
Dans une réaction publiée sur les réseaux sociaux, la magistrate à la retraite Kalthoum Kennou a exprimé son étonnement face à la chronologie des événements évoqués dans le communiqué du ministère de la Justice, publié dimanche 4 mai 2025. Ce communiqué répondait aux accusations de torture visant des agents pénitentiaires de la prison de Bizerte, dans le cadre de l’affaire du détenu Rayan Khalfi.
Kalthoum Kennou rappelle que la publication initiale de l’avocate de la défense date du vendredi 2 mai à 23h26. Or, le communiqué ministériel affirme que le parquet près le tribunal de première instance de Bizerte aurait, ce même jour, immédiatement ordonné l’extraction du détenu afin de le faire examiner par un représentant du ministère public. Ce dernier n’aurait constaté aucune trace de violence sur le corps du détenu, établissant un procès-verbal en ce sens.
Pour l’ancienne présidente de l’Association des magistrats tunisiens, cette séquence soulève plusieurs interrogations : « Comment le parquet a-t-il pu être alerté par une publication sur Facebook, engager toutes les procédures administratives et judiciaires, contacter la prison, extraire le détenu en pleine nuit, mobiliser un véhicule pour son transfert au tribunal et effectuer l’audition avant minuit ? », écrit-elle.
Kalthoum Kennou pointe également l’absence d’un médecin légiste lors de la prétendue constatation, s’interrogeant sur la valeur probante d’un tel examen, effectué sans expertise médicale indépendante. Elle s’étonne aussi de l’absence de l’avocate de la défense lors de cette opération, ce qui, selon elle, aurait contribué à garantir la transparence et à dissiper tout doute sur la régularité de la procédure.
« Je formule ces remarques pour éviter toute remise en question des procédures et pour que les choses soient faites dans la clarté », conclut-elle, tout en appelant à davantage de rigueur dans le traitement d'allégations aussi graves que celles de torture.
Ce même constat a été fait par l'avocat, Me Malek Ben Amor, qui l'a relevé à travers un statut Facebook. Il a conclu sa publication sur un ton ironique en indiquant : « Honnêtement, je suis fier de ce que fait le ministère de la Justice : rapidité, efficacité, rigueur… Sur la question de la torture, le ministère ne plaisante pas, machallah… Et nous, en tant que peuple tunisien authentique avec un minimum de bon sens, évidemment, on ne peut que croire cette version… absolument incontestable, n’est-ce pas ?»
Cette prise de position s’ajoute aux nombreuses réactions émanant de la société civile, notamment de l’Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT), qui appelle à une enquête judiciaire indépendante et à la libération immédiate du jeune détenu.
S.H

