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Tunisie - Le oui/mais d'Ennahdha à l'initiative de l'UGTT
11/10/2012 | 1
min
Tunisie - Le oui/mais d'Ennahdha à l'initiative de l'UGTT
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Alors qu’on la croyait enterrée, l’initiative de l’UGTT reprend sa vivacité ces derniers jours à un point tel que le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, a même pris la peine de se déplacer de son quartier général à Montplaisir à la Place Mohamed Ali, chef-lieu de l’UGTT, pour rencontrer Houcine Abassi et lui exprimer le soutien d’Ennahdha à cette initiative. Comment explique-t-on dans la place politique ce revirement, notamment celui d’Ennahdha ?

Il est vrai que l’initiative de l’UGTT pour débloquer la situation politique dans le pays a été dès le départ bien accueillie par tous les partis ainsi que par les représentants de la société civile et les personnalités indépendantes.
Toutefois, avec les propositions annexes présentées par la centrale syndicale, la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme et le Conseil de l’ordre des avocats, notamment concernant l’Instance supérieure des élections, la Troïka gouvernante a marqué des hésitations, pour ne pas dire plus. D’où le gel des tractations sur ladite initiative.

Entretemps, une déclaration et une date peuvent justifier la réactivation de cette initiative. D’une part, les propos de Nidaa Tounes sur la fin de la légitimité électorale après le 23 octobre et leur appel à des débats pour installer une nouvelle légitimité pour gérer le pays. De tels propos ont secoué le gouvernement qui a crié au complot.
D’autre part, cette date du 23 octobre coïncide avec la fin de l’année accordée aux élus de l’Assemblée nationale constituante pour rédiger la Constitution. Ils étaient 11 partis, dont deux des principaux représentant la majorité actuelle, qui s’étaient engagés moralement à respecter cette date. Aujourd’hui, à son expiration, rien n’a été réalisé, même pas l’instance supérieure des élections.

La Troïka se retrouve donc dos au mur. Elle a fait en vain plusieurs tentatives de sorties de son surplace en miroitant un remaniement ministériel, l’élargissement de l’alliance tripartite, la reconduction de l’alliance du 18 octobre, etc. C’est surtout la situation socioéconomique qui constitue un véritable échec qui risque de se transformer en une sanction électorale.
Avec l’initiative de l’UGTT, une sortie de l’isolement serait possible pour gouvernement, notamment Ennahdha, si le projet apporte l’élargissement de la Troïka. Tous les partis ventilent, en effet, les mêmes slogans et Ennahdha pourrait tirer profit en ralliant ses ex-alliés du 18 octobre, isolant du coup Nidaa Tounes et le camp laïc "orthodoxe". C’est le vœu pieux de Rached Ghannouchi.

Al Joumhouri de Néjib Chebbi et le Front populaire de Hamma Hammami et Chokri Belaïd ont refusé cette proposition. Ils y ont vu une tentative de tourner la page sur tous les déboires de l’année passée par Ennahdha et sa Troïka au pouvoir. En plus, ils se sont clairement prononcés contre l’exclusion injustifiée de concurrents politiques.
Ettakatol s’est retrouvé pris entre deux feux. D’une part, il doit défendre la liberté de participation à la vie politique, comme principe universel que ne peut nier un membre à part entière de l’Internationale socialiste. D’autre part, avec la crise qui le traverse, la survie d’Ettakatol dépendrait, selon certains observateurs, en grande partie de son alliance stratégique avec Ennahdha.
Ainsi, la position de ce parti a été mitigée. Son porte-parole officiel, Mohamed Bennour, a affirmé que son parti «soutenait l'initiative de la centrale syndicale (UGTT), relative à un débat national sur les grandes questions de l'heure, sous conditions d'admettre la mise à l’écart des ex-RCDistes».

Pour ce qui est du CPR, c’est toujours ce langage populiste et incohérent puisqu’en acceptant l’initiative de l’UGTT, il se retrouverait en porte-à-faux avec son projet de loi portant sur l’exclusion de tous ceux ayant servi dans un des gouvernements sous Ben Ali ou dans les structures de l’ex-RCD, et ce de 1957 au 14 janvier 2011.
C’est dire qu’on voit mal le CPR des Abbou accepter de s’asseoir à la même table ronde avec des personnes qu’il veut priver de ses droits civiques et politiques les plus élémentaires

Quant à Ettakatol, il considère que l'Union générale tunisienne du travail est habilitée à jouer un rôle consensuel en cette étape. «La classe ouvrière s'engage à faire réussir la révolution et contribuer à l'édification d'un Etat démocratique civil qui repose sur des institutions constitutionnelles respectant les libertés individuelles et publiques».
« Nous appuyons l'initiative de l'UGTT tant qu'elle demeure fidèle aux objectifs de la révolution qui ont appelé à la chute de l'ancien régime, la dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique et la rupture définitive avec le passé », a-t-il encore insisté.

Un flou digne des grands films policiers, tout comme celui d’Ennahdha. En effet, le communiqué de son conseil de la Choura relève "la nécessité de garantir l’indépendance et l’impartialité de l’instance supérieure des élections, affirmant l’interaction positive du Conseil avec l’initiative de l’UGTT".
Ennahdha a essayé d’établir un dialogue en dehors de l’UGTT mais personne de sérieux n’y a répondu. L’étendard 18 octobre a été qualifié de « manœuvre » par Hamma Hammami qui, tout comme Chokri Belaïd, ont refusé au nom du Front populaire l’offre de dialogue d’Ennahdha et se sont rangés derrière celle de l’UGTT.
Or Ennahdha ne veut pas rester prisonnière de cette unique offre de dialogue, émanant de l’UGTT, qui légitime le pouvoir de l’Assemblée nationale constituante et celui du gouvernement actuel après le 23 octobre tout en refusant l’exclusion d’une quelconque composante de la vie politique, hormis ceux qui ne croient pas aux objectifs de la révolution.

L’initiative de l’UGTT permet cette légitimité des urnes, chère à Ennahdha. Mais elle va à l’encontre de sa volonté d’isoler Nidaa Tounes. Ce sont plutôt les partis de la Troïka qui risquent de rater cette occasion de sortie de crise. A force de vouloir le beurre et l’argent du beurre, c’est plutôt le blocage qui pourrait perdurer.
Suite à la grève du mercredi 10 octobre, et en rapport avec l’initiative de la centrale syndicale, son secrétaire général adjoint, Sami Tahri, a vu "les traces d’une manœuvre contre cette initiative". Il a déclaré que «l’UGTT subit désormais des attaques au grand jour, ce qui est de la pure provocation». «La grève des bus et des métros n’est pas la première de ce genre», a-t-il poursuivi. «La provocation tombe à quelques jours de l’initiative de l’UGTT. C’est ce qui est grave», a-t-il constaté en condamnant «le laxisme de la police».

La centrale syndicale estime qu’il est grand temps pour que les dirigeants politiques prennent en compte l’intérêt du pays et rien d’autre pour débloquer une situation qui ne peut attendre.
Pour l’UGTT, son initiative mérite d’être étudiée avec le sérieux et la responsabilité requis tout en estimant que les déclarations d’intentions ne suffisent plus, car la Tunisie a besoin actuellement d’hommes qui savent faire la part des choses et savent prendre les décisions qu’il faut, même si elles paraissent douloureuses pour certains.

Mounir Ben Mahmoud
11/10/2012 | 1
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