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Chroniques
Ce que le drame de Zarzis nous enseigne
Par Synda Tajine
18/10/2022 | 19:59
4 min
Ce que le drame de Zarzis nous enseigne

 

« Tu as de la chance d’avoir retrouvé le corps de ton fils ». Au milieu des youyous, les familles ne veulent que retrouver les dépouilles de leurs proches, les identifier et les enterrer pour retrouver un soupçon de paix. Tout ce qu’ils demandent, c’est de connaitre la vérité. Qu’est-ce qui est arrivé à leurs proches ? Pourquoi personne n’a survécu à ce drame ? Qu’est-ce qui s’est passé au juste ? Rien de plus. Ce droit leur a été dénié.

Ce que les familles de Zarzis voulaient, c’était une mort digne pour leurs enfants. Un enterrement décent et une reconnaissance de leurs corps, dont certains ont été joints aux nombreux inconnus du cimetière du jardin d’Afrique. On n’a pas pris la peine de les identifier ni d’informer leurs familles. Les raisons de leur départ et les risques qu’ils encourent, les proches les connaissent. Ils les ont acceptées et ils font avec. Certains les ont même poussés à emprunter ces bateaux de la mort, d’autres se sont vus contraints de leur faire leurs adieux avant même leur départ.

 

Nous voulons tous la même chose. Les conditions d’une vie digne, le respect, de quoi vivre décemment, un avenir pour nos enfants, la santé… Nous sommes à la fois pareils, mais si différents. La Tunisie est-elle seule, unique, homogène, ou multiple, plurielle ? Elle est les deux à la fois.

On parle de deux Tunisies. Il n’y en a pas deux, il y en a à la fois plusieurs et une seule qui nous réunit tous, malgré nos différences et nos nombreuses divergences. Le drame de Zarzis peut cependant ne pas toucher chacun d’entre vous. Il peut ne pas indigner les masses. Certains peuvent ne pas se sentir concernés par le destin de ces jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, familles et enfants, qui risquent leurs vies pour aller vivre sous des cieux qui ne sont pas forcément meilleurs. Après tout, ils ont eux-mêmes choisi leur propre mort. Choisi de risquer leurs vies pour un avenir incertain. Là où ils n’auront droit ni à la dignité, ni à une vie décente. Où ils seront pourchassés comme des malpropres et n’auront ni la paix de l’esprit, ni de la stabilité pour leurs enfants. Pourquoi partent-ils ? S’ils partent, ce n’est pas qu’ils essayent de rejoindre un eldorado, c’est parce qu’ils fuient un enfer…

 

Cela les responsables ne l’ont pas compris. Ou font tout pour ne pas l’admettre. Les embarcations de la mort fauchent des citoyens chaque jour et on continue d’aborder le problème de manière sécuritaire, technique et si dénuée de tout rapport à la réalité. Il est évidemment plus simple de jeter les responsabilités aux autres et de s’éloigner de l’essentiel pour ne s’intéresser qu’aux détails, plutôt que d’affronter le problème, d’y plonger et de reconnaitre ses torts.

« Chacun devra assumer ses responsabilités » ; « le phénomène de migration illégale n’a pu proliférer qu’à cause des requins terrestres » ; « certains ont pour dessein de malmener le peuple et d’anéantir tout espoir d’une vie décente dans leur pays » ; « il faut chercher les raisons poussant les citoyens à emprunter les embarcations de la mort ». Voilà ce que le chef de l’Etat réclame. Il évoque : une approche globale et internationale ; l’ouverture d’une enquête ; connaitre les causes de ce drame ; mettre les responsables face à leurs responsabilités… Rien de très concret. Rien qui l’est suffisamment pour apaiser la colère de ces familles endeuillées qui ne demandent qu’à ce qu’on les comprenne…

Le chef de l’Etat a consacré plus d’espace dans ses discours à « ceux qui ourdissent des plans dans l’ombre » ; au 1,8 million de personnes sorties l’acclamer dans la rue ; aux deux fonctionnaires qui ont conduit leur voiture de fonction pour participer à un meeting politique ; aux manifestations de ses adversaires… qu’au drame qui agite une ville entière depuis plusieurs jours. 18 victimes du naufrage d’une embarcation de la mort et un véritable fléau qui fauche des vies depuis des années.

 

La gestion de cette crise a été plus qu’indécente. Elle a été honteuse, indigne… Alors que le rythme des départs des migrants à partir de la Tunisie s’accélère, seule l’approche sécuritaire reste de mise. On évoque un manque de moyens, mais c’est surtout un manque de volonté politique et de solutions face à ce fléau pourtant si humain.

Ce qu’elle nous renseigne avant tout c’est qu’au-delà de la complexité du problème et des raisons qui se cachent derrière, aucun soupçon de solution ne semble être trouvé à l’heure actuelle. Aucune solution ne semble vouloir être trouvée…

 

 

Par Synda Tajine
18/10/2022 | 19:59
4 min
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Commentaires
GZ
L'enfer
a posté le 20-10-2022 à 05:22
Depuis le début de l'année, 14000 Tunisiens ont rejoint les côtes italiennes. L'équivalent d'une ville moyenne.
Le pays se vide.
S'ils partent, ce n'est pas pour rejoindre un quelconque Eldorado, mais, "pour fuir l'enfer", comme vous dîtes si bien.
Cette affaire d'adolescents est l'arbre qui masque la gigantesque forêt. Occasion sur laquelle certains sautent à pieds joints pour inculper des parents endeuillés, comme si perdre un enfant ne suffisait pas à leur malheur, et occulter tout le reste. Migrants de tous âges, toutes conditions, légaux et illégaux, tentatives avortées, morts et rescapés, représentations consulaires cernées , sans évoquer ceux plus nombreux qui, faute de finances, ne peuvent y prétendre.
Dans un élan de double ignominie, on saute sur l'occasion pour imputer aux seules victimes la responsabilité de leur malheur et laver de tout soupçon dirigeants et autorités parfois régaliennes, cf. le commentaire de @Nephentes, marraines de trafic d'êtres humains.
Le tout sans un mot de compassion ni pour les victimes ni pour les leurs.
Aux bien pensants, on ne souhaite pas la perte d'un enfant. De quelque façon que ce soit, naturelle ou violente. On ne survit pas à ses enfants. Ce n'est pas dans l'ordre naturel des choses.
Ils pourraient enfin comprendre ce que passion, empathie et compassion veulent dire. Devenir des hommes de coeur à défaut de raison.
"Fuir l'enfer". Si, aux dires de certains, ailleurs aussi, c'est l'enfer, il faut croire que dans la gradation des enfers la Tunisie serait en bas de l'échelle.
Ok
Tout à fait d'accord avec petit x
a posté le 19-10-2022 à 13:54
Les premiers responsables de ces drames sont les parents qui cotisent et paient pour les embarcations de la mort dans l'espoir que leurs enfants atteignent l'eldorado de l'autre rive, gagnent beaucoup d:argent et envoient les mandats en euro.
Et personne ni politiciens, ni gouvernement, société civile ni journalistes n'ose dénoncer cette hypocrisie et dissuader ces parents ignorants et cupides
Petit x
Chère Synda
a posté le 19-10-2022 à 12:25
Vous dites que les parents des gamins morts noyés ne cherchent qu'une seule chose : connaitre la vérité.

Vous nous prenez pour des imbéciles ou quoi ?

Ou

Est-ce que vous cherchez à caressez vous et vos collègues journalistes et autres politiques populistes ces parents criminels dans le sens du poil ou quoi encore ?

Les parents lorsqu'ils ont embarqué leurs gamins, de 14 et 15 ans, dans des caissons en bois de fortune, au prix fort de 5000 DT/tête, vous croyez qu'ils ne savent pas les risques qu'ils encourent ?

Non, ils savaient très bien que la mer a déjà avalé des milliers de personnes et qu'elle continuera à le faire tant que des imbéciles l'empruntent dans ce genre d'embarcations de la mort, mais ils l'ont fait quand même pour décrocher le jackpot qui n'existe en réalité que dans leurs esprits parce qu'en Europe il n'y a que la misère et la rue qui attend ceux qui réussissent à échapper à la colère de la mer !

Donc, chère Synda BASTA, BASTA... Dites à ces criminels de parents la vérité qui fâche autrement dit il n'y a que eux qui sont responsables de la mort atroce de leurs innocents enfants mineurs.

Le reste n'est que démagogie et populisme de bas étages de la part des journalistes, des politiques et autres sociétés civiles qui ne ratent pas une occasion pour pleurnicher sur le soi-disant sort malheureux des émigrés clandestins, toujours de la faute de l'Etat, mais jamais de leurs fautes ni ceux de leurs proches qui les financent et participent à l'organisation de leurs voyages.

Le monde à l'envers dans ce pauvre pays !





Nephentes
A qui appartient le bateau qui a coulé
a posté le 19-10-2022 à 11:33
Il y a des rumeurs qui circulent là-bas a Zarzis

la vérité sera t-elle dévoilée
Nephentes
Arretons l'hypocrisie
a posté le 19-10-2022 à 11:24
La gestion du trafic de migration illégale Tunisie comme au Maroc sollicite directement la complicité active de certaines autorités locales

le cas de Zarzis n'a pas échappé a la règle, et tout le monde sait la-bas comment les choses se passent :

Une fois arrivé en Tunisie, le migrant et le connection man, qui est une sorte de "guide" appartenant a une mafia locale et travaillant de MANIERE COORDONNEE avec certains responsables sécuritaires locaux , se mettent d'accord sur le prix du transit temporaire en Tunisie; Ce transit varie, selon la prestation choisie, de trois semaines a deux mois en général;

Dans la plupart des cas, le migrant verse un tiers du prix de la traversée au connection man et les deux tiers restants a un "banquier" du pays d'origine, connu de l'un et de l'autre et chargé de percevoir et de conserver les fonds.

Le "banquier" qui gère des sommes parfois colossales et qui a pignon sur rue a Saint Louis du Sénégal, Agades, ou Nouakchott, Tanger et..... Sfax, Chebba .... est chargé de percevoir et de conserver les fonds; il n'est censé les remettre au passeur que si le migrant rejoint l'Europe sans être inquiété.

En règle générale, l'accord prévoit que le migrant puisse tenter sa chance plusieurs fois sans supplément, si la première tentative vient à échouer.

Avec la somme qui lui a été avancée, le connection man organise le passage des clandestins et paie les pots-de-vin aux autorités locales.

Un connection man sénégalais basé à Sfax Tanger a déclaré avoir versé la moitié du prix de la traversée à un armateur local pour qu'il se charge
d'acheter le silence de la marine et de la garde nationale .

Voila comment les choses se passent et arrêtez les faux semblants débiles

Mais c'est pas tout : il y a en amont toute une ingénierie logistique qui implique d'autres autorités locales

Puisqu'il faut un certain temps avant de réunir assez de migrants pour remplir un bateau, les migrants sont rassemblés dans un centre d'hébergement en attendant le départ.

Ils y sont LOGES ET NOURRIS , moyennant une somme d'environ 25 euros par jour qui représente bien sur un revenu supplémentaire pour le connection man.

Les centres d'hébergement clandestins, très bien connus par notre police, sont a titre d'exemple les suivants

Bordj Louzir , gouvernorat d'Ariana, Cité Bahi Laghdam : Cité Ettahrir, Tunis,
Quartier Lafayette, Tunis ; Quartier Essobkha, Gabes; Quartier du port , Chebba, Poudriere 1, Sfax

Ces centres d'hebergement constituent un petit écosystème local : Les employés du connection man, appelés « guides », préparent les repas et assurent la prise en charge des migrants lesquels bénéficiant en contrepartie d'un passage sans frais.

'? leur arrivée au centre, les migrants doivent remettre au connection man leurs cartes SIM, pour des raisons de sécurité.

Lorsqu'arrive le moment du départ, les clandestins doivent payer leur passage jusqu'au point d'embarquement, le plus souvent une plage isolée sous le contrôle du propriétaire du bateau.

La plage de Chatt Memmi, gouvernorat de Bizerte par exemple, est sécurisée par la Garde Nationale locale. qui veille a ce que l'embarquement nocturne ne soit pas perturbé .........

Il est arrivé que des réseaux de trafiquants rivaux se disputent âprement certaines de ces plages ( Chebba )
GZ
Remerciements
a posté le à 12:25
Bonjour.
Très instructif.
D'où tenez-vous tout cela ?
Tél que vous le décrivez, le système est si bien organisé et hiérarchisé, petites mains et grands manitous, qu'il semble impossible à éradiquer, à la manière de la mafia italienne.
Bien à vous
Nephentes
Le drame de la rétention d'information en Tunisie
a posté le à 14:18
Il s'agit d'un rapport d'une ONG internationale EuromedRights

Elle réalise des entretiens avec les migrants illégaux en Italie et travaille avec des ONGs tunisiennes telle que la FTDES, que je blâme pour son silence

FT
Rappel ou quand la mémoire est courte
a posté le 19-10-2022 à 06:29
En 2019, année de accession, il a appelé à s'attaquer aux causes de l'immigration clandestine qui sont la pauvreté et le chômage, disait-il.
En 2022 et après le drame de Zarzis, il appelle à chercher les causes de ladite immigration clandestine.
DHEJ
Ca ne m'enseigne rien...
a posté le 18-10-2022 à 21:35
Maus rappelle le verset coranique suivant:

" Ceux qui ont fait du tort à eux-mêmes, les Anges enlèveront leurs âmes en disant: « Où en étiez-vous ? » (à propos de votre religion) « Nous étions impuissants sur terre », dirent-ils.

Alors les Anges diront: « La terre d'Allah n'était-elle pas assez vaste pour vous permettre d'émigrer ? »

Voilà bien ceux dont le refuge est l'Enfer. Et quelle mauvaise destination"

Verset 97 sourat Ennissa

Bref ceux qui sont partis sont les croyants et nous qui restons, nous sommes ...

Les mosquées ne rapportent plus!