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Tribunes
Non à une Tunisie médiocre
15/06/2012 | 1
min
Non à une Tunisie médiocre
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Par Aymen JEGHAM
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C’est avec un grand désarroi que nous nous sommes mis à l’écriture de cet article qui se veut être un constat d’une réalité -certes douloureuse- d’un pays à genoux, de compétences gaspillées et marginalisées et d’une fantastique opportunité gâchée pour introduire des réformes structurelles, sociales et culturelles qui auraient fait de la Tunisie un petit paradis sur terre. Ce constat est aussi porteur d’un message d’espoir, en ces temps difficiles, appelant à l’unité de tous les tunisiens, abstraction faite de leurs idéologies et de leur background.

Tout d’abord ce qui s’est passé en Tunisie n’est que la première phase d’une révolution qui a commencé par une révolte populaire ayant besoin d’être accompagnée et orientée vers la bonne direction - pour ne pas aboutir à une impasse, voir à un mouvement rétrograde qui plongerait le pays dans l’obscurantisme pour plusieurs décennies, si on est optimiste. Tout compte fait, ce mouvement a plusieurs sens, à la fois complexes et imbriqués. Au lieu de se lamenter sur notre sort, on peut être pragmatique et considérer ce qui s’est passé comme une bonne opportunité mettant fin à des idées fausses qu’on avait d’une Tunisie moderne. Cette opportunité nous a ouvert les yeux sur une Tunisie qu’on ne voulait pas voir auparavant, une Tunisie marginalisée, une Tunisie médiocre…

Plusieurs raisons nous poussent, en tant que Tunisiens ayant la chance de résider à l’étranger et ainsi de voir comment fonctionnent les Etats bien huilés, hélas à faire ce constat : « la médiocrité a gangréné le pays à tout les niveaux ». Tous les acquis que la Tunisie trois fois millénaire s’est construite tout au long de son histoire, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Le système éducatif qui fut jadis une fierté nationale a perdu son aspect qualitatif (la première université Tunisienne est classée à un solide 6719 rang mondial !!).

Le développement économique aux antipodes de l’équité qui a pris place ces deux dernières décennies, a nourri une culture de l’individualisme, de l’opportunisme, de la corruption mais surtout, ça a nourri une haine sociale que l’on voit tous les jours maintenant. Les Tunisiens si fiers, si unis aux premiers couvre-feux il y a un an et demi, n’hésitent plus à s’entretuer aujourd’hui.

Cette médiocrité n’a pas épargné notre classe politique (aussi bien Troïka qu’opposition), qui –semblerait-il - a pour seul projet d’être au pouvoir. En effet nos politiciens n’hésitent pas à user de coups bas, alignant fausse déclaration après fausse déclaration, contradiction après contradiction. Ça va jusqu'à jouer avec les sentiments religieux des citoyens les incitants à s’entretuer. La religion étant le dernier nid où le Tunisien aspirerait à un peu de quiétude, de réconfort et de paix dans la vie de misère que la Tunisie médiocre lui offre, sans rêves, sans aspirations et sans horizons.

On comprendra alors qu’on mâche encore et toujours depuis bientôt deux ans les thèmes de l’identité arabo-musulmane, tant que ca permette de faire passer sous silence la dégradation de la note souveraine du pays, de la fonte comme neige au soleil des réserves en devise de la banque centrale, le show judiciaire d’une justice partiale s’agissant des résidus mauves de l’ancien régime, désormais bleus révolutionnaires, ou encore la catastrophique image que donne le pays de sa révolution. Mais d’après la dernière déclaration des officiels, notre tourisme est sur la bonne voie !!

D’un autre côté, la médiocrité de l’opposition est telle qu’ils n’arrivent pas à s’unir depuis presque deux ans. Ils ont sensiblement le même projet, constituent d’un point de vue qualitatif, une alternative viable et sérieuse, mais ne s’unissent toujours pas, ce qui les empêche de se constituer une base populaire. Individualisme quand tu nous tiens…

Tant que l’opposition ne prendra pas le relais de la société civile, médias et médias alternatifs ; l’équation restera déséquilibrée et on ne parlera dans ce pays arabo-musulman, que d’identité arabo-musulmane. On n’abordera jamais les questions qui nous hantent l’esprit depuis des mois, telles que : Pourquoi n’approuve-t-on pas les circulaires 115 et 116 pour avoir les 20 milliards d’euro de financement que le gouvernement BCE a collectés lors du G8 ? Quelle est la stratégie à suivre pour stopper l’hémorragie des compagnies qui quittent notre pays pour le Maroc ? Quand est-ce qu’on va en finir avec cette mascarade de la rédaction du destour ? Sur quelle base nomme-t-on les officiels et hommes d’état ? Comment va-t-on rassurer nos investisseurs locaux et étrangers ? Après tout, c’est eux qui vont employer les jeunes qui ont été à l’origine de cette révolution. Aux dernières nouvelles ces jeunes voulaient la dignité, la liberté et le travail.

Tant qu’on ne parlera pas de ces sujets, tant qu’on continuera à diviser pour mieux régner, la Tunisie continuera de se dégrader, de se « médiocriser ». Les routes sont de plus en plus sales, les gens de moins en moins civilisés, sur la route, aux marchés, dans les administrations, partout. On est loin de la Tunisie qui a vu naitre des réformateurs de la pointure d’ « Ibn Khaldoun, Ahmed Ibn Abi Dhiaf, Kheireddine Tounsi, Abou Al Kacem Al Chebbi et on en passe ».

La limite entre deux extrémités est infiniment petite, on peut basculer dans l’anarchie comme on peut basculer dans la construction d’une Tunisie qui donne de l’espoir. Au moins maintenant nous avons un diagnostic objectif de la situation du pays, loin de l’image rose, ou mauve dirons-nous que l’on avait avant. Les chantiers à attaquer sont connus alors construisons.

N’oublions jamais que nous sommes les descendants de l’immense Hannibal Barca qui a un jour dit en traversant les Alpes : « Nous trouverons un chemin ou nous en ferons un », trouvons le chemin ou construisons-en un alors !!

Vive la Tunisie et vive les Tunisiens.

* Consultant en Management
15/06/2012 | 1
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