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6 août 2013, l'Assemblée nationale se voit asséner le coup de grâce
06/08/2013 | 1
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6 août 2013, l'Assemblée nationale se voit asséner le coup de grâce
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Mustapha Ben Jaâfar annonce aujourd’hui la suspension des travaux de l’Assemblée nationale constituante jusqu’à ce que des négociations de sortie de crise commencent entre les différents acteurs du paysage politique et de la société civile. Le président de l’ANC s’est vu « obligé d’assumer ses responsabilités en cette étape de crise politique», a-t-il déclaré dans une allocution tv, le 6 août 2013.
Six  mois après l’assassinat de Chokri Belaïd, deux événements majeurs marqueront cette journée. La suspension des travaux de l’ANC, désertée par l’opposition, et la manifestation "gigantesque" organisée par les élus de l’opposition aujourd’hui, place du Bardo, ambitionnant de « faire chuter le pouvoir en place ». Plus que jamais, les deux camps s’opposent et rien ne semble plus les unir. Faites vos jeux, rien ne va plus…


Après la joie, les députés du pouvoir auront eu une belle gueule de bois en cette journée du 6 août 2013. A peine les festivités de la « melyounia » du pouvoir terminée quelques jours plus tôt, le Bardo vient de se voir interdire d’exercice pour une durée indéterminée. Face à l’hémorragie des départs, le président de l’ANC, connu pour son effacement et son suivisme aveugle à Ennahdha, a voulu « sauver les meubles ». Alors qu’il n’avait pas cessé de marteler que «l’Assemblée nationale est une ligne rouge », accusant les députés absents de « traitrise envers les martyrs », la décision de la suspendre vient aujourd’hui comme un coup de massue sur sa prétendue légitimité. Le gel des activités de l’ANC est un pas vers la sortie de crise qui ne pourra être effective que si le gouvernement est dissous à son tour.
Suspendue, mais non dissoute pour l’instant, la décision de Ben Jaâfar lui a, immédiatement, attiré la foudre de ses alliés au pouvoir. Samir Ben Amor s’est empressé de la qualifier d’ « illégale », une « catastrophe […]  par laquelle Ben Jaâfar outrepasse ses prérogatives et ne mesure pas les retombées politiques et légales », déclare-t-il à chaud. Les pages nahdhaouies sur les réseaux sociaux sont unanimes, Ben Jaâfar est qualifié de putschiste.

Avant ce coup d’éclat relatif, le Bardo s’est réveillé aujourd’hui, 10 h du matin, avec une plénière qui annonce une assemblée nationale proche de la décrépitude. L’annonce faite, plus tard à 19h par son président, n’aura pas manqué de le confirmer. Organisée par les élus de la Troïka pour questionner le gouvernement sur des dossiers d’ordre sécuritaire, notamment et surtout les attentats terroristes survenus au Jebel Chaâmbi, cette plénière a réuni, le chef du gouvernement, accompagné, entre autres, des ministres de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice, des Affaires étrangères, du Commerce, etc. 135 députés étaient présents. « Une véritable déception », regrette Lotfi Zitoun sur sa page Facebook : « où sont les autres et surtout ceux qui appartiennent à la Troïka ? ».

Cette séance, tenue dans une volonté de faire comprendre que l’ANC fait partie de la solution et non du problème et pour asséner un coup aux appels à sa dissolution, semble avoir produit l’effet contraire.
« La séance plénière d’aujourd’hui sera le coup de grâce dans le cercueil de l’Assemblée de la honte», affirme le député retiré Abdelaziz Kotti. « Les députés présents, qu’il a qualifiés de demi-hommes, n’ont de place ni à l’intérieur de ces murs ni à l’extérieur [où l’opposition a élu domicile]. Le peuple se prononcera aujourd’hui pour leur dire de rejoindre la poubelle de l’histoire ».

Dans l’autre camp, la soixantaine d’élus dissidents de la Constituante ont exprimé leur refus d’assister à cette plénière. « Tout ce qui sort de la plénière en cours n’a pas lieu d’être et sa place est au musée du Bardo », déclare Mongi Rahoui. Samir Taïeb, autre élu retiré, rejoint les dires de Naceur Brahmi affirmant « Cette plénière ne fait que diviser la scène politique […] il n’y a que les partisans de la Troïka qui y participent ».

A l’extérieur d’une assemblée nationale qu’ils ont désertée, les députés dissidents se sont réunis et ont tenu une conférence de presse en prévision de la grande manifestation prévue ce soir. Une sorte de plénière extra-muros « pour résister à ce qui se passe à l’Assemblée ». Aucune intention donc de regagner les rangs comme leur ont demandé de le faire les élus siégeant à l’hémicycle.

Au sein de l’Assemblée, au milieu de la cacophonie ambiante et habituelle, les discours se font diviseurs mais indécis. Si certaines voix se sont élevées pour appeler à l’union et à rétablir la confiance, d’autres se sont faites remarquer par des diatribes enflammées visant l’opposition, accusée de semer le chaos.
Sahbi Atig, député d’Ennahdha, a critiqué les appels à dissoudre le pouvoir. Dans un nouveau discours de banalisation des violences politiques, il déclare : «après le 11 septembre, les Américains n’ont pas appelé à la démission de Bush ni à la dissolution du Congrès ». De quel droit, les Tunisiens oseraient le demander aujourd’hui ? Semble-t-il dire.
Alors qu’ils étaient persona non grata aux funérailles de Mohamed Brahmi, le 27 juillet dernier, les députés de la Troïka ont profité de cette plénière pour organiser une oraison funèbre au défunt, dont le siège, vide, a été orné de fleurs et décoré du drapeau national. Larmes et vive émotion étaient perceptibles dans les discours des élus. En face de la caméra, regardés par des milliers de Tunisiens en direct à la tv, les élus du pouvoir auront eu l’occasion de pleurer le défunt. Une sorte de mea culpa, à peine avoué, face à ceux qui les pointent du doigt dans ce climat de recrudescence de la violence. Mais cette oraison funèbre n’a pas été au goût de la famille du défunt qui, encore une fois, a fait part de sa volonté de voir les membres du pouvoir exclus de ce prétendu hommage à Mohamed Brahmi. « Nous refusons la commémoration de Mohamed Brahmi dans votre ANC », se sont-ils exprimés dans un communiqué rapporté par la TAP, ce matin.

Les élus encore présents à l’Assemblée se disent prêts au dialogue mais « sans conditions préalables». « Tout pourra être discuté et pourra faire l’objet de consensus, hormis la dissolution de ce toit sous lequel vous devrez tous vous réunir », marque Ben Jaâfar dans son discours d’ouverture. A peine quelques heures plus tard, il annonce la suspension de ses travaux. Première concession de taille par le pouvoir en place, l’opposition n’attendra plus que la dissolution effective de l’Assemblée ainsi que celle du gouvernement pour une formation de salut national. Les slogans le crieront haut et fort lors du rassemblement prévu dans la soirée et une telle annonce ravivera le moral des troupes.
Un Rached Ghannouchi envolé pour le Qatar et une Assemblée suspendue, « des airs de 13 janvier », ironiseront certains sur la toile. Une chose est sûre, la légitimité vacillante et la peur de devoir céder leurs places aura eu raison de l’aura en berne de l’ANC aujourd’hui. L’Assemblée nationale aura été, aujourd’hui plus que jamais, la parfaite représentation d’un pouvoir vacillant. Sièges vides et discours disparates, l’ANC proche d’être enterrée, le gouvernement finira-t-il par suivre ?...

Synda TAJINE
06/08/2013 | 1
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