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Chroniques
Qu'en est-il de l’hors bilan de L’Etat tunisien ?
01/05/2014 | 16:04
5 min
Par Mourad El Hattab

La question de l’hors bilan de L’Etat Tunisien a été soulevée par Dr Achraf Ayadi, analyste bancaire et financier à Paris, lors de la conférence-débat organisée par L’Association Tunisienne de Gouvernance (ATG) au début du mois d’avril 2014. Il s’agit en fait des engagements des entreprises et des institutions publiques supportés par L’Etat et qui n’apparaissent au niveau de ses comptes financiers qu’au moment de leur exigibilité.
L’importance du volume de ces engagements biaise la valeur du déficit public global et mérite d’être analysé.

Rappelons d’abord que le déficit de plusieurs institutions publiques inquiète à plus d’un titre, le coût du risque de voir s’effondrer des piliers financiers, économiques et sociaux du pays est très élevé et celui-ci n’est pas supportable par l’économie nationale dans son ensemble au vu de l’effet d’entraînement sectoriel qui pourrait en découler.

Il s’agit de près d’une trentaine d’entreprises publiques qui opèrent, pratiquement, dans tous les secteurs économiques. Selon les estimations officielles, leurs pertes avoisinent en chiffres 3500 Millions de Dinars et représentent près de 5% du Produit Intérieur Brut (PIB) du pays. Les déficits dépassent la totalité des tirages relatifs au prêt de péréquation accordé à la Tunisie par Le Fonds Monétaire International (FMI). Ces entreprises ont aussi un grand poids dans l’économie nationale qui correspond à plus de 12,5% du PIB.

Gouffre financier permanent pour certains experts, acquis stratégique pour d’autres, les entreprises publiques valent l’intérêt des pouvoirs publics pour leur trouver des solutions d’assainissement et de restructuration ainsi que des stratégies de bonne gouvernance, il y va de l’avenir de notre économie et de notre société.

L’hors bilan de L’Etat et le déficit budgétaire
Pour mémoire, la comptabilité nationale est une représentation schématique et quantifiée de l'activité économique d'un pays. Elle consiste en une mesure des flux monétaires pendant une période donnée, en principe, une année. Elle prend en compte de nombreuses informations, contenues dans les documents comptables des entreprises d'une part, mais aussi dans les rapports des institutions administratives.

En Tunisie, la comptabilité nationale classe les différents agents économiques en catégories, les secteurs institutionnels, afin de recenser les différentes informations relatives à l'économie et ce, à travers des comptes intégrés incluant les comptes d'opérations courantes et les comptes d'accumulation et des tableaux de synthèse, en l’occurrence, le tableau économique d'ensemble et le tableau entrées-sorties.

Ces dernières années plusieurs normes internationales ont été mises en oeuvre pour améliorer la qualité de l'information financière des entités du secteur public, pour permettre des décisions d'allocation de ressources fondées sur une information plus fiable, et ainsi améliorer la transparence financière et la responsabilité dans ce domaine. Dans ce contexte, sont établis l'état de la situation financière, l'état de la performance financière, le tableau des flux de trésorerie et les notes annexes qui retracent, entre autres, les engagements de L’Etat vis-à-vis des institutions et des entreprises publiques.

Les crises budgétaires vécues par plusieurs pays ont soulevé les limites de la comptabilité publique pour présenter, d’une manière sincère les valeurs des déficits. Les gouvernements ont consenti d'énormes concours aux agents économiques, et parfois garanti leurs dettes explicitement ou implicitement, et dans certains cas pris le contrôle des banques en détresse. La nature exceptionnelle de ces crises et les initiatives sans précédent des gouvernements et banques centrales de par le monde ont renforcé l'importance de la qualité des normes de comptabilité publique.

Le déficit des entreprises publiques : situations et remèdes

Il fut un temps où le secteur public occupait une place importante dans le paysage économique tunisien. Mais, depuis des années, et sous l’effet de la privatisation, sa part est en nette régression. Toujours considéré comme le signe de la faillite et de la mauvaise gouvernance, le secteur public est actuellement observé, à tort ou à raison, comme un fardeau sur l’Etat, et qui paie les frais de son soutien aux politiques gouvernementales.

Les pertes enregistrées par les entreprises publiques sont en majorité structurelles. Sous l’ère Ben Ali, et dans la vague de privatisation qui a connu son apogée en 2000, on a généralement opté pour la restructuration puis la vente. Ces restructurations avaient parfois un coût supérieur au prix de vente, sans oublier au passage les coûts sociaux, puisque celles-ci passent toujours par des licenciements et des départs anticipés.

Selon les responsables de l’époque, la privatisation était perçue comme un outil permettant de répondre, un tant soit peu, aux impératifs comme aux exigences du renouveau de l’économie tunisienne dans un environnement devenu, de plus en plus, hostile aux modalités managériales paternalistes héritées et exigeant des changements systémiques stratégiques.
En pratique, les privatisations étaient orientées presque exclusivement pour le compte de clans ou d’investisseurs préalablement désignés.

Actuellement, les déficits sont colossaux et touchent des entreprises du transport, des banques, la Société El Fouledh, la STEG, la SONEDE, la STIP, l’Office des Terres Domaniales, l’Office National de l’Huile, l’Office des Céréales et les caisses sociales. Par ailleurs, les chiffres risquent d’augmenter au fil des mois et la liste pourrait se prolonger.
Cette situation pourrait se répercuter sur le budget de l’Etat en cas de restructurations massives ou d’enregistrement de moins values au moment de cessions. Les pertes doivent donc être calculées de manière exhaustive pour mesurer réellement le déficit budgétaire et son évolution.

Pour remédier à cette situation délicate, les solutions doivent être profondes en touchant à multiples facteurs à l’instar des nominations orientées des dirigeants et les rôles des conseils d’administration qui sont des outils décisionnels importants et qui doivent jouer des rôles efficaces dans les entreprises publiques.

Il n’y a pas, réellement, une solution standard pour restructurer les entreprises publiques, mais toute une panoplie de solutions selon des études à mener au cas par cas. Certaines entreprises peuvent et doivent être restructurées moyennant un traitement financier dynamique et un rééchelonnement adapté des dettes.

Pour d’autres, l’État doit absolument recapitaliser en injectant des fonds et en prenant à sa charge les dettes de l’entreprise. La participation d’un actionnaire de référence pourrait être envisagée dans certains cas vu que le plan de sauvetage implique des sommes colossales pour renouveler le potentiel de production. Or, l’État n’a pas les moyens d’investir lourdement étant donné le déficit du Budget et les ressources financières insuffisantes.

*Spécialiste en gestion des risques financiers
01/05/2014 | 16:04
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