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Le Tribunal administratif tacle Ben Jaâfar sur le projet de la Constitution
17/06/2013 | 1
min
Le Tribunal administratif tacle Ben Jaâfar sur le projet de la Constitution
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En acceptant d’examiner le recours présenté par 23 constituants contre le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), pour dépassement de ses prérogatives en tant que président de la commission de coordination et de rédaction de la Constitution, le Tribunal administratif a admis, encore une fois, que le contrôle du respect du règlement intérieur de l’ANC fait partie de son champ d’action.
Le Tribunal administratif a, par ailleurs, adressé illico presto à Ben Jaâfar une correspondance pour lui demander des précisions sur les présumés dépassements de ses prérogatives, que lui reproche la requête des députés. Un tracas de plus pour le projet de la Constitution.

Le président de l’ANC, Mustapha Ben Jaâfar, a certes raison lorsqu’il dit que le Tribunal administratif n’a pas le droit d’intervenir, ni d’arbitrer, dans les différends entre les constituants concernant le contenu de la Constitution. Mais, ledit tribunal a la latitude d’examiner les recours portant sur les dépassements du règlement intérieur de l’Assemblée. Il a par ailleurs déjà rectifié le tir au niveau de la commission de dépouillement des candidatures à l’ISIE suite à des réclamations de non-application d’une loi votée par ses soins.

S’inspirant de ce précédent, le président de la commission des deux pouvoirs, Amor Chetoui, a présenté lundi 10 juin un recours auprès du Tribunal administratif, en son nom, et en celui de 22 autres membres de l’ANC représentant les blocs constitutionnalistes opposés au projet de la Constitution.
La requête présentée par les constituants reproche à la commission commune de coordination et de rédaction d’avoir « dépassé ses prérogatives intitulées dans l’article 104 du règlement intérieur de l’ANC en touchant au fond des propositions des commissions constitutionnelles, déformant ainsi le contenu du projet de la Constitution ».

Par ailleurs, les décisions de la commission des deux pouvoirs ont été « retouchées à souhait » puisqu’elles ont été reformulées dans une réunion commune avec la commission de coordination et de rédaction, en l’absence des députés de l’opposition. Les nouvelles propositions vont à l’encontre des articles initialement votés par la commission, ce qui est contraire au règlement intérieur.
Il est également à remarquer que le rapport final de la commission des juridictions, présidée par Fadhel Moussa, a contesté les discordances entre les textes originaux proposés par la commission et ceux du projet final de la Constitution, rédigé par la commission de coordination, notamment en ce concerne le tribunal constitutionnel, la justice en tant que pouvoir indépendant et l’indépendance du ministère public.

Avec ce recours, les constituants cherchent à bloquer la Constitution sur le terrain formel, faute d’un consensus politique, obtenu pourtant lors des deux rounds du Dialogue national, celui de Dar Dhiafa et de la société civile (UGTT, UTICA, LTDH et Ordre des avocats). Le Tribunal administratif avait déjà poussé la commission de tri des candidats à l’ISIE à faire marche arrière. Pourquoi pas celle-là ? A-t-on l’impression de comprendre.

Selon les observateurs, les dépassements de la commission commune de coordination et de rédaction sont « prémédités ». Car, « ce n’est pas un hasard si ces dépassements touchent les uniques points où Ennahdha ne serait pas d’accord (malgré son aval formel) avec les recommandations du Dialogue national », rappelle le porte-parole d’Al Massar, Samir Taïeb.
« Il s’agit donc d’une volonté politique d’inclure certaines propositions dans le projet final de la Constitution, qui ne soient pas celles proposées par les commissions constitutionnelles des deux pouvoirs, d’une part, et des juridictions, d’autre part », indique-t-il. « Il s’agit de deux différends fondamentaux qui portent sur le régime politique et l’indépendance de la justice, ce qui accentue la conviction de préméditation », conclut le porte-parole d’Al Massar.
« Ils auraient pu nous épargner ce flottement s’ils avaient attendu les 72 heures réclamées par l’opposition afin de parvenir à un consensus général », a également souligné le constituant Ali Becherifa, qui semble convaincu d’un possible consensus !

Ainsi, en plus des réserves de fond sur le projet de la Constitution, des réserves formelles viennent s’ajouter à ce parcours. En effet, ce n’est pas par hasard si d’éminents experts, à l’image de Iyadh Ben Achour, Chafik Sarsar, Hafidha Chekir et Kaïes Saïed, ont refusé de faire partie de l’équipe de révision du projet. Ils avaient contesté la composition de la commission ainsi que le temps imparti pour son travail. Mais, ce n’était que la forme du refus. Le fond du refus de ces experts touche plutôt à ce tâtonnement qui n’en finit pas.
Au niveau du fond, le Professeur Iyadh Ben Achour trouve que les dispositions transitoires « ne répondent à aucune théorie existante en matière de Droit constitutionnel ». Il appelle à les éliminer systématiquement, en plus d’autres retouches à faire pour rendre le projet « acceptable ».

Face à de tels aléas, c’est l’attente à l’ANC. Mustapha Ben Jaâfar ne peut pas foncer tête basse et ignorer le courrier du Tribunal administratif exigeant des réponses sur les prétendus dépassements. Le président de l’ANC avait auparavant respecté les recommandations du Tribunal.
Selon les observateurs, il y a de fortes chances pour que le projet de la Constitution soit réexaminé car les procédures du règlement intérieur n’ont pas été respectées. Les commentaires de Ben Jaâfar sont approximatifs. Il ne défend pas les procédures accomplies mais espère que le Tribunal administratif prenne en considération les impératifs d’empressement de l’ANC.
Ben Jaâfar oublie toutefois que les travaux de l’ANC ont déjà enregistré des retards considérables. Ce ne sont pas les quelques semaines de plus qui vont crever la dalle, surtout qu’il s’agit de questions fondamentales.

Il est désormais clair que la Tunisie, premier « laboratoire » pour l’instauration et la réussite d’un processus démocratique, ne parvient pas encore à maîtriser la coexistence entre des idées divergentes et privilégie la combine sur la recherche patiente d’un compromis. L’élaboration de la Constitution en souffre.

Mounir Ben Mahmoud
17/06/2013 | 1
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