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Tribunes
Maâter a sous-estimé les problèmes du chômage et son impact
06/07/2012 | 1
min
Maâter a sous-estimé les problèmes du chômage et son impact
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Par Lotfi Saibi *

Le problème du chômage a toujours été un sujet très important qui m'a largement interpelé et dans lequel je me suis beaucoup investi en essayant de mieux le comprendre et en apportant mon soutien selon mes propres moyens. En tant que professeur d'université, chef d’entreprise, comme quelqu'un qui a grandi au centre-ouest de la Tunisie, une région où près de 45% de ceux qui sont diplômés de l'université ne trouvent pas de travail et en tant que père compatissant d'un diplômé universitaire qui comprend que la dignité est égale à un emploi, il m'est douloureux de voir les rêves des générations futures, et celles de leurs familles partir en fumée.
C’est justement pour cela que j'ai salué l'initiative du gouvernement provisoire que d'organiser un congrès de trois jours pour chercher et débattre des stratégies, tendre la main à ceux qui ont une certaine expérience dans le traitement des problèmes de chômage. Je pensais que de belles résolutions sortiront une fois les données recueillies, développées et analysées.

Malheureusement, durant ces 3 jours de congrès, nous avons assisté à plusieurs opportunités ratées par le gouvernement. M. Abdelwahab Maâter, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, avait sous-estimé, lors de ses apparitions dans les medias, la gravité du problème du chômage et son impact sur la psychologie d'un jeune et sur l'économie politique des 30 ans à venir.
Ce même mauvais calcul lui a fait perdre des points en matière de mesures correctives (embaucher les jeunes diplômés en priorité par exemple) durant les 6 derniers mois. Il a fini par prendre une série de décisions, dont aucune n'a été suffisamment puissante pour réparer le mal en place. Pire encore, et dans une extraordinaire démonstration d’irresponsabilité, il s’est mis à attaquer les administrations précédentes et à blâmer le manque d’enthousiasme et de courage des chômeurs.

Il est clair que tout citoyen, chômeur ou travailleur, diplômé ou pas d’ailleurs, mérite un meilleur traitement de la part d’un fonctionnaire de l’Etat qui a eu accès à ce poste grâce aux innombrables promesses qu’il a faites, et dont le droit à un emploi était sa préférée. Ce genre de comportement, venant d’un haut responsable, me laisse perplexe quant à la capacité de ce gouvernement à résoudre un problème dont il ne reconnaît même pas l’existence. Cette insensibilité de la part du ministre serait le parfait exemple de leadership à ne jamais suivre.
J’ai malheureusement fini par laisser la méfiance prendre le dessus quant aux objectifs réels du congrès. Etait-ce vraiment destiné à apporter des solutions aux 800.000 chômeurs ? Pourquoi n’a-t-on pas pensé à les consulter ? Où étaient les diplômés chômeurs qui errent dans les quatre coins du pays ? On aurait pu les emmener par bus, on aurait dû les mettre dans des hôtels décents et les traiter avec autant de courtoisie que celle que nous accordons aux étrangers en provenance d'autres pays arabes.
A ma grande surprise, rien de cela n’a été prévu, et les représentants des diplômés chômeurs n’étaient pas les seuls à manquer le rendez-vous ; les partis d'opposition, les experts, les économistes, les syndicats (UGTT), les organisations patronales (UTICA, CONECT), les entreprises nationales (PGH ou BSB) ainsi que les compagnies multinationales ont tous été absents. Il est clair que ce congrès n’avait rien de « national » vu que la participation s’y était limitée à des interventions « amicales » de professeurs universitaires et la présence de jeunes consultants très enthousiastes mais qui manquaient d’expérience pratique.
J’aurais tant aimé voir le parti au pouvoir assumer sa responsabilité et prendre l'initiative de rassembler les diverses parties prenantes, quelles que soient leurs idéologies ou allégeances, afin de ressortir avec les meilleures propositions possibles. Cela aurait été un excellent exemple de maturité en matière de leadership politique et aurait pu être l'étincelle qui ramènerait notre pays aux vrais combats de la révolution : l'emploi et la dignité.
Par soucis de transparence, je tiens à vous raconter cette anecdote. J'ai rencontré trois jeunes filles de Sfax et Médenine qui ont dû, chacune, emprunter de l'argent pour pouvoir assister au congrès. Elles ne venaient pas chercher les solutions proposées par le gouvernement. Elles avaient tout simplement l'espoir de rencontrer des chefs d’entreprises afin qu'elles puissent transmettre leurs CV et peut-être obtenir une interview ou deux. Malheureusement pour elles, personne n’a songé à inviter des chefs d'entreprises.

J’ose espérer que l’année prochaine, le MFPE sera plus sensible et plus compatissant envers le million de chômeurs qu’on aura au pays. J’ose également espérer que le prochain congrès sera plus inclusif et pourra réunir toutes les parties prenantes.


* Lotfi Saïbi est originaire de Sidi Bouzid, professeur en leadership et CEO de 4D-Leadership House.
Formé à Harvard, il a longtemps vécu aux USA et est rentré en Tunisie depuis la révolution
06/07/2012 | 1
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