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Qui, quoi, comment parler de sexe à nos enfants ?
22/11/2019 | 19:59
5 min
Qui, quoi, comment parler de sexe à nos enfants ?

 

A partir de cette année, les enfants des classes préparatoires auront droit à un enseignement sexuel. Une bonne nouvelle en somme mais qui suscite déjà inquiétudes et interrogations. Entre ceux qui craignent un « pervertissement » des générations futures et ceux, plus pragmatiques, qui se demandent comment et par qui, parlera-t-on de sexe aux enfants.

 

Le ministère de l’Education nationale a décidé de commencer à partir de cette année scolaire 2019/2020 un programme expérimental d’éducation sexuelle aux jeunes enfants. Expérimental car il concernera, au départ 13 régions tunisiennes, avant de s’étendre à l’ensemble du pays. Ces cours seront dispensés, à partir du mois de décembre de cette fin d’année 2019 et commencera dès les classes préparatoires. Ceci fera de la Tunisie « le premier pays arabe » à intégrer des cours d’éducation sexuelle dans son programme scolaire, s’extasient de nombreux observateurs.

 

La directrice exécutive de l’Association tunisienne de la santé de la reproduction (ATSR) Arzak Khintich avait affirmé sur Mosaïque Fm que cet enseignement émane d’un partenariat avec le fonds des Nations Unies pour la population et l’Institut arabe des droits de l’homme. Les cours seront faits sous le contrôle du ministère de l’Education nationale et seront intégrés dans les modules de langue arabe, d’éducation physique et des sciences de la vie et de la terre.

Arzak Khintich explique que « ces cours obéiront au cadre culturel et religieux du pays et comprendront la sensibilisation aux éventuels actes de harcèlement pouvant toucher les enfants […] Il s’agit de fournir aux jeunes et aux adolescents de 5 à 15 ans des informations claires sur leur sexualité afin que leurs décisions soient éclairées et responsables, dans le but de les protéger contre d’éventuels abus ».

Sur Shems Fm, Insaf Fathallah Gamoûn, inspectrice de l’éducation civile et experte auprès de l’Institut Arabe des Droits de l’Homme, explique que les élèves de 7ème année de base étudieront les aspects des violences faites aux femmes, de harcèlement sexuel notamment dans les transports publics, très répandu dans le pays.

 

Auprès de l’opinion publique, cette annonce rassure et dérange en même temps. Plusieurs citoyens ont exprimé leur inquiétude quant à un éventuel « pervertissement » des enfants. Dans les milieux conservateurs, l’éducation sexuelle est généralement liée à la liberté sexuelle et, donc, à la dépravation. Des parents ont critiqué « ce nouvel enseignement qui fera dévier les enfants des traditions tunisiennes, pour suivre le chemin des sociétés occidentales ». De l’autre côté, des parents se posent la question de savoir par qui seront prodigués ces cours, si les enseignants sont suffisamment formés pour aborder, pour la première fois, des questions aussi délicates aux enfants, et que leur expliqueront-ils au juste ?

D’un côté comme de l’autre, l’incompréhension est générale. « A quel enseignement auront droit nos enfants ?». Si le ministère ne s’est pas encore clairement prononcé sur les détails de cet enseignement, on sait déjà qu’il devra être « en adéquation avec la culture de la société tunisienne et les principes de la religion musulmane ».

 

Hatem Ben Salem avait affirmé en début d’année que ces cours serviront de rempart à « la multiplication des cas de harcèlement sexuel contre des élèves et notamment des affaires de pédophilie en milieu scolaire ». Une affaire avait particulièrement secoué l’opinion publique en 2018 lorsqu’un enseignant dans une école primaire publique à Sfax a été accusé d’avoir sexuellement abusé de 20 élèves, soit 17 filles et 3 garçons. Par ailleurs, une enquête menée par les services du ministère de l’Education a permis de mettre la lumière sur 87 cas de harcèlement présumé entre octobre et mars 2018.

Ce que l’on sait pour l’instant est que les cours d’éducation sexuelle seront dispensés au milieu d’autres matières et ne feront donc pas l’objet d’un module à part. Cela voudra dire donc qu’ils seront prodigués par les mêmes enseignants. Ces derniers ont-ils reçu la formation adéquate pour initier les enfants à leurs corps et à la sexualité ? Ont-ils les outils pédagogiques et le recul nécessaire pour faire de ces cours un moment de découverte et une invitation au dialogue dans un cadre positif et bienveillants sans jugements ni tabous ? Alors que l’annonce du début de ces cours est prévue pour le mois de décembre, c’est-à-dire dans quelques jours, les enseignants sont-ils prêts ? Quid des manuels scolaires ?

Autant de questions que les parents se posent et auxquelles il n’existe à l’heure aucune réponse. Pour l’instant, l’annonce sert à rassurer les parents soucieux d’éduquer leurs enfants aux « choses de la vie » et fait hérisser les poils de ceux qui ont peur que les tabous soient brisés et les traditions, bafouées.

Face à une jeunesse non encadrée en matière de sexualité et qui, à un certain âge, ne connait pas encore très bien son propre corps et celui des personnes du sexe opposé, une éducation sexuelle est plus qu’une priorité. Les jeunes Tunisiens sont souvent livrés à eux-mêmes et la sexualité demeure encore un sujet tabou, fortement stigmatisé, que ce soit à l’école, en famille ou même dans des cercles plus restreints comme les amis. Une ignorance qui perdure, dans bien des cas, jusqu’à l’âge adulte.

Dans un pays où les termes « rapport sexuel », « masturbation », « orgasme » et « homosexualité » sont souvent synonymes de honte et de pêché, le ministère met beaucoup trop de temps à réagir. Même en faisant ce pas, poussé par la société civile, il le fait de manière timide et laconique tout en se cachant derrière l’argument religieux.

Les cours d’éducation sexuelle ne sont pas une nouveauté en Tunisie puisque des informations étaient disponibles via le planning familial et dispensés aux jeunes pour leur donner l’accès aux moyens de contraception ainsi qu’à des informations sur la prévention du sida, les grossesses non désirées, l’avortement, etc. Ils n’ont, en revanche, jamais été dispensés dans les écoles et touchant une cible aussi jeune.

Aujourd’hui, de très nombreux parents souffrent eux-mêmes d’une méconnaissance du sujet et ne savent –ou ne veulent - pas aborder avec leurs enfants des questions aussi simples que celles du consentement, des menstruations féminines ou de la conception.

 

En l’absence d’une vision claire et d’informations précises sur le type d’enseignement auquel les enfants auront droit, cette annonce ne rassure pas autant qu’elle devrait.Tout porte à croire qu’elle sera, à l’avenir, au cœur de nombreuses controverses. En attendant, les conséquences d’une telle ignorance sur une question pourtant naturelle et basique, peuvent souvent gâcher bien des vies…

 

Synda Tajine

 

 

 

22/11/2019 | 19:59
5 min
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Commentaires (18)

Commenter

URMAX
| 25-11-2019 16:23
L'âge voulu ? ... Sujet sensible ?
...
L'éducation sexuelle doit être apprise DE LA BONNE FACON à l'école avec pédagogie !
Sinon vos enfants risqueraient de l'apprendre de la façon tordue, vulgaire et obscène de ce que l'on entend dans les rues !
C'est pour cela que nous entendons de telles atrocités vulgaires ... alors qu'il s'agit de quelque chose qui devrait-être "tellement beau" .... !
...
Un sujet tabou, inconnu, mal compris, l'obsession de la virilité pour l'homme [rapidement pénétrer] ... et tout est clos en 10 minutes .... regrettable ...
Et les préliminaires ?
Et le "stretching" à la fin ?
Non, l'éducation sexuelle nous sera très utile, dans la mesure ou ça nous "décrispera" et du coup, moins de complexes, de honte ..... et moins de vulgarité dehors, et moins de violences, surtout : L'homme doit apprendre à comprendre LA FEMME.
...
Auriez-vous, quelquefois, entendu certains de nos compatriotes (@ Messieurs) s'adresser aux Femmes ?
Horrible, honteux, dégueulasse, d'une bassesse incommensurable !
...
J'en profite, @ BN pour souligner le fait que le 25 Novembre constitue la journée internationale cotre la violence faite aux Femmes ...
Un article à ce sujet serait le bienvenu !
Cela aussi, est nécessaire !
Souvent la violence faite aux Femmes est d'ordre sexuelle !
...
Le sexe ne doit en rien rester une obsession d'une part ; et un complexe & frustration de l'autre.
...
IL n'y a aucune honte à e parler.
Abordez le sujet simplement.
Soyez juste aussi naturels que possible ...
La résultante sera un climat de confiance enfants - parents : Vos gosses se confierons bien plus à vous !
...
Ne leur interdisez "pas tout" :
IL vaut mieux avoir un enfant qui se confie à ses parents, qu'un autre qui agit sans rie vous dire !
...
Vous rappelez-vous de la Tunisie d'avant ? 40 + ans passés ?
Nous étions bien plus décoincés que cela, vous savez ...
Pour ceux que cela étonne, amusez-vous à regarder des images sur le net ... des années `40 - `70 ...

Gg
| 24-11-2019 17:22
Merci pour votre blague, elle est excellente!

Et je suis d'accord avec vous, la Tunisie a envie d'évoluer aussi, je connais beaucoup de jeunes qui ne sont plus dans le schéma que j'ai décrit.
Mais le pourra t-elle, avec les islamistes au pouvoir? Car eux sont bien dans ce fonctionnement hypocrite (ils ne se gênent pas) et répressif (en façade).
Un ami intime, tunisien, nous voyait vivre, ma Tunisienne et moi. Nous avons longuement parlé de tout cela, et un jour je lui avais demandé: mais toi, tu es d'accord avec moi?
Oui, m'avait-il répondu. Mais moi je ne pourrais pas vivre comme vous, ma famille me rejetterait.
Pas simple...

Microbio
| 24-11-2019 16:23
Vous êtes un peu pissimiste en ce qui concerne les capacités d'apprentissage des Tunisiens. Je suis de votre avis que notre tradition et nos tabous sociaux sont ancrés dans l'âme et les actions de la population depuis des milliers d'années. Mais la Tunisie a énormément changé à tous les égards, je suis donc un peu optimiste pour l'avenir.

Microbio
| 24-11-2019 15:53
Vous écrivez:" A quoi bon parler ainsi? Je connais trop bien la Tunisie pour savoir que ce serait souffler dans le vent. "

Je pense que le Tunisien, comme dans d'autres pays arabes, ne s'est pas encore libéré de la sexualité. Cela pourrait être dû au manque d'éducation sexuelle et à notre tradition. Le langage quotidien est beaucoup trop sexiste et que nous sentions que nous, hommes parlions principalement de femmes, de sexe, de football et de Coran.
"Anatomiquement", un tiers du cerveau est destiné au football, un tiers au Coran et au Hadith et la moitié entière au sexe et presque plus rien pour les autres choses de la vie (Sorry pour cette exagération!).
Une éducation sexuelle pourrait libérer la société des générations futures de cette obsession sexuelle.

Une large éducation et bien sûr sexuelle, est nécessaire. Il faut en discuter plus souvent dans la societé, dans le calme et sans trop d´émotion.

Bonne Journée!
_____________________________________________
Grand-mère demande à son petit-fils de onze ans ce qu'il a appris à l'école aujourd'hui.
Tout sur le pénis, le vagin, les rapports sexuels et tout le reste ", répond-il honnêtement. Mémé est horrifiée et raconte à sa fille la conversation avec son fils.

"Oh maman, ça fait partie de la classe normale aujourd'hui." Aujourd'hui, nous vivons finalement en 2019. "
Lorsque grand-mère passe plus tard dans la chambre de son petit-fils pour l'appeler à souper, elle le trouve en train de se masturber sauvagement sur le lit. "Chérie," dit la vieille femme, "quand tu auras fini tes devoirs, viens dîner."

Gg
| 24-11-2019 12:59
...écrire une longue dissertation sur ce sujet ô combien fondamental. Pour arriver à quelques éblouissements, pour les plus âgés des jeunes.
Par exemple, Platon: on aime ce qu'on désire, et on désire ce qu'on n'a pas. D'ou la fragilité du couple, et l'idée qu'une relation se construit.
Henri Comte Sponville, aussi: Il est bien plus gratifiant de faire des choses nouvelles avec la même personne, que toujours la même chose avec des personnes différentes. D'où la notion de fidélité...
Faire l'amour, le sens est est clair: faire-l'amour.
Dire aux jeunes pour qui, selon la tradition tunisienne, toutes les filles et femmes sont des p...s sauf maman et ma soeur, qu'une p..e est d'abord une pauvre fille qui n'a trouvé que ce moyen de gagner sa vie, ou y est contrainte. Et leur dire que s'il y a des p..es, c'est parce qu'il y a des hommes qui payent.
Parler du plaisir librement donné et accepté, de l'incroyable relation de confiance que cela suppose, surtout pour une femme qui accepte dans son corps un corps étranger.
Dire qu'une femme n'est pas "impure" une semaine par mois.
Qu'une femme peut tomber enceinte à sa première fois, que l'avortement n'est pas un moyen de contraception, que l'honneur d'un homme ou d'une famille ne se trouve dans la culotte de ses filles et femmes...
D'où la responsabilité des hommes.
A quoi bon parler ainsi? Je connais trop bien la Tunisie pour savoir que ce serait souffler dans le vent.
Hélas!

Microbio
| 24-11-2019 12:02
J' ajoute qu'une matière scolaire obligatoire soit introduite DEMOCRATIE, jusqu´à l'enseignement supérieur et soit aussi bien notée que les mathématiques.

Gg
| 24-11-2019 11:56
Si si, j'ai une idée :-)
C'est Mourou qui va vous faire le programme. Cool, non?
Mesdemoiselles, Mesdanes, c'est pas un niqab qu'il vous faudra, c'est une armure, une cuirasse! Oubliez la tendresse, le plaisir partagé, le libre consentement...toutes ces notions dépravées!

DHEJ
| 23-11-2019 23:09
Enseigner le sexe oui mais il faut aussi enseigner la RESPONSABILIT'? CIVILE ET LA RESPONSABILIT'? P'?NALE !


Mais alors les gamins sont-ils responsables de leurs actes ?

1/3i
| 23-11-2019 21:07
vous allez essayer d'apprendre à vos enfants ce que peut, ou doit être, la sexualité respectant l'autre ?

écouter le partenaire. Savoir refuser ce que l'on ne veut pas.

C'est tellement dangereux. Vos femmes n'accepteront plus de n'être qu'un réceptacle à vos envies. Et puis, c'est tellement fatiguant d'essayer de contenter sa moitié.

Quand je vois ma femme Tunisienne qui empêche mes enfants de regarder dans un film des couples qui ne font que s'embrasser. C'est comme cela qu'on crée les frustrés, qui deviendront inévitablement des harceleurs...

Microbio
| 23-11-2019 20:10
D'abord, l'enseignant de la classe est envoyé.
Ensuite, un cercle de chaise est formé. Il n'y a pas de leçons frontales, mais une conversation comme avec un ami qui sait mieux. Une sorte de conversation cochonne au niveau des yeux. Sur la table de la classe se trouve un sac en tissu gris. Le ""grab bag"" est souvent nécessaire. Premièrement, les futurs médecins ou enseignants expliquent les maladies.

Un gros problème. Parce que beaucoup de jeunes n'auraient toujours aucune idée du VIH ou « La pilule d´après, ils recevraient la pilule comme au supermarché», explique l'enseignant.
Viennent ensuite les bases: "Combien de lèvres vaginales (Labia) la femme a-t-elle?", Demande l'enseignant. "Deux, quatre, 50". "Les garçons n'ont aucune idée de notre corps", disent souvent les filles.
Plus de centaines d'étudiants ont pu s'entraîner. Pro Familia, AIDS-Hilfe, le ministère fédéral de la Santé, apporte son soutien. Les étudiants en médecine peuvent appliquer directement aux adolescents leurs connaissances de base issues de leurs études.
'? partir du "grab bag", les étudiants doivent maintenant dessiner un article et dire à quoi ils peuvent penser. Test de grossesse, anneau vaginal, pilule. Le jeu apporte également quelque chose aux étudiants: "Nous apprenons à décrire les choses de manière compréhensible et à ne pas toujours parler en termes médicaux", explique mon fils.
Un "chiffon de fuite" pour la satisfaction orale des maladies sexuellement transmissibles ne connaît pas la classe souvent. Lorsqu'une bouteille de champagne est tirée, souvent une étudiante qui met en garde contre l'alcool pendant la grossesse. Un autre veut savoir s'il peut manger le lubrifiant'?'
Préservatifs, préservatifs, préservatifs
Néanmoins, l'enseignant est ensuite surpris par l'attention des élèves.
Les étudiants parviennent à ne pas être forcés à agir calmement, mais à être détendus. Toujours toute la matinée. Cinq heures de conversation sur la sexuelle.
"Les questions personnelles sont finalisées", explique l'enseignant. Quand les filles vont dans une autre pièce. Et tout le monde essaie de mettre un préservatif sur un pénis en bois. "Que se passe-t-il si je ne peux pas le lever "Erection"?", Demande un garçon. "Peut-être devriez-vous dire à la femme qu'elle n'est pas à blâmer", dit une autre.
L' enseignant pouvait maintenant donner une réponse médicale. Mais il répond comme un grand frère: "Il faut oublier que pour le sexe, il faut que deux personnes." Puis les filles reviennent.