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Chroniques
On n'a pas encore digéré les LPR, on nous ressert les salafistes !
13/05/2013 | 1
min
On n'a pas encore digéré les LPR, on nous ressert les salafistes !
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Par Nizar BAHLOUL

Souvenez-vous, c’était en 2012. Chaque fois qu’il y avait une tension politique et un mécontentement populaire, on avait, comme par hasard, une diversion salafiste pour nous occuper ; des menaces de barbus par-ci, des étudiantes en niqab par-là ; une exposition attaquée par-ci, un tribunal incendié par-là. Entre un Abou Iyadh, très recherché, qui débarque en plein centre-ville pour un prêche et les visites de prédicateurs moyenâgeux du Golfe, on avait de quoi nous occuper (et préoccuper) suffisamment pour oublier l’ANC, la Constitution, la Troïka et les turpitudes présidentielles.
Ras-le-bol des salafistes ? Voilà qu’on nous sort les ligues autoproclamées de protection de la révolution. Des petits voyous qui font ce qu’ils veulent en toute impunité. Ils attaquent des locaux, ils menacent des citoyens, ils insultent des politiciens et ils se font récompenser ensuite au Palais de Carthage. On a même vu certains d’entre eux tuer un cadre politique et trouver, par la suite, le soutien d’un parti au pouvoir.
Le filon des LPR étant épuisé, en attendant la recharge de la batterie, voilà que les Salafistes refont parler d’eux.

Un proche de Marzouki a déclaré, vendredi dernier sur une chaîne nahdhaouie, que les Salafistes reçus à Carthage sont des gens qui ont fait allégeance au pouvoir.
Sous Ben Ali, ces Salafistes étaient en prison, dans la clandestinité ou cachés sous leurs lits. Quoiqu’ils fassent, ils savaient qu’ils étaient étroitement surveillés. La révolution leur a permis, comme nous tous, de jouir d’une extraordinaire liberté d’expression et de mouvement.
La question est de savoir s’ils sont en train d’utiliser cette liberté à tort et à travers, comme on veut nous le faire croire, ou s’ils sont en train d’obéir à des ordres venus d’en haut ?

Des petits indices, ici et là, laissent montrer que les Salafistes ne sont pas ces électrons libres qui défient ouvertement et impunément le taghout (le tyran, comme ils qualifient les forces de l’ordre).
Malgré toutes les infractions commises en 2012, dont certaines en direct à la télé, les Salafistes ont été quasiment tous libérés après quelques jours en prison. Y compris ceux arrêtés lors de l’attaque de l’ambassade américaine.
Certains salafistes radicaux avaient le même avocat que certains membres du gouvernement Jebali.
Malgré les moyens dont dispose le ministère de l’Intérieur- et ces moyens ont fonctionné parfaitement durant des décennies- on n’a toujours pas mis la main sur leur chef Abou Iyadh.
Le quotidien Essour a publié la semaine dernière une information explosive indiquant que le député d’Ennahdha Walid Bennani a eu une communication téléphonique avec un des terroristes salafistes de Jebel Chaâmbi. Un journal, quel que soit le degré de son sérieux, n’aurait pas dévoilé à la légère un secret de l’instruction de cette gravité, s’il n’avait pas été sûr de ses sources. Si M. Bennani a démenti (sans convaincre) l’information, on attend encore un démenti de la part du juge d’instruction ou de l’autorité qui suit le dossier. C’est dire les suspicions qui pèsent sur les liens et la complicité entre la sphère au pouvoir et les salafistes et qui viennent s’ajouter à l’historique violent des leaders de cette sphère.

Autres indices, moins importants, sur ces liens. Quand Chokri Belaïd a été assassiné, une foule immense a marqué de sa présence les funérailles. Un extraordinaire soutien s’est manifesté à tous les niveaux au sein de l’opposition, des médias et de la société civile.
Par quoi la sphère au pouvoir a répondu à ces manifestations ouvertement hostiles à la troïka ? Par deux contre-manifestations de soutien au pouvoir, organisées à l’avenue Habib Bourguiba, et pour lesquelles on a ramené des sympathisants des quatre coins du pays.
Grâce au reportage télévisé d’Ettounseyia, on a pu découvrir que ces sympathisants ont été payés rubis sur ongles, et avec des biscuits Chocotom, pour manifester leur soutien à Ennahdha and co. On a également pu voir l’hystérie de certains ministres, lors de cette contre-manif.
Pourquoi il n’y a pas eu une manifestation similaire au lendemain des événements de Chaâmbi ? Le parti au pouvoir s’est suffi d’un communiqué et d’une conférence de presse, alors que le président de la République s’est déplacé pour dix minutes afin de prononcer un speech qui s’est rapidement inscrit dans son bêtisier. Ne parlons pas du CPR dont le cerveau des dirigeants est constamment bloqué comme un disque rayé sur les « azlem ».
Qu’est-ce qui empêche la troïka d’organiser une « malyouniya » (manifestation rassemblant un million de personnes) et signifier clairement son rejet du terrorisme et du discours salafiste primitif qui menace tout le pays ?
Qu’est-ce qui empêche la troïka d’appliquer la loi et d’arrêter ces leaders politiques qui mettent réellement le bâton dans les roues de l’économie ? Et ce qui est valable pour les Salafistes l’est également pour les LPR.
Pourquoi la troïka alimente-t-elle ce climat d’insécurité ?

Les chiffres sont têtus. Les derniers sondages montrent tous qu’Ennahdha et ses dirigeants sont en chute libre. Le CPR et Ettakatol ont des pourcentages bien insignifiants. Dans leurs déclarations publiques, nos dirigeants mettent en doute ces sondages, mais ils savent, au fond d’eux, que ces sondages reflètent bien la réalité, puisqu’ils ont les moyens de commander leurs propres études auprès d’instituts indépendants qu’ils jugent fiables.
Les faits sont également têtus. La constitution tarde à s’écrire et à trouver un consensus (on en est arrivés carrément à la falsification de certains textes), l’ISIE tarde à se mettre en place, des irrégularités sont constatées et il y a de fortes suspicions qu’on cherche à trafiquer les futures élections, certains ministres ont été épinglés pour leur mauvaise gestion, voire malversation.
Autant d’éléments qui font que la popularité de la troïka est au plus bas et qu’elle cherche à gagner du temps pour retarder, le maximum possible, l’échéance électorale. L’objectif étant de ne pas laisser le pouvoir lui échapper et continuer à profiter du « gâteau ». Cela a été dit d’ailleurs « on ne peut pas organiser des élections alors qu’il y a de l’insécurité ».
Dernier élément, et cela a été dit par Ghannouchi dans le passé, « Regardez combien les Salafistes sont violents, regardez combien nous sommes modérés. Acceptez-nous, sinon gare à vous, car ce qui vous attend est pire ! ».
Ainsi donc, on a droit, par alternance, à des saisons des feuilletons LPR et Salafistes.
Le hic, c’est que si les LPR et les militants d’Ennahdha et du CPR se suffisent de broutilles et quelques Chocotom, il n’en est pas de même pour les Salafistes.
Ces derniers ont des armes, ils les utilisent déjà contre les forces de l’ordre, ils les utiliseront demain contre les laïcs et les retourneront demain contre leurs propres commanditaires. C’est exactement ce qu’ont fait les Talibans créés de toutes pièces par les Américains avec la complicité wahhabite.

N.B. : Pensée à Sami Fehri et Nabil Chettaoui, sous les verrous depuis des mois, en attente de leurs procès
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