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Tribunes
Covid-19 et l’obligation d’anticiper
30/03/2020 | 11:59
7 min
Covid-19 et l’obligation d’anticiper

La crise du coronavirus comporte plusieurs dimensions pour lesquelles des groupes de travail doivent être formés afin d’engager des réflexions profondes sur notre présent et notre proche avenir.

A l’heure actuelle, nous observons une focalisation majeure sur les aspects sanitaires ainsi qu’une communication réelle mais déprimante du nombre de personnes Covid-19 positives et du nombre de décès sur le territoire national et à l’échelle planétaire. Cette information, ajoutée au confinement, crée un désarroi terrible et pourrait avoir des conséquences terribles sur les plans psychologique et comportemental. Notre population, quelle que soit la tranche d’âge considérée, perd ses repères et son cadre de défoulement et/ou d’épanouissement. Le travail et les loisirs qui remplissaient ces fonctions ont disparu provoquant dépression et désarroi. Le suicide du ministre Allemand des finances (Région de Hesse) à l’âge de 54 ans, marié et père de deux enfants, doit nous inciter à prendre en considération ces phénomènes.

Que faire ? Voila une question que ne cessent de se poser les uns et les autres depuis des lustres. Devons nous faire part de perspectives à nos citoyens afin qu’ils puissent s’y préparer, en discuter et accepter les consensus sociétaux ? Pour l’anticipation sur les situations futures représente une obligation pour nos élites et nos penseurs. Notre population a le droit d’espérer et d’avoir une visibilité sur son avenir proche afin de s’y adapter et de s’impliquer. Oui nous avons le devoir pour chaque situation d’anticiper pour le bien de tous. Dans ce but quelques réflexions me viennent à l’esprit :

1- Centraliser les décisions : L’initiative du Gouvernement d’obtenir les pouvoirs pour gérer la présente situation est à saluer. Avec tous mes respects pour le pouvoir législatif, il ne constitue pas un cadre de décisions car trop divisé et il ne peut assumer des responsabilités dont il n’est pas redevable. Pour une fois qu’une instance assume ses prérogatives laissons lui le champ nécessaire et nous pourrons par la suite lui demander des comptes. Nous avons tous convenu qu’il s’agit d’une guerre. Donc acceptons la stratégie liée à cette déclaration qui nécessite un Général entouré de collaborateurs disciplinés. Ne pas accorder cette prérogative au gouvernement hypothèquera lourdement nos chances de succès.

2- Créer des cadres de réflexion : La Tunisie regorge de compétences à tous les niveaux et il est nécessaire de les impliquer sans tenir compte de leurs idéologies ou de leur appartenance politique. Dans ce cadre il est important que nos décideurs s’entourent de groupes de réflexions spécialisés parmi lesquels nous pouvons citer :

  1. Un groupe de travail qui étudie les impacts sociaux et économiques des décisions touchant l’ensemble de la population. A titre d’exemple, nous pouvons citer la décision de confinement de la population. La durée de cette période est importante à prendre en considération. En effet le citoyen acceptera une période qui se compte en jours ou en semaines mais, en aucune manière, à celle qui se compte en mois. Le travail constitue une source de revenu mais aussi un cadre d’épanouissement dont la valeur est immense. D’autre part, la Tunisie est basée sur la classe moyenne et sur un commerce informel important dans certaines régions. De nombreuses familles vivent au jour le jour et ne peuvent assumer une longue période d’inactivité. Certaines personnes commencent à dire qu’elles ont « moins de chance de mourir du corona que de mourir de faim ». Notre tissu économique dont la survie est liée à la durée du confinement agira, à juste titre, de concert avec ces mouvements populaires en voyant les entreprises tomber une à une. Ce cri de révolte risque d’emporter les bénéfices des sacrifices que nous faisons aujourd’hui. Imaginer des scénarii qui tiennent compte du contexte sociodémographique et économique de la Tunisie avec des réponses claires et précises sera un des outputs majeurs de cette commission. Le soutien social aux franges les plus exposées de notre population devra être mis en œuvre (un plan Marshall local) ou encore un confinement uniquement pour les personnes à risque…
  2. Une commission de réflexion sur l’après confinement : Il est certain qu’il y’aura un après Covid-19 où notre quotidien et nos relations seront différents de notre vécu avant cette crise. Rappelez vous les conséquences de l’après Septembre 2001 et ce n’est absolument rien à côté de ce qui nous attends demain. La mondialisation continuera-t-elle à être la règle dans le système international. Toutes les instances internationales sont impliquées d’une manière ou d’une autre dans cette crise à l’exception de l’OMC, pourquoi ? Le poids de la dette et la création d’un front pour éviter que les Etats ne tombent en faillite, devra faire l’objet d’initiatives (non conflictuelles) auprès des instances donatrice nationales, régionales ou internationales.  D’autre part le rôle de l’Etat et des secteurs stratégiques doit être repensé pour que notre futur économique et social repose sur des fondements beaucoup plus solides conférant aux structures publiques un rôle qui leur permet d’accompagner les besoins de la population. Sur un autre plan, une fois qu’on atteindra l’étape des cas sporadiques de Covid19, comment réagirons-nous face à quelqu’un qui tousse dans un avion ou dans un transport en commun? Aurons-nous peur des milieux confinés (théâtres, cinémas) et des lieux de regroupements (stades, discothèques…). Vous pouvez laisser cavaler votre imaginaire et vous verrez que les situations sont multiples et fort préoccupantes.
  3. Une commission  d’accompagnement des stratégies et des besoins sanitaires: Si les décisions dans ce secteur doivent émaner du ministère de la santé, il est important de créer un groupe de travail formé de personnalités indépendantes et scientifiquement reconnues pour donner un point de vue sur les grandes décisions mais également anticiper sur les autres problèmes sanitaires et de disponibilité des produits de santé qui risquent de surgir pendant cette période. Ce groupe de travail ne doit en aucun cas avoir une visibilité publique ni faire valoir ses positions par rapport aux décideurs. Il doit être ouvert à des compétences nationales en matière d’éthique et de logistique.  C’est une guerre sectorielle, qui est menée par le ministère de la santé, et il ne doit y avoir qu’un seul décideur: le Ministre sous l’autorité et le contrôle du Président du Gouvernement.

3- Développer une communication  adaptée: Les médias ont un rôle essentiel à jouer durant cette période. Ils doivent positiver leurs approches et éviter d’ajouter de l’angoisse au vécu du citoyen. Durant cette période le discours des intervenants doit adopter un ton serein et tout autre attitude sera suivi par une déprime aussi contagieuse que le Covid-19. Le risque de panique est réel si on ne se rappelle pas que la population est confinée et n’a d’autre choix que de regarder la télévision ou surfer sur les réseaux sociaux. Les programmes doivent tenir compte du fait qu’à toute heure toutes les tranches d’âge regardent les mêmes programmes et que les sensibilités sont variables. A ce niveau le professionnalisme doit être de rigueur et si tout va bien, nous aurons le temps de faire le buzz après la guerre.

Cette modeste contribution est partagée en vue d’être enrichie par le génie créateur des Tunisiens afin d’en faire un cadre de soutien à nos décideurs.

                                                                                                              Pr Amor Toumi

                                                                                              Cadre de la Santé à la retraite et

                                                                                              Ancien Haut Fonctionnaire de l’OMS

 

 

 

 

30/03/2020 | 11:59
7 min
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Commentaires
LotfiBC
Bravo
a posté le 02-04-2020 à 12:44
Bravo pour cet article; malheureusement on passe , comme souvent à coté de la plaque;les gens mal-informés vivent dans un état de terreur amplifiée par des incompétents qui ont un point de vue sur tout; on ne prend jamais le bon exemple de la Suède ou de la Hollande
Najoua Miladi
L'après Covid19
a posté le 30-03-2020 à 22:36
Merci si Amor. Je partage entièrement et je serai volontaire pour travailler dans la discrétion pour soutenir et bi orienter notre MInistere de la Santé que j'ai servi des années durant et que je servirai encore dans l'intérêt de notre chère Tunisie
BN
OUI MAIS UN TRAITEMENT DE LA SITUATION EN URGENCE
a posté le 30-03-2020 à 18:49
Changera pour beaucoup l'évolution vers une meilleure situation sanitaire et psychologique : 1-commencer l'utilisation d'urgence de l'hydroxychloroquine sur avis et sous contrôle médical. ( inutile de chicaner et de perdre du temps comme en France ou même d'autres pays. on y vient obligatoirement, sauf alternative miracle ) 2- conjointement tester massivement les citoyens même avec le prélèvement nasal comme en chine ( fait en pleine circulation ) et qui ne prend que 5 à 15 mn selon les méthodes de quantification et son prix ne dépassera pas 15 à 20 dinars ( d"après une entreprise privée tunisienne qui s'y met ). De ce fait plus on traite tôt , moins il y des lésions pulmonaires à traiter et le traitement sera alors beaucoup moins lourd et moins coûteux 3- faire des dons en argent et ou en nature aux défavorisés car ça n'attend pas. L'argent est là, il faut savoir l'utiliser de suite et non quand il sera trop tard. -----Rien que ces trois actions simultanées, bien sûr avec les MESURES PREVENTIVES strictes et l'application de loi sur les spéculateurs,donneront un effet très important à court terme sur la psychologie des citoyens et coûtera moins cher sur une période courte. En fait, c'est la même logique que celle qu'on aurai du décider le confinement 2 à 3 semaines ( minimum -d'ailleurs les médecins l'ont demandé mais les politiques ne l'ont pas fait ) avant le 22 mars.
wild bled
Sagesse et maîtrise de la situation exigées
a posté le 30-03-2020 à 17:40
Oui, l'économique et bien entendu le social, cela va de soi. C'est une extrême urgence. '?tre alarmiste, c'est être réaliste. Cette crise doit être dirigée avec vigueur 24 heures sur 24. Il n'y a pas de place à l'incompétence. Attention, ça grogne grave !
Tayachi Nawel
Commentaire
a posté le 30-03-2020 à 15:27
Bravo doc Toumi Amor ' vous avez résumé tt, j'espère que les décideurs prendront cela en considération et faire les bonnes décisions dans ces moments difficiles dont on a besoin vraiment des décisions courageuses et laisser à côté leur appartenance politique et idéologique.
Vieux Routier
Sereins et Proactifs
a posté le 30-03-2020 à 15:22
Merci pour ces messages sereins et sages.
Gérer l'humain complexe de notre quotidien de confinés sans panique mais sans désinvolture. Avons nous pensé aux ouvriers du bâtiment originaires de pays d'Afrique Subsaharienne? Comment gérons nous les réfugiés ?
Le monde après la pandémie sera certainement différent de celui que nous avons connu ... d'autres valeurs réapparaîtront ? Quel sens donnerons nous à la solidarité ?
La nouvelle place de l'Etat après la pandémie ? Fini le temps de l'Etat steward et réapparition de l'Etat opérateur à travers ses structures publiques, tant décriées chez nous.
L'anticipation nous permettra d'être proactifs.
MERCI en espérant que votre essai soit enrichi par diverses compétences et qu'il éclaire nos gouvernants.
Seche
Pourquoi pas
a posté le 30-03-2020 à 14:53
Cette tribune est la bienvenue à un moment où le doute plane à tous les niveaux, l'imagination de scénarios catastrophes relayés par les médias et l'absence de visibilité par rapport au quotidien de tout un chacun. Il est impératif de s'organiser et de solliciter les compétences qui, j'en suis sûre, n'attendent que ça pour aider le pays à se préparer à l'après confinement quelle que soit sa durée.
DHEJ
Ancien de l'OMS
a posté le 30-03-2020 à 13:58
Mais nous sommes dans ls merde c'est à cause de cette modute OMS et son patron le xxx

Il aurait dû anticipé depuis l'apparition de la BACT'?RIE EN CHINE..


Mais il a fait les yeux doux à Xi Jinping...
Rached
Remerciement à Pr.Toumi pour cette reflexion. Espérant quelle trouve son echo auprès des décideurs.
a posté le 30-03-2020 à 13:56
Ces idées émanant d'un expert chevronné, devraient être une base pour la mise en place d'un plan d'actions dynamique, fédérant des compétences de divers horizons afin d'éclairer le décideur politique. Seule la conjugaisons des efforts de toutes les bonnes volontés de notre pays est capable de minimiser les dégâts et de nous éviter un scénario cauchemardesque. Bravo Pr.Toumi.