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Chroniques
Jabeur, la prochaine fois, brûle une ambassade
30/04/2014 | 1
min
Jabeur, la prochaine fois, brûle une ambassade
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Par Marouen Achouri

Il y en a marre d'écrire sur Jabeur Mejri. Marre de tourner et de retourner cette injustice dans tous les sens en espérant lui trouver une explication ou lui prédire une fin. Jabeur Mejri a été condamné, de nouveau, le 29 avril 2014 à huit mois de prison ferme pour outrage à agent.

Inutile de rappeler la saga Jabeur Mejri. L'essentiel est de savoir qu'il est victime d'une injustice et qu'on la déjà privé de plus de deux ans de sa vie, sans aucune raison. Apparemment ça ne suffit pas. Les autorités trouvent qu'il doit passer huit mois de plus en prison. Soit ! S'il est coupable de cet outrage à agent qu'il soit condamné et qu'il purge sa peine, on est dans un Etat de droit parait-il. Mais est-il possible de ne pas s'indigner contre le deux poids-deux mesures flagrant dans cette histoire?

On ne cessera de le rabâcher, la justice tunisienne est malade. Elle s'acharne sur certains et est clémente, voire complaisante, avec d'autres. Les assaillants de l'ambassade américaine, un certain septembre 2012, ont été arrêtés et punis. Qu'ont-ils eu comme jugement? 2 ans de prison avec sursis. Autrement dit, pas un jour de prison, pas un jour de détention, pas un jour de privation de liberté.

Que reproche-t-on au juste à Jabeur Mejri dans cette pseudo-affaire d'outrage à agent? Jabeur Mejri a été convoqué pour une confrontation, il s'est présenté à la date prévue mais un greffier lui a dit qu'il s'était trompé de date, Jabeur aurait perdu son sang froid et aurait insulté le greffier en question. Résultat des courses, outrage à agent et huit mois de prison ferme. Emprisonné injustement depuis plus de deux ans, Jabeur Mejri aurait du garder son sang froid et rester impassible quand on l’a trainé de tribunal en cellule…

L'hypocrisie manifeste d'un tel jugement n'est pas à démontrer. On s'acharne sur Jabeur Mejri parce qu'il a commis l'impardonnable, il s'est permis d'ébranler des croyances séculaires et d'exprimer une opinion divergente. On le lui fait payer encore une fois avec cette condamnation à huit mois de prison. D'aucuns diront que ce n'est pas grave, que ce n'est pas une peine lourde, qu'il n'a qu'à tirer son temps et il pourra rentrer chez lui après. Les tenants de ce type d'argumentaire sont adeptes du commerce de principes. Cet homme est injustement emprisonné, il ne devrait même pas faire un jour de prison, le débat s'arrête là. Quand on nous bassine avec l'Etat de droit, la primauté de la loi et l'égalité de tous devant une cour de justice, on est en droit d'être intransigeants. Par ailleurs, il n'y a aucune garantie pour que Jabeur rentre chez lui après ces huit mois supplémentaires. Cela s'est vérifié tout au long de la saga. On peut tout à fait lui inventer autre chose pour le garder en prison, ce ne serait pas une première en Tunisie.

Le chef d'accusation est aussi très intéressant. "Outrage à agent", que de pratiques peuvent être classées sous cette dénomination! Pourtant, la susceptibilité de "l'agent" dépend de celui qui a commis "l'outrage". Prenons l'exemple de Adnène Mansar qui refuse de se présenter devant un juge. Il y là outrage à la justice et non à un simple agent. Mais s'agissant d'un conseiller présidentiel, la justice devient beaucoup moins susceptible. On peut également citer notre fabuleuse assemblée nationale qui outre la loi, la justice, le peuple et l'opinion publique chaque fois que cela est possible. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux sont impliqués, de différentes manières, dans des affaires en justice. Mais là, on brandit la sacrosainte immunité parlementaire. Plus cynique encore, Abderraouf Ayadi avait distribué des dessins irrespectueux envers le prophète en pleine assemblée. Le même acte reproché à Jabeur Mejri. Mais lui c'est un élu, donc ça ne compte pas.

En perdant son sang froid, Jabeur Mejri aurait dû aller passer ses nerfs sur une ambassade au lieu d'insulter un greffier. Mieux encore, Jabeur Mejri aurait du faire en sorte d'être élu, ainsi il aurait pu se cacher derrière son immunité. Ca lui aurait même donné le droit de faire, en prime, de beaux discours sur la loi, la justice et la dignité.

La justice n'est pas la même pour tous en Tunisie. On pourra multiplier les beaux discours et s'extasier devant les envolées lyriques, ceci reste un fait. Selon le métier qu'on fait, selon la place qu'on occupe au pouvoir, parfois même selon l'origine et le statut social, les jugements varient. Dans un pays qui a fait une révolution pour réclamer la dignité, on reste loin du compte. On fait même du zèle dans certains cas.

Il est temps qu'on libère ce pauvre bougre de Jabeur Mejri. Il est temps qu'il reprenne une vie normale et redevienne un anonyme parmi d'autres. Il est temps pour lui d'arrêter de faire la une des journaux et de déchainer les passions. Il veut juste reprendre sa vie et on le lui refuse.
30/04/2014 | 1
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