ces terres, ce sont des tribus entières en provenance initialement des gouvernorats de Siliana et du Kef.

Ce quartier n'aurait jamais dû exister dans un Etat de Droit;ce type d'agglomération anarchique porte en lui le déni d'une communauté urbaine normalement constitué et surtout viable. Bassatine city est une horreur artificielle,parasite,à qui il faut vouer un plan décennal de réorganisation.

Comparer donc ce conglomérat d'habitats anarchiques,illégaux, à des cités millénaires porteuses d'une civilisation et d'une urbanité parmi les plus sophistiquées du monde relève donc de la débilité.

c'est, sans agressivité ni mépris, ce type de considération -légitime par application du principe de réalité- qui est en train de conduire la Tunisie à l'abîme.

Dans ce type de quartier dit 'rurbain', il est frappant de constater à quel point les habitants sont sans identité et sans mémoire, et combien le mépris de la loi,de la légitimité de l'Etat et l'incivilité en constituent l'ADN.


ce qui set que vous avez perdu votre identité suite à l'exode vos parents trangers à la culture urbaine

kahenalibre
| 09-11-2015 09:22
Chère madame, votre vision de Dream City est comme son nom l'indique un "rêve" qui dure quelques jours par an. Quelques jours ou la médina est perturbée et envahie par des artistes qui tout au long de l'année l'ignorent et ne font rien pour sa conservation et sa restauration.
Dream City c'est tout simplement la concrétisation d'un égo de certains artistes et de toute une foule qui les suit . D'ailleurs parlons en de la foule ! Des personnes nickel, habillés du tout dernier cri dans des ruelles qu'on aura nettoyé et vidé pour l'occasion.
La Dream City de mes rêves c'est que cette culture participative se continue toute l'année, voire toute la vie pour que renaissent nos médinas,

bassatine city
| 08-11-2015 22:57
Soumaya, je vous invite à Bassatine City, une annexe luxuriante à Ettadhamon City, à quelques kilomètre de Dream City, je suis certain que tu ne seras pas déçue, car c'est là, et seulement là, que tu peux t'abreuver de la vrai culture tunisienne. Tout dans cette cité est fait dans les normes internationales. Une architecture en mesure des défis culturels, tout est phantomatique, presque irréel : la route grignotée tous les jours, les ruelles à peine de deux mètres, les maisons une en dessous de l'autre, les boutiques, les places publiques, la populace, l'anarchie, les immondices, les enfants errants, les femmes de ménage, la circulation, la poussière, l'air, les odeurs, les trasnports en communs, etc... Sorts un peu de ton chemin de tous les jours de la Marsa à la Médina allez et retour, et prends avec toi nos ministres atugéens pour un petit tour dans la vrai Tunisie.

KATO
| 08-11-2015 18:19
Nous avons emmené une amie étrangère pour visiter la Médina, et profiter de cette occasion pour lui montrer notre beau patrimoine. Tout ce qu'elle a retenue, c'est la saleté dans tous les coins de rue. Elle s'est demandée pourquoi, les organisateurs n'ont rien prévu pour y remédier, surtout qu'elle nous a dit qu'elle savait que la Municipalité de Tunis ne s'occupait pas bien de cette zone, et que dans son pays, le maire aura déjà été éjecté depuis belle lurette. Mais on est en Tunisie, le pays des copains et des coquins. Que vouez vous lui répondre.

Nephentes
| 08-11-2015 14:11
Si la Médina de Tunis est emblématique de la destruction insensée,irresponsable et profondément méprisable de notre patrimoine et culture urbains,elle est hélas loin d'être un cas isolé

Il faut être conscient de l'état lamentable,humiliant pour tout tunisien qui connaît et aime son pays,des médinas de Kairouan, de Sfax,du Kef,de Monastir,de Testour et de Kélibia.Les médinas de Sousse et de Mahdia sont à leur tour menacées.

Il faut être également conscient que la Médina arabo-ottomane forme un espace où viennent se juxtaposer les fonctions résidentielles, économiques, sociales et culturelles.

a ce titre et évidement bien peu le savent en Tunisie, ce type d'habitat est précuseur, avant même que le concept ne se crée , d'un écosystème harmonieux et garant d'un véritable savoir-vivre ensemble.

Les modes de vie et la culture urbaine traditionnelle des tunisiens comptent en effet parmi les plus sophistiqués du monde (voir Marc Gossé et ses ouvrages)

Les médinas du Maghreb ont su ainsi construire durablement un écosystème subtil entre nature et urbanisation avec une harmonisation aboutie entre morphologies et typologies architecturales, et la nécessité de l'économie des ressources naturelles notamment en eau potable.
Les modes de vie urbains en Tunisie étaient également caractérisés dès le 12 siècle par processus participatif et une gestion conviviale des espaces urbains, des systèmes de solidarité et une pratique de l'égalité de statut entre personnes.

c'est donc un patrimoine d'une richesse incroyable qui a été vandalisé au cours des quarante dernières années.

L'exode rural anarchique, la corruption et une volonté délibérée de détruire la culture traditionnelle urbaine en général et tunisoise en particulier a abouti à un désastre obscène.