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Les déboires de la BH Bank vont-ils continuer en 2025 ?
29/04/2025 | 15:36
10 min
Les déboires de la BH Bank vont-ils continuer en 2025 ?

  

 

"Surréaliste" est le mot le plus à même de décrire l’assemblée générale ordinaire de la BH Bank, qui s’est tenue samedi 26 avril 2025 au siège de la banque sous l’égide de Taoufik Mnasri, président du Conseil d’administration, Lotfi Ben Hammouda directeur général par intérim et en présence du mandataire spécial de l’État, Fethi Belaoued. Au menu, entre autres, des représentants de l’État qui sont en conflit et qui l’étalent en AGO et des petits porteurs en colère qui ne comprennent pas comment la banque s’est embourbée avec un groupement oléicole à hauteur de 450 millions de dinars.

 

Il faut dire que la colère des petits porteurs est justifiée, le résultat net de la banque s’étant pratiquement divisé par deux, passant de 140,01 millions dinars fin 2023 à 70,4 millions de dinars fin 2024. Cela est dû à une hausse des dotations aux provisions constatées qui a atteint un montant de 349,59 millions de dinars en 2024 contre 159,94 millions de dinars en 2023, suite à la fuite de l’homme d’affaires Adel Ben Romdhane, qui avait un engagement massif de plus de 450 millions de dinars.

La BH Bank avait annoncé un résultat net de 108,51 millions de dinars, avant son rétropédalage et une révision de ses états financiers au 31 décembre 2024, suite à la réserve formulée par les commissaires aux comptes.

Ainsi, le taux de créances douteuses (CDL) grimpe à 19,4% (loin des 7% réglementaires que devrait atteindre la banque d’ici 2026) alors que le taux de couverture des créances classées a baissé à 55%.

 

 

 

Notons que la banque avait réussi à augmenter son Produit net bancaire (PNB) de 11,9%, pour atteindre 744,23 MD fin 2024. Les dépôts et avoirs de la clientèle se sont situés à 9,01 milliards de dinars (+3%) alors que les créances sur la clientèle se sont situées à 10,65 milliards de dinars (+4,3%). L’établissement a payé un impôt sur les bénéfices de 37,81 MD, une contribution sociale de solidarité de 3,78 MD et une contribution conjoncturelle de 3,78 MD.

Côté ratios de gestion et de rentabilité, la banque termine son exercice 2024 avec un ROE (rentabilité des fonds propres) de 5,2% (contre 10,5% un an auparavant) et un ROA de 0,49 (contre 1% un an auparavant). Le ratio de solvabilité est de 14,6% (contre 15,4% un an auparavant) pour un Tier one de 12,5% (contre 13 % un an auparavant). Quant aux ratios prudentiels, le ratio crédits/dépôts (LTD) a atteint 113,4% contre (115,1% un an auparavant) alors que le ratio de liquidité LCR a atteint 128,5% (contre 125,1% un auparavant).

Taoufik Mnasri a ainsi affirmé qu’en dépit d’une conjoncture nationale et internationale difficile aggravée par les circonstances internationales et le resserrement généralisé des politiques monétaires à l’échelle mondiale, la BH Bank a continué avec résolution, détermination et sérénité le développement de son activité. Elle s’est focalisée essentiellement en 2024 sur la rationalisation de sa gouvernance, le renforcement de ses dispositifs de conformité et de maîtrise des risques inhérents à ses activités, la poursuite de l'assainissement de son portefeuille de crédits et l'accélération du processus de recouvrement et ce avec pour objectifs l’optimisation de sa rentabilité et l’amélioration de sa part de marché aussi bien en termes de ressources que de crédits. La banque a également poursuivi la finalisation de ses projets stratégiques 2023/2026.

 

 

Pour sa part, Lotfi Ben Hammouda a assuré : « La BH Bank a prouvé au cours de 2024, en dépit de la conjoncture économique exceptionnelle difficile, sa capacité à réaliser des indicateurs positifs. Elle a poursuivi en 2024 la réalisation de stratégie qui a pour objectif d’attirer les clients, l’amélioration de la quantité des services, tout en veillant à ce que le développement administratif soit sain et conforme aux normes réglementaires ».

Et d’ajouter : « La banque détient toutes les composantes de la réussite, ce qui lui permet d’être un élément actif dans le financement des divers secteurs et de proposer les meilleurs des services. L’objectif étant d’occuper une position digne de son passé, qui correspond aux aspirations de ses actionnaires et aux attentes de ses clients. La banque poursuivra la mise en œuvre de ses programmes suivant sa stratégie, dans l’objectif de se rapprocher davantage des clients.

La BH Bank continuera à jouer son rôle historique et à respecter son engament de soutenir la politique économique du pays, notamment en accompagnant les entreprises publiques dans leurs investissements stratégiques ainsi que les entreprises privées qui soutiennent l’économie nationale. Elle poursuivra son engagement à faire réussir le programme des entreprises communautaires, en fournissant les financements, l’accompagnement et l’assistance technique nécessaires ».

 

 

Lors du débat, l’affaire d’Adel Ben Romdhane a été mise sur le tapis à de multiples reprises par plusieurs actionnaires et même le mandataire de l’État qui les a rejoint en s’interrogeant comment un tel engagement a été consenti à une seule personne.

En réponse, le président du Conseil d’administration a précisé qu’il s’agit d’un groupement oléicole et que ce dernier a respecté ses engagements tout au long de 2024. Pour lui, d’autres pays ont profité de cet incident pour porter atteinte à la Tunisie et son économie, l’huile d’olive tunisienne étant dans son collimateur.

Le DG par intérim a quant à lui rappelé qu’il s’agit d’un client qui collabore depuis longtemps avec la banque, et cela dans le cadre de la politique de soutien à un secteur stratégique pour le pays, l’huile d’olive.

« Nous sommes toujours sollicités par les ministères intervenants pour aider ce secteur, agriculteurs et exportateurs. La BH Bank a toujours figuré parmi les premiers dans le financement de ce secteur. Le président de ce groupement, est un homme de référence dans le secteur de l’huile. Il figure parmi cinq ou six personnes qui sont sommeliers en huile d'olive et techniciens de leur secteur, capables de passer des accords d’exportation d’huile d’olive.

Nous sommes conscients du niveau d’engament élevé et on a pris les mesures nécessaires. 2024 a engrangé 1,4 milliard de dinars en recettes d’exportation d’huile d’olive. On va faire en sorte que les processus se poursuivent pour qu’on puisse récupérer les fonds avancés, mais l’intervention de la justice et la fuite de l’intéressé à l’étranger compliquent les choses », a-t-il expliqué.

Il a aussi appelé les actionnaires à relativiser, en affirmant que certains clients ont contracté plus que le montant mentionné.

 

 

S’agissant des provisions, la hausse ne concerne pas que le secteur oléicole, mais aussi le secteur de la promotion immobilière, qui vit une crise actuellement. Le DG a expliqué cela par le refus des secrétaires généraux des municipalités de signer les PV de recollement pour les promoteurs immobiliers, les empêchant de vendre les biens qu’ils ont construit et obligeant les banques à faire des provisions supplémentaires.

En ce qui concerne la TFBank, 2024 a été l’année d’un changement de direction et de la mise en place d’un nouveau plan stratégique, qu’il faudra financer par une augmentation de capital, pour être aussi en adéquation avec les exigences des autorités françaises. L’objectif étant de préserver l’agrément européen dont dispose l’établissement bancaire. La banque devrait devenir rentable à partir de 2027, selon le DG.

 

La séance a été ponctuée par une joute verbale entre les différents représentants de l’État (en particulier le président du conseil d’administration et le mandataire de l’État), comme s’ils représentaient des entités différentes, le tout au vu et au su de tous, et en pleine assemblée, outre le fait qu’ils parlaient souvent en même temps, rendant difficile la compréhension de ce qu’ils disent.

Le premier conflit a concerné l’augmentation du dividende. Le mandataire de l’État ayant proposé l’augmentation du dividende de 0,1 dinar pour le porter à 0,5 dinar. Les petits porteurs ont renchéri en demandant d’augmenter de 0,2 dinar pour le porter à 0,6 dinar, chose qu’a approuvé le mandataire de l’État, le temps de vérifier si les limites fixées par la Banque centrale étaient respectées et faisant l’impasse sur l’approbation exigée de l’autorité monétaire. Or, et après plusieurs minutes de confusion, il s’est avéré impossible d’augmenter le dividende, la banque ne disposant pas des fonds nécessaire. Pour excuse, le mandataire de l’État a expliqué qu’il s’est référé aux premiers états financiers publiés par la banque avant l’effort supplémentaire de provision fait suite aux observations des commissaires aux comptes. Bien sûr ce revirement a causé l’hystérie de quelques actionnaires.

Ainsi, l’établissement bancaire distribuera des dividendes pour un montant global de 19,04 millions de dinars (dont trois millions de dinars en franchise de retenue à la source). Le dividende sera de 0,4 dinar par action (contre 1,1 dinar un an auparavant). Il sera mis en paiement le 12 mai 2025.

 

 

Le deuxième conflit a concerné la nomination des nouveaux commissaires aux comptes, le mandataire de l’État ayant réclamé que le vote pour la résolution soit reporté. Il reproche un manque de transparence, et cela après une plainte déposée par certains commissaires aux comptes. Chose à laquelle a répondu Taoufik Mnasri d’une manière virulente car portant atteinte à l’intégrité du conseil. Il a indiqué qu’il s’est conformé à la loi bancaire n’étant pas tenu de respecter le cahier de charges, après consultation du Corps du contrôle d’État et les services législatifs de la présidence du gouvernement, surtout que selon la loi bancaire les noms des commissaires aux comptes devaient être envoyés à l’autorité monétaire pour approbation, un mois avant la tenue de l’AGO.

En réponse, le mandataire de l’État a rétorqué que d’habitude la présidence du gouvernement envoie le jour de l’AGO un courrier comprenant trois noms et le conseil doit en choisir un.

 

Notons que les assemblées de la BH Bank sont souvent houleuses. Il y a deux ans le ministère des Finances avait imposé un DG, actuellement en prison, et cela malgré le véto des membres privés du Conseil d’administration. D’ailleurs, le ministère a choisi de les éjecter eux lors de l’AGO pour placer son poulain.

 

Concernant l’impact de la nouvelle législation des chèques, Taoufik Mnasri a indiqué, en réponse à une question de Business News, que la banque sera impactée à hauteur de six millions de dinars annuellement au titre des commissions sur chèque, bien qu’il espère que ce manque à gagner sera compensé par les nouveaux produits, notamment une carte de paiement fractionné. La BH Bank sera impactée à hauteur de 27 MD pour l'application de la réduction des intérêts sur les crédits à taux fixe pour 2025.

Dans leur rapport, les commissaires aux comptes estiment que l’encours des crédits potentiellement concernés par cette disposition est de 1,03 milliards de dinars au 31 décembre 2024. Et d’ajouter que « l’estimation de la minoration des intérêts contractuels en tenant compte de la totalité de la période de remboursement des crédits en cours concernés par la dite loi serait de 155,8 MD pour les exercices allant de 2025 à 2046.

L’impact de la loi sus visée au titre des demandes conformes à cette législation, reçues entre la date de sa promulgation et le 31 décembre 2024 a été estimé et provisionné au niveau des états financiers de la banque à raison de 1,4 MD ».

 

Lotfi ben Hammouda a affirmé que face à des circonstances exceptionnelles à plus d’un égard, la BH Bank a fait preuve de résilience et montré une grande capacité à réajuster efficacement son dispositif opérationnel pour gérer l’ensemble de contraintes auxquelles elle a été exposée. Il s’est engagé à concrétiser la stratégie de la banque.

Taoufik Mnasri a, quant à lui, assuré qu’en dépit des circonstances nationales et internationales difficiles, l’établissement s’emploiera à développer ses activités, tout en poursuivant la concrétisation de ses projets stratégiques. Il s’engage à améliorer ses résultats et à renforcer sa position sur le marché.

 

L’année 2024 a été très compliquée pour la BH Bank. Malheureusement, 2025 s’annonce aussi fastidieuse pour la banque, chose qui ne peut que faire grincer des dents les petits porteurs. Ils risquent de voir le dividende distribué en baisse ou pire avec carrément une non distribution de bénéfice.

 

Imen NOUIRA

29/04/2025 | 15:36
10 min
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Commentaires
Dr. Jamel Tazarki
Logos!
a posté le 29-04-2025 à 21:16
Je ne crois pas que l'homme d'affaires Adel Ben Romdhane a volé quoi que ce soit. En effet, je suppose (je dis bien "je suppose") que:
a) je suppose que le prêt de 450 millions de dinars a été accordé à Mr. Adel Ben Romdhane avec le consentement d'un des ex-gouvernements de 2024 et que probablement (je dis bien "probablement") même la présidence de la République était au courant de ce prêt. --> La preuve que jusqu'à maintenant aucun haut responsable de la BH n'a été rendu juridiquement responsable (ce qui est en contradiction avec la justice de KS qui a l'habitude de mettre d'abord les hauts responsables par un Mandat de dépôt en détention provisoire pour clarification de la situation --> mais cette fois-ci rien de cela --> il y a un camouflage)

Celui qui a donné l'ordre d'accorder ce prêt de 450 millions de dinars est intouchable, d'où le silence absolu et le camouflage autour de cette affaire.

l'homme d'affaires Adel Ben Romdhane n'est probablement que "le dindon de la farce" (il s'est fait duper par autrui). Certes le prêt de 450 millions de dinars a été accordé peu à peu à Mr. Ben Romdhane, mais probablement à condition de suivre une feuille de route très mal pensée.


Ne prétendez pas:
- Ne prétendez pas que l'homme d'affaires Adel Ben Romdhane a eu le prêt de 450 millions de dinars sans aucun contrôle de la BH.
- Ne prétendez pas que l'homme d'affaires Adel Ben Romdhane est passé un matin à la BH pour avoir le prêt de 450 millions de dinars dans un sac à dos, et tout de suite après il a pris l'avion avec le sac à dos direction de l'Europe:))
- Ne prétendez pas que l'homme d'affaires Adel Ben Romdhane est passé un matin à la BH pour avoir le prêt de 450 millions dans une jarre qu'il a enterrée quelque part avant sa fuite vers l'Europe:))

On voudrait savoir, tout simplement toute la vérité derrière cette perte de 450 millions de dinars que l'on prenne trop à la légère... Puis qui a donné l'ordre d'accorder ce prêt, qui est probablement intouchable par la justice tunisienne

Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien Résident à l'étranger

Dr. Jamel Tazarki
Oui, la faute est à l'absence d'un Etat de droit!
a posté le à 10:32
Puis qui a donné l'ordre d'accorder ce prêt? Cette personne est probablement intouchable par la justice tunisienne...

- Nous sommes entrain de revivre un système bancaire du temps de Ben Ali.
--> depuis les années 60, la Tunisie s'est trouvée dans une boucle (loop/répétition) infinie: excès de créances irrécouvrables accordées par décisions de certains politiciens intouchables par la justice tunisienne et leurs proches, puis leur extinction/anéantissement réalisé(e) par une injection d'argent frais (planche à billets) de notre banque centrale, ou par recapitalisation en injectant de l'argent public ou encore par une mise en sommeil...
--> oui, la faute est à l'absence d'un Etat de droit: --> En Tunisie, la confiance aveugle en certains de nos politiciens constitue l'un des piliers de notre démocratie tout en négligeant la nécessité d'un Etat de droit. Et à chaque fois lorsque cette confiance s'érode, ce même pilier fait basculer l'entier de notre édifice démocratique.

Dr. Jamel Tazarki, Mathématicien Résident à l'étranger

C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique / -économique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.