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Chroniques
De tout cœur avec Adnène Mansar !
26/02/2014 | 16:03
4 min
Par Marouen Achouri

La Tunisie est arrivée à un point où les institutions sont tellement faibles et n'ont plus aucune aura que l'on parle de coup d'Etat comme si l’on parlait d'un incident de parcours normal, voire banal. Le pire c'est que de tels propos viennent de la présidence de la République à travers son porte-parole officiel, Adnène Mansar.

Selon lui, la Tunisie aurait échappé à un coup d'Etat fomenté par des militaires et des parties politiques avec la complicité d'une chaîne de télévision. Le grand Moncef Marzouki, défenseur de la légitimité et chevalier des valeurs républicaines, serait arrivé à déjouer ce putsch qui prenait pour couverture les funérailles de feu Chokri Belaïd.

Le caractère ridicule de ce type d'affirmation n'est pas à démontrer et les parties incriminées par M. Mansar ont vite fait de réagir vigoureusement. Il est également inutile de s'égosiller à demander pourquoi ces personnes, si leur intention d'ourdir un coup d'Etat est avérée, n'ont pas été traduites en justice. Inutile également de s'interroger sur le timing d'une telle déclaration plus d'un an après les faits présumés.

Par contre, il est utile de s'intéresser au désarroi de M. Mansar. Des kilomètres de lignes ont été consacrés à Moncef Marzouki, à ses péripéties, ses déclarations et ses pitreries. Il ne faut pas en vouloir à Adnène Mansar. Mettons-nous une seconde à sa place : d'universitaire respecté et respectable il est passé au statut de conseiller d'un président qui n'en fera qu'à sa tête de toutes façons et ce sera à ce conseiller de réparer derrière en trouvant des justifications surréalistes. Comment voulez-vous qu’Adnène Mansar ne soit pas aussi désemparé?

Sa dernière sortie doit être comprise et interprétée dans ce cadre là. Il faut bien que le conseiller invente des tragédies héroïques à son patron pour tenter de redorer un blason que le président n'a cessé de trainer par terre. Certainement inspiré par ses larges études en Histoire, Adnène Mansar a produit cette histoire mêlant héroïsme, patriotisme et courage à la manière d'une tragédie grecque.

Adnène Mansar se trouve aujourd'hui coincé entre son appartenance au CPR, qui lui a certainement fourni une solide formation en théorie du complot, et son poste de conseiller à la présidence de la République qui le met aux prises avec un président imprévisible et opiniâtre. Chaque jour, M. Mansar est obligé de jongler entre des journalistes qui ne vivent que pour renverser le pouvoir en place et des politiciens qui ne cessent de critiquer le président, tout en étant complètement écarté des soubresauts décisifs du pays. Quelle aigreur pour quelqu'un qui s'est engagé sur cette route en espérant laisser son nom dans l'Histoire de son pays !

C'est facile de se moquer d’Adnène Mansar et de le mettre au pilori mais il faut raison garder et tenter de comprendre. Lui, enseignant universitaire, est obligé de trouver des stratagèmes pour subtiliser un costume à son président en Turquie ! Le staff du président voulait l'empêcher de mettre un costume particulier au cours d'une visite en Turquie. Pour ce faire, on a fait croire à Moncef Marzouki que l'hôtel gardait un des costumes de tous les présidents qui y passent en guise de souvenir, et il l'a cru ! Imaginez une seconde le sentiment du conseiller à cet instant, imaginez à quel point il pourrait se sentir rabaissé ! Tout ça pour empêcher le président de mettre un costume moche, manifestement. Il faut également comprendre qu'il était hors de question de tenter de convaincre Moncef Marzouki que son costume était moche et qu'il fallait le changer.

Moncef Marzouki est connu pour être têtu et très caractériel. Adnène Mansar est obligé de faire le babysitteur, au moins médiatique, d'un président hors contrôle. Quand ce dernier décide de rompre les relations diplomatiques avec la Syrie, c'est à Adnène Mansar de trouver les justifications. Quand il est décidé de sortir un livre noir, c'est Adnène Mansar qui doit le "vendre", quand Marzouki fait des déclarations préjudiciables à nos relations avec nos voisins, c'est Adnène Mansar qui est obligé de "contextualiser" et d'arrondir les angles. Ce n'est pas du tout une sinécure ! Votre patron est Moncef Marzouki, imaginez un peu le cauchemar que ça peut être !

Voilà qu'en plus de tout ça, on vient l'accuser d'avoir passé des vacances à Paris aux frais de la présidence de la République. Accusation que l'intéressé nie vigoureusement et menace même de porter plainte. Arrêtez, je vous vois venir avec vos formules toutes faites du genre "l'arroseur arrosé" et autres. C'est trop facile…

Le boulot que fait Adnène Mansar n'est pas du tout facile. A lui seul, il emmagasine les étiquettes du ridicule en étant à la fois conseiller d'un président passé maître dans l'improvisation et appartenant au CPR aux côtés de militants de la trempe de Sihem Badi et de Tarek Kahlaoui. La vie ne doit pas être facile tous les jours dans ces conditions. Ne venez pas me parler des avantages perçus en sa qualité de ministre ! Ni le salaire ni les voitures ni le pouvoir ne pourront remplacer le préjudice moral que subit Adnène Mansar tous les jours. Par conséquent, nous sommes de tout cœur avec vous M. Mansar !
26/02/2014 | 16:03
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