A la Une
Tunisie - Les nouvelles clés de réussite de l'investissement en Tunisie

{legende_image}
Comparée à d’autres pays à niveau de développement similaire, la Tunisie enregistre un déficit structurel de l’investissement privé. En dépit de fondamentaux macroéconomiques « sains » et de réformes structurelles, la croissance de notre pays s’est appuyée davantage sur l’investissement public, alors que l’investissement privé en 2008 demeurait comprimé à environ 15% du PIB, représentant ainsi 62,8% de l’investissement total (hors investissement des ménages sous forme d’acquisition de logement, cette part tombe à 58,7%), soit à un niveau nettement inférieur à celui de la Turquie ou du Maroc.
Certes, l’inefficacité microéconomique, la confiance dans le milieu des affaires et les contraintes du financement sont largement responsables des stratégies d’attente et du retardement des décisions d’investissement de la part des entreprises. D’autres variables, comme les institutions spécialisées, la corruption, la fiscalité, l’administration et la loi de la concurrence, pourraient constituer, aussi, des obstacles majeurs pour la dynamique de l’investissement et pour le processus de création des entreprises d’une manière générale.
Une des raisons de la faiblesse de l’investissement privé est l’ouverture limitée, mais ciblée à des proches du pouvoir, des marchés de services et des industries de réseau notamment les technologies d’information et de communication et le transport, ce qui maintient le coût des services à un niveau élevé entravant la compétitivité et privant la Tunisie d’importantes opportunités pour l’investissement privé. Une autre raison est l’incertitude accrue de l’environnement des affaires en raison des changements rapides de l’environnement économique de la Tunisie avec surtout la montée vertigineuse de la corruption.
Ce sont les idées principales sur lesquelles s’est basée l’étude présentée par Kamel Ghazouani, lors de la conférence organisée jeudi 30 juin 2011 au siège de l’IACE, et intitulée « Evaluation des incitations à l’investissement privé : Cas du Code d’Incitation à l’Investissement ».
Cette étude a délimité les conditions dans lesquelles les incitations à l’investissement privé accordées par l’Etat permettent d’entraîner des effets réels en termes de création de richesses de promotion des exportations, d’équilibre régional et de lutte contre le chômage, en se référant au Code d’incitation à l’investissement (CII) promulgué par la loi 120-93.
En effet, le système d’incitation adopté en Tunisie depuis des décennies, bien qu’il soit assez complexe, il se caractérise par une certaine générosité : les incitations accordées dans le cadre du CII sont généreuses comparativement à celles octroyées dans le cadre des anciens codes. Elles sont également plus avantageuses que les incitations accordées à l’investissement dans d’autres pays.
Cependant, comme précité à maintes reprises, le même système se définit par plusieurs distorsions de sélectivité. S’agissant de l’orientation sectorielle, l’investissement privé demeure fortement attiré vers les activités naturellement abritées (les biens non échangeables) ainsi que vers les activités qui ne sont pas encore concernées de manière précise par les accords internationaux, comme l’agriculture.
Selon les chiffres cités dans l'étude, les montants les plus élevés sont enregistrés dans les services. A partir de 1994, la tendance s’est inversée entre l’agriculture et l’industrie. Les explications de la nouvelle orientation prise par l’investissement privé se complètent ; elles indiquent comment un ensemble de facteurs y a concouru. Elles confirment dans leur ensemble le fait que les nouvelles activités qui attirent l’investissement privé sont plutôt tournées vers le marché local et non vers l’exportation.
Cette orientation sectorielle s’explique probablement par le fait que ces activités offrent de nouvelles opportunités d’investissement au secteur privé, mais également par le désengagement de l’Etat de la production et des activités d’exploitation dans un certain nombre de domaines soit en lui rendant plus disponibles les facteurs de production soit en se présentant désormais en tant que client après avoir été pendant longtemps lui-même un fournisseur.
Le système d’incitation a probablement, lui aussi, une certaine responsabilité dans la réorientation de l’investissement privé, en particulier vers l’agriculture. Les mesures qui ont complété le code par la suite ont confirmé et renforcé cet avantage relatif. Les incitations, du moins financières, sont plus faciles à obtenir dans le cas de l’agriculture puisque les avantages sont liés aux opérations d’investissement, même si elles sont segmentées, alors que dans les autres secteurs, les avantages sont accordés pour des projets dans leur ensemble.
De plus, l’impact du régime incitatif actuel sur la croissance, la création d’emplois et l’investissement privé a été plutôt limité et il implique des coûts budgétaires importants et une complexité administrative. Si on se réfère à l’expérience internationale, on remarque que la qualité de la gouvernance économique a son importance pour l’investissement privé. Les entreprises réagissent plus au « climat des investissements » ou à « l’environnement des affaires » qu’aux incitations. Il ressort de plus en plus qu’une saine gouvernance économique est essentielle pour favoriser l’investissement privé et tirer avantage des flux mondiaux accrus d’information, de biens et de capital.
En effet, des faiblesses de la gouvernance économique, en particulier concernant la prévisibilité et la transparence du cadre réglementaire, ainsi que la contestabilité des marchés, constituent une contrainte importante pour l’investissement privé. Les systèmes d’incitation existants courent le risque de limiter les spécialisations du pays à des activités menacées, ce qui pourrait laisser la Tunisie dans une position difficile face à une concurrence internationale plus intense. Une meilleure compréhension des facteurs affectant le climat de l’investissement aiderait à mieux cibler les politiques visant à stimuler l’investissement privé. Il ressort enfin que la dynamisation de l’investissement privé n’est pas, principalement et essentiellement, une question d’incitation.
En fait, si c’était le cas, on aurait remarqué avec la promulgation du code commun des incitations aux investissements, une reprise des investissements en général et notamment à une plus forte participation des promoteurs privés tunisiens, et ce conformément aux objectifs de la réforme.
Toutefois, les résultats ne confirment pas ces attentes. Il serait donc recommandé, selon l’étude de Kamel Ghazouani, de réduire le nombre de statuts et d’organismes de tutelle, de suspendre la discrimination entre le secteur on-shore et le secteur off-shore, de créer une coordination parfaite entre l’administration centrale et l’administration régionale et locale, mais surtout de simplifier le CII par l’institution d’un régime de droit commun applicable automatiquement à tous les investissements à travers la suppression totale des restrictions et discriminations sur l’investissement quel que soit son origine et sa destination.
sur le fil
Dans la même Rubrique
Commentaires
Pépites

Le « Massar » : itinéraire d’un naufrage
25/04/2025
5

Le parquet insensible au racisme
25/04/2025
8