La commission parlementaire des finances, de la planification et du développement a organisé, ce mercredi 14 février 2018, une séance d’audition de la commission tunisienne des analyses financières (CTAF) pour obtenir des éclaircissements sur les circonstances qui ont entouré l’inscription de la Tunisie sur la liste noire de l'Union européenne des pays les plus exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme.
Etaient notamment présents, le président de la CTAF et gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Chedly Ayari et son secrétaire général Lotfi Hachicha.
M. Hachicha a souligné, lors de son intervention, que l’inscription de la Tunisie sur cette liste est injustifiée. Pour contester cette classification, M. Ayari, le président de la CTAF, a dressé une lettre officielle en décembre 2017. Deux jours avant la réunion de Bruxelles, le GAFI a changé l’intitulé de la rubrique, en réponse à la demande à la Tunisie. Mais, selon M. Hachicha, le mal était déjà fait.
Le SG a précisé que la Tunisie est le 1er pays à être jugé sur les nouvelles normes de 2016 du GAFI. Côté rating, le pays est bien classé ayant répondu conforme à 26 recommandations sur 40. Après que le chef du gouvernement ait signé, en janvier, le décret incriminant le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, le rating est passé à 27/40. Ce qui est mieux que l’Irlande (26/40), la Norvège (22/40), le Danemark (21/40) et la Hongrie (18/40) mais moins bien que la Suisse (31/40), a cité comme exemple, Chakib Al Adib, colonel à la douane et détaché à la CTAF dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent. Tous ces pays ne font pas partie de la liste noire européenne, a-t-il précisé.
M. Al Adib explique, ainsi, que la Tunisie est aux normes en termes de conformité technique, mais ne l’est pas en termes de faisabilité effective. En effet, lors de l’évaluation, un seul jugement a été émis contre des faits de corruption. Les notes de la Tunisie sont insuffisantes et pour atteindre cette faisabilité effective, il faut la conjugaison des efforts de toutes les forces vives du pays.
La Tunisien est considérée par le GAFI comme un pays à surveiller et un plan d'action a été mis en place pour améliorer le rating de la Tunisie. Le GAFI a reçu des engagements de haut niveau de la part de l’Etat tunisien et, en aucun cas, le pays n'a été non-coopératif, a martelé Lotfi Hachicha, en affirmant que la semaine prochaine lors de la réunion de Paris, «le monde entier verra les avancés de la Tunisie en la matière».
S’agissant de ce qui est demandé à la Tunisie pour améliorer son rating. M. Hachicha a précisé qu’il se résume en 5 points : l’organisation du Registre du commerce ; un positionnement contre l’expansion des armes de destruction massive ; la vigilance des professions non-financières comme les avocats et les comptables ; le gel immédiat des avoirs des terroristes avec le déclanchement d’un simple mécanisme (le décret gouvernemental a été déjà promulgué le 4 janvier dernier) ; le soutien de la CTAF par des moyens supplémentaires.
Pour sa part, Chedly Ayari a affirmé assumer son entière responsabilité en tant que président la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF), en notant que « tout le monde commet des erreurs ».
Revenant sur les faits, il a indiqué que l’UE s’est basée, dans sa classification de la Tunisie, au rapport du Groupe d'action financière (GAFI) dont l’intitulé était faux et qui a été corrigé. «Je suis allé à Beyrouth où j’ai rencontré le président du GAFI qui s’est excusé pour la faute commise», a-t-il noté.
Et d’ajouter : «L’UE n’a pas le droit d’établir cette liste. Il y a un étonnement sur cette intervention musclée et arbitraire. Les parlementaires n’ont aucune idée sur les risques en Tunisie. Il n’y a aucun doute qu’il existe des raisons politiques derrière cette décision».
Le président de la commission des finances et élu du Front Populaire, Mongi Rahoui, également présent, a estimé que la CTAF devait émettre des alertes pour qu’elle soit entendue et aidée et pour éviter son entrée sur cette liste noire. Il a estimé que le gouvernement a une part de responsabilité dans cette classification et que Youssef Chahed veut se dérober de sa responsabilité. Pour lui, il fallait que M. Chahed aille au parlement européen pour connaitre les raisons de cette classification et faire le lobbying nécessaire pour sortir la Tunisie de cette liste.
M. Rahoui a déclaré que le chef du gouvernement devrait venir à l’ARP afin d'être interrogé. Pour lui, il faut mettre en place une commission d’enquête pour déterminer les responsabilités et non pas soumettre cette affaire à un simple vote.
I.N